#outsideisfree ou trompeuse gratuité

  • #outsideisfree

Le populaire mot-clic #outsideisfree claironne sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Sur Instagram, près de 2,5 millions de photos en portent la mention. On parle ici de clichés d’amateurs de plein air (surtout des cyclistes) qui s’éclatent dans la nature. Certains prennent la pose. D’autres, au contraire, sont en pleine action. La constante? Tout le monde jouit d’un intense moment de bonheur, d’autant plus qu’il est gratuit.

Mais l’est-il vraiment ? Pas selon Jie He, professeure à l’École de gestion de l’Université de Sherbooke. Au dire de cette économiste de l’environnement, il est notamment possible d’accoler une valeur au cadre même de ces photos. «La nature est gratuite au sens monétaire du terme, mais pas subjectif. Tout le monde peut contempler un paysage sans rien payer : il est là depuis des milliers d’années ! Mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas de valeur dans l’œil de celui qui le regarde», explique-t-elle.

Bien sûr, cette valeur subjective de la nature est très difficile à mesurer ; elle dépend, entre autres, de la satisfaction et de l’utilité qu’un individu en tire. Une chose est sûre, toutefois : dans un contexte d’urbanisation croissante et de «dépendance» aux écrans, elle est à la hausse. «C’est comme lorsqu’une personne est assoiffée: la valeur subjective d’une bouteille d’eau est dès lors plus élevée que sa valeur monétaire, qui n’est pourtant que de quelques dollars», illustre l’experte.

Les photos coiffées du mot-clic #outsideisfree occultent en outre le coût de l’équipement pour aller jouer dehors. Idem pour les droits d’accès aux parcs nationaux, régionaux ou municipaux, des impôts versés pour entretenir les routes qui y mènent ou du simple coût de renoncement inhérent à ce choix – on ne travaille pas pendant ce temps-là. «La nature appartient à tout le monde et à personne à la fois, de là l’idée qu’elle est gratuite. Par contre, les photos publiées qui la mettent en scène, elles, sont la propriété d’individus et de réseaux sociaux», fait aussi remarquer Jie He. Non, jouer dehors n’est pas gratuit.