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Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
Les ambassadeurs nous envahissent!
Sur les réseaux sociaux, les ambassadeurs sont partout. Impossible de les éviter. Ils s’affichent comme des représentants de marques et mettent en valeur, parfois avec peu de subtilité, les compagnies avec lesquelles ils concluent des partenariats. Pour les entreprises de plein air, c’est la stratégie à la mode pour rejoindre les consommateurs. Que cache cet univers et comment fait-on pour devenir ambassadeur ? Géo Plein Air a enquêté.
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Chaque printemps, dès que les cours d’eau se libèrent de leur prison de glace, Taiga Board, une compagnie québécoise de planches à pagaie, est inondée. Pas par le débordement des rivières, mais par des courriels de personnes plus ou moins connues. « Aujourd’hui, tout le monde veut devenir ambassadeur. La raison est simple : les gens sont à la recherche de rabais ou carrément de gratuité », constate Nicolas Jolicoeur, 41 ans, cofondateur de l’entreprise.
Taïga Board n’est pas la seule firme fortement sollicitée. La compagnie de vêtements de plein air Chlorophylle et les caméras Sony nous confirment l’existence de ce phénomène. « De plus en plus de gens sont à la recherche d’une façon de monnayer leur passion », ajoute Pierre Villeneuve, formateur technique et numérique chez Sony Canada, une multinationale qui possède son lot d’ambassadeurs, dont Catherine Simard, qui compte 130 000 abonnés sur Instagram. Ce réseau social, axé sur le contenu photo, est considéré comme une plateforme de communication dominante chez les ambassadeurs, loin devant Facebook.
Toutefois, ce n’est pas parce que les réseaux sociaux regorgent d’ambassadeurs en tout genre qu’il est aisé d’en devenir un. Malheureusement, même si votre compte Instagram compte 10 000 abonnés, où l’on peut vous admirer en maillot de bain sur toutes les plages de la planète, cela ne veut pas dire que vous susciterez l’intérêt des experts en marketing. « Les Instababes attirent peu les marques », s’entendent pour dire les spécialistes Jenève Gervais et Marie-Hélène Leclerc, de l’agence Republik.
Car les entreprises ne recrutent pas des ambassadeurs uniquement pour leur portée sur les réseaux sociaux. Leur quête, c’est de dénicher des références dans leur domaine respectif. Éric Deschamps, ambassadeur de la Sépaq et de Chlorophylle, est un photographe animalier réputé, dont les images enchantent les réseaux sociaux. Alexis Pageau, animateur de l’émission Hooké, est un expert de la pêche à la mouche. Normal que Sail l’ait recruté comme partenaire. Hugo Lavictoire, fondateur de KSF, une école de surf, de SUP et de kayak à LaSalle, représente Taiga Board. « L’authenticité et la crédibilité sont deux caractéristiques primordiales pour les marques », explique Jenève Gervais, éditrice de contenu à l’agence Republik.
Un ambassadeur, qu’il soit plus ou moins connu, c’est une personne qui représente une marque dans une relation à long terme. « C’est quelqu’un avec qui nous concluons une sorte de mariage. L’ambassadeur ne fait pas que porter nos vêtements ; il travaille de concert avec nous, teste des vêtements et nous donne de la rétroaction. Pour obtenir ce statut, il faut qu’on l’adore, et l’inverse doit être aussi vrai », explique Claudie Laroche, responsable du marketing et des communications chez Chlorophylle, une entreprise de Chicoutimi qui compte quatre ambassadeurs officiels.
Si vous voulez devenir ambassadeur d’Abitibi&co., un fabricant de canots en fibre de verre de Rouyn-Noranda, en vue d’obtenir une embarcation à bon prix, apprenez à canoter comme un pro au plus vite ! « Non seulement vous devez être un bon pagayeur, mais les valeurs de notre compagnie doivent couler dans vos veines », explique Alexandre Nadeau, responsable de ce volet. Vous devez montrer entre autres de l’intérêt pour la protection des rivières. Si vous avez participé à une manifestation contre la pollution, c’est un atout.
L’erreur à éviter pour l’aspirant ambassadeur, c’est de contacter des compagnies avec qui il n’a aucune affinité naturelle. Par exemple, Pierre Villeneuve se fait constamment aborder dans les salons par des photographes qui rêvent de devenir ambassadeurs de Sony. Le hic, c’est qu’ils ne travaillent pas avec des produits Sony. « Que vous soyez hyper talentueux ne change rien. Nous ne voulons pas d’ambassadeurs qui changent de marque », soutient Pierre Villeneuve.
Ambassadeurs contre influenceurs
À la différence des ambassadeurs, les influenceurs fonctionnent complètement différemment. Ces derniers vendent leur réseau, leur reach, comme on dit dans l’univers des réseaux sociaux, et non leur expertise. Plus leurs abonnés sont nombreux sur toutes leurs plateformes, plus leur collaboration coûte cher. « Leur association avec une compagnie est davantage épisodique, comme pour le lancement d’un produit », dit Marie-Hélène Leclerc, gestionnaire de contenus à l’agence Republik et aussi créatrice du compte Instagram Dormir dehors.
L’influenceur, comme une vedette de télévision ou un animateur de radio, peut vanter les mérites d’une veste de ski de fond, même s’il ne fait du ski que le temps d’une séance photo. « Les influenceurs ne sont pas des créateurs de contenus très sophistiqués. Ils livrent davantage leurs impressions personnelles », soutient Alexis Pageau, ambassadeur de plusieurs marques pour lesquelles il produit du contenu visuel.
Un influenceur peut annoncer des promotions, alors que l’ambassadeur évitera autant que possible, mais pas toujours, de faire de la pub traditionnelle. Son but : ne pas lasser son public et ne jamais déroger à sa ligne éditoriale. « Ceux qui le font perdent en authenticité », considère Jenève Gervais. Les influenceurs, me disent les experts du phénomène, n’ont pas la cote dans les marchés de niche comme le plein air. « Nous cherchons des porte-parole crédibles », signale Nicolas Jolicoeur, de Taiga Board.
Autrement dit, l’ambassadeur, c’est la version plus noble de l’influenceur. C’est quelqu’un qui attirera du monde dans un salon grâce à son expertise. Puisque ce statut confère un prestige, les compagnies cherchent donc à limiter leur nombre, afin de conserver une aura d’exclusivité autour de ce statut, qui n’est plus réservé aux vedettes comme Tiger Woods.
Pas juste pour produire des billets
Que fait un ambassadeur ? Ses fonctions varient d’une entreprise à une autre, mais grosso modo, son travail se compare à un consultant qui donnera un coup de pouce selon les besoins. « Les ambassadeurs font partie de notre garde rapprochée. Ils nous fournissent du contenu pour nos plateformes numériques, répandent la bonne nouvelle sur leurs propres réseaux sociaux, nous donnent un coup de main dans les salons et participent à des séances photo », indique Nicolas Jolicoeur.
Quant aux photographes, ils animent des ateliers, en classe ou sur le terrain, et donnent des conférences. « Dans notre cas, l’ambassadeur peut faire essayer des canots à des clients potentiels », explique Alexandre Nadeau, d’Abitibi&co. Dans d’autres cas, les ambassadeurs font carrément la vente de produits. C’est ce que font les ambassadeurs de Taiga Board qui sont propriétaires d’écoles de SUP.
Si les ambassadeurs prolifèrent, c’est que les compagnies en ont besoin. Comment rejoindre les 18-34 ans autrement que sur les plateformes des réseaux sociaux où ils passent leur vie ? Dans les premières années de Taiga Board, fondée en 2014, leur rôle a été crucial. « C’est avec leurs photos et vidéos que nous avons réussi à percer le marché », souligne Nicolas Jolicoeur.
L’entreprise de planches à pagaie s’attaque maintenant au marché ontarien et compte sur des ambassadeurs locaux comme fer de lance. « L’an dernier, nous avons acheté de la publicité sur Google, croyant que ce serait suffisant pour pénétrer ce marché. Or, ce n’est pas magique. Nous réalisons que, sans une présence réelle sur le terrain, la conquête du marché ontarien sera impossible », estime Nicolas Jolicoeur. Lors de notre entretien, ce dernier était en période de recrutement dans la province de Doug Ford. À qui la chance ?
Relation gagnant-gagnant
Les entreprises vont chercher du contenu, de la crédibilité et un lien plus direct avec le public grâce aux ambassadeurs. Mais que retirent les ambassadeurs de cette association ? En général, ils obtiennent du matériel gratuit ou à bon prix et profitent d’occasions de voyage. Peu se font rémunérer pour porter ce titre et publier des photos sur Instagram, sauf les vrais de vrais créateurs de contenus, comme Alexis Pageau, qui est aussi vidéaste et photographe. « En plein air, rares sont les ambassadeurs québécois qui gagnent leur vie uniquement de cette façon », soutient Jenève Gervais.
Par contre, leur association avec une entreprise augmente leur crédibilité. Quand vous vous affichez comme ambassadeur d’Arc’teryx, cela démontre le sérieux de vos démarches. « Ça m’a donné confiance dans mes projets. Je me suis senti encadré », raconte Tristan Hogue, un aventurier de 22 ans qui représente les marques Arc’teryx et Nemo. Les marques moussent également leurs ambassadeurs. Plus on devient populaire, plus on gagne en influence, plus on peut monnayer sa personne.
Pour le photographe animalier Éric Deschamps, dont les magnifiques clichés font beaucoup réagir sur Facebook et Instagram, son statut d’ambassadeur pour la Sépaq et Chlorophylle lui permet de continuer sa quête photographique sans faire de compromis et de partager sa passion avec le plus de monde possible. « Bien que je continue à travailler à temps partiel, j’aurais maintenant les moyens de vivre de mon art », dit-il avec satisfaction.
Encadré #1
Comment devenir ambassadeur
Vous rêvez d’être ambassadeur dans le but d’augmenter votre notoriété et de vous balader en vêtements techniques dernier cri ? Avant de contacter diverses compagnies, préparez-vous. « Quel est votre profil ? Quels sont vos comptes sur les réseaux sociaux ? Quelles grandes aventures avez-vous réalisées ? Que pouvez-vous apporter à l’entreprise ? Peu de gens font l’exercice, croyant que nous allons facilement mordre à l’hameçon », avertit Caroline Cossette, consultante en communication et en marketing pour Arc’teryx, qui est bombardée de demandes.
Si vous n’avez jamais proclamé votre amour pour les produits de la marque visée, votre appel restera sans réponse. « Vous devez aussi vous distinguer sur les réseaux sociaux. C’est quoi votre style de vie ? Est-ce que vous êtes une source d’inspiration dans votre communauté ? » ajoute Nicolas Jolicoeur, de Taïga Board.
[Encadré]
Ambassadeurs, qui êtes-vous ?
Éric Deschamps
Ambassadeur Sépaq et Chlorophylle
Instagram : 12 000 abonnés
Photographe animalier autodidacte, il partage sa passion pour la grande nature gaspésienne.
Tristan Hogue
Ambassadeur Arc’teryx et Nemo
Instagram : 2500 abonnés
Cet aventurier qui a gravi 30 sommets de plus de 3000 m en 30 jours en Suisse en 2019 part cet été, si COVID le veut, faire la traversée des Alpes scandinaves au pas de course.
Alexis Pageau
Ambassadeur Gosselin Photo, Lévis Toyota, Hooké, Loop Tackle, Sail et la Sépaq
Instagram : 37 000 abonnés
L’animateur de l’émission Hooké diffuse des photos sensationnelles de pêche à la mouche et de plein air.
Mariepier Bastien
Ambassadrice Taïga Board et June Swimwear
Instagram : 7700 abonnés
Cette adepte de la vanlife publie les photos de ses pérégrinations dans le monde.
Catherine Simard
Ambassadrice Sony et Gosselin Photo
Instagram : 142 000
Cette photographe a fait des spectaculaires photos de nuit sa marque de commerce.