Présenté par Tourisme Gaspésie
Destinations

Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Passion déshydratation

  • Repas déshydraté par Jean-Christophe et Cécile

De plus en plus d’adeptes du plein air poussent encore plus loin le concept d’autonomie en préparant leur propre nourriture déshydratée. Notre collaboratrice s’est intéressée au phénomène… au risque d’y prendre goût elle aussi.

À la fin août 2020, Jean-Christophe Séguin et Cécile Janin ont foulé chaque kilomètre de la portion québécoise du Sentier international des Appalaches (SIA). Comme si ce défi dans l’arrière-pays de la Gaspésie n’était pas assez exigeant, le couple a fait preuve d’audace en préparant tous ses repas déshydratés. Afin de se nourrir pendant 35 jours de randonnée en autonomie, les aventuriers ont fait sécher 140 généreuses portions pour leurs dîners et soupers, ainsi que quelques collations. Crinqués, vous dites ?

S’il avait déjà pas mal de kilomètres dans les bottines, le duo était encore novice dans cette discipline culinaire. Plusieurs mois précédant leur randonnée, les néophytes ont effectué quelques tests avant de se lancer dans leur marathon de déshydratation. Durée de l’exploit : huit semaines. « Cela représente quand même deux mois de cuisine intense ! Nous cuisinions des chilis et des dahls dans d’énormes casseroles en pleine canicule estivale », se remémore Cécile. Leur déshydrateur fonctionnait à plein régime, jour et nuit. En fin de parcours, les cuistots randonneurs ont dû se doter d’un second engin pour gagner leur course contre la montre.

Les attraits des sachets maison

Du point de vue d’un non-initié, la tâche paraît colossale. Des heures et des heures de labeur, considérant qu’il faut d’abord cuire la plupart des repas avant d’en extraire l’eau et que certains aliments mettent parfois une demi-journée, voire 24 heures à sécher… Pourquoi donc se taper tout ce travail quand on peut tout simplement acheter des repas lyophilisés tout prêts, à la fois savoureux et nutritifs ?

Bien pratique, la bouffe lyophilisée qu’on trouve en magasin est néanmoins très onéreuse. En effet, la lyophilisation, qui consiste à congeler les aliments avant de retirer l’eau qu’ils contiennent, est un procédé très coûteux. Dans le commerce, on peut s’attendre à payer entre 8 $ et 18 $ pour une portion d’un plat principal. Du luxe facile à s’offrir lorsqu’on fait une excursion de 48 heures, mais qui fait mal au portefeuille quand on s’évade en forêt ou sur l’eau durant des jours, voire des semaines.

Cet investissement, Jean-Christophe Séguin et Cécile Janin n’étaient pas prêts à l’assumer. Mais pas question non plus de se nourrir de pâtes en sachet de style Sidekicks ou de nouilles ramen pendant plus d’un mois ! « Les options économiques sont moins intéressantes sur le plan nutritionnel, ainsi que pour ce qui est du goût et de la texture. Déshydrater nous-mêmes nos repas tout en choisissant ce que nous mettions dedans nous a permis d’avoir des repas équilibrés et végés », indique le randonneur au long cours, qui évalue le coût de ses repas séchés à 3 $ par portion. « Même en faisant fonctionner le déshydrateur 24 h sur 24, c’est très économique, car celui-ci ne consomme que très peu d’électricité. Pas économique en temps, mais en argent ! » concède-t-il.

Au-delà des économies alléchantes, c’est d’abord la réduction des déchets qui a motivé le couple à créer son propre menu lyophilisé. « À la maison, nous tendons vers le zéro déchet. Mais en randonnée, c’est plus compliqué parce que les repas et les collations sont souvent suremballés », se désole Jean-Christophe Séguin. Sa copine et lui ont donc conservé chacun des sacs Ziploc qui contenaient leurs repas, sans exception. « Nous les avons tous lavés à notre retour et nous les réutilisons ! » se félicitent-ils.

Maryse Dubreuil

Pour Maryse Dubreuil, c’est avant tout le désir de manger des repas complets et vitaminés qui fait ronronner à longueur d’année, depuis plus de deux décennies, son Excalibur, le nec plus ultra des déshydrateurs. « Auparavant, lorsque je faisais du camping ou de la longue randonnée, ce qui me manquait le plus, c’étaient les légumes. Il n’y en avait pas assez dans la nourriture du commerce. Et puis traîner des légumes frais, ça fait l’affaire un jour, deux tout au plus, mais c’est lourd et ça prend beaucoup de place », explique l’amatrice de nourriture déshydratée. Carottes râpées, chips de zucchini, pâte de tomates déshydratées (appelée aussi « cuir de tomates »), poudre d’oignon, salade de chou, craquelins de légumes… Avec le déshydrateur, suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien à des kilomètres de toute civilisation devient possible.

Il est aussi possible de manger bio, d’opter pour une alimentation végétarienne ou d’éviter les agents de conservation et les additifs alimentaires. « C’est tellement plus facile de manger des repas santé, équilibrés et savoureux ! » s’émerveille Maryse Dubreuil, une maman pour qui les collations séchées ne sont pas réservées qu’aux sorties en camping.

Alexiane Huard

« La satisfaction de manger un repas que tu as toi-même cuisiné puis déshydraté alors que tu es dans le bois depuis dix jours, ça n’a pas de prix ! » jure quant à elle Alexiane Huard. La jeune randonneuse de 25 ans se souvient encore de l’extase éprouvée lorsqu’elle s’est délectée de son tout premier repas déshydraté maison, un chili englouti au refuge du Quartz dans la vallée de la Matapédia, sur le circuit du SIA.

« Faire de la déshydratation me trottait dans la tête depuis longtemps, mais je n’avais pas 400 $ à mettre dans un déshydrateur. Et j’avais peur de ne pas réussir. Toutefois, plus je faisais de la randonnée, plus je voyais la pertinence de déshydrater mes propres repas », raconte celle qui doit à la pandémie le coup de pied au derrière nécessaire pour se lancer dans cette aventure.

En effet, une pénurie de repas lyophilisés dans les magasins de plein air de sa région l’a convaincue de dépoussiérer le déshydrateur de son copain (un Hamilton Beach valant moins de 100 $) et de laisser ses appréhensions de côté. Ainsi, pendant que le Québec pétrissait du pain, Alexiane apprenait les rudiments de la déshydratation. Quelques semaines plus tard, elle filait sur le SIA durant dix jours en solo avec ses plats maison. L’expérience a été concluante. « Depuis que j’ai touché au déshydrateur, je n’ai plus jamais racheté de repas lyophilisés ! Ç’a changé ma façon de m’alimenter en pleine nature », confirme l’amatrice de randonnée.

L’appétit vient en déshydratant

Alexiane Huard

Jean-Christophe, Cécile, Maryse et Alexiane ne sont pas des exceptions. De plus en plus d’adeptes du plein air se lancent dans la déshydratation de leurs vivres.

« La déshydratation est très populaire. C’est fou le nombre de personnes qui me contactent pour obtenir des renseignements sur le sujet ou me demandent des solutions quand ils rencontrent un problème. Je n’en reviens pas ! » s’étonne Odile Dumais, auteure du livre La gastronomie en plein air. Considéré comme la bible de la déshydratation au Québec, son ouvrage, d’abord publié en 1999, a fait l’objet d’une réédition bonifiée en 2015. En plus de partager plus de 70 recettes gourmandes, l’auteure y livre des notions sur la nutrition, les techniques de déshydratation, la planification des menus et le matériel requis pour se concocter des mets gourmets et nutritifs en dehors de la maison.

Les réseaux sociaux ont sans aucun doute contribué à ouvrir l’appétit des pleinairistes pour la cuisine déshydratée. « Quand j’ai commencé à pratiquer la déshydratation, il y a plus de 20 ans, je faisais beaucoup d’essais et d’erreurs. J’ai tout appris sur le tas, se souvient Maryse Dubreuil, qui ne jurait que par l’ouvrage d’Odile Dumais. C’était la seule qui en parlait à l’époque. Dans les magasins à grande surface, nous ne trouvions pas d’appareils servant à éliminer l’humidité, comme c’est le cas aujourd’hui. »

En 2015, année où elle s’est procuré son premier déshydrateur – elle a fait ses premières armes au four –, cette fervente d’aliments séchés a créé un groupe Facebook – La déshydratation des aliments Québec (le meilleur groupe) – dans le but d’échanger avec d’autres adeptes. La fièvre n’a pas tardé à se propager : la communauté virtuelle compte aujourd’hui plus de 10 000 membres qui s’échangent des recettes, des trucs et des conseils.

Un second groupe Facebook (Kareen – l’aventurière des bois), consacré spécialement à la déshydratation pour le plein air, a émergé l’an dernier. « Il y a une différence entre des aliments déshydratés qui seront consommés à la maison et ceux qui le seront à l’extérieur, à commencer par le contenant d’entreposage. À la maison, les aliments peuvent être conservés dans des pots Mason, alors que pour une randonnée, rares sont les gens qui vont traîner des contenants de verre lourds et encombrants », fait valoir Kareen Brochu-Harvey, instigatrice de cette communauté virtuelle. C’est d’ailleurs la rencontre de randonneurs déshydrateurs qui a incité cette fille de plein air à faire de même. Elle s’apprête d’ailleurs à accomplir le même exploit que Jean-Christophe et Cécile pour sa traversée du SIA. Le printemps dernier, Kareen Brochu-Harvey a également lancé une série de vidéos d’introduction à la déshydratation sur sa chaîne YouTube destinée à la longue randonnée.

Odile Dumais

Odile Dumais s’emballe de voir jeunes et moins jeunes lui emboîter le pas. « Cet engouement me réjouit énormément. Les gens s’alimenteront mieux et seront en meilleure santé », déclare la spécialiste, qui déshydrate depuis 1977.

« Nous investissons beaucoup d’argent dans l’achat d’une super tente, d’un super sac de couchage, de super bottes, mais nous ne voulons pas trop dépenser pour la nourriture », analyse la reine québécoise de la bouffe gourmet en plein air. « J’ai toujours dit à mes clients : nous allons jouer dehors pour être en bonne santé. Alors pourquoi mangerions-nous du jerky avec des nitrates dedans ? Une bonne alimentation et l’activité physique, ça va ensemble », estime celle qui a enseigné l’alimentation en plein air et guidé nombre d’expéditions.

« La déshydratation s’avère une excellente option pour concocter des repas abordables tout en mangeant aussi bien qu’à la maison », résume Odile Dumais. Autrement dit : l’essayer, c’est l’adopter. Parole d’une gastronome !

 

Des conseils pour se lancer

> Il n’est pas nécessaire de casser sa tirelire afin de se procurer un rutilant Excalibur à neuf plateaux dont rêvent tous les passionnés de déshydratation ! De nos jours, on trouve des déshydrateurs dans les magasins à grande surface et à tous les prix, de 50 $ à 500 $. Les appareils d’entrée de gamme font amplement le travail, surtout pour s’initier.

> Faire des tests à la maison au préalable et s’y prendre d’avance. Rien de plus facile que de cuisiner une plus grosse quantité d’un délicieux chili le lundi soir et d’en déshydrater quelques portions en vue d’une sortie en canot-camping le week-end suivant.

> Commencer avec des aliments simples à déshydrater, comme des fruits, des légumes, de la mousse de crevettes ou du houmous.