Le renouveau du traîneau

GPA: Ce programme est-il la base d’une formation pour mushers?
F. P. Surtout pas. Quand on suit une formation, on met ses énergies à avoir le diplôme, pas à réfléchir à ce qu’on est en train d’apprendre. Or, ce programme éducatif et éthique pour le traîneau à chiens se présente comme un document de réflexion sur le sport et une occasion de prendre conscience que les connaissances sur ce sujet ont beaucoup évolué depuis les années 1950.
En quoi les connaissances ont-elles évolué?
F. P. Tout comme l’équitation, la pratique du traîneau à chiens doit beaucoup aux traditions militaires, selon lesquelles les actions suivent les principes de l’ordre et de l’obéissance. Les Autochtones avaient, eux, une façon bien différente d’utiliser leurs chiens de traîneau, mais nous avons hérité, en Amérique du Nord, des méthodes disciplinaires de pratiquer le sport. Dans les années 1950, le musher légendaire George Attla, un Amérindien d’Alaska, a commencé à développer une approche très différente du chien de traîneau et, au même moment, la science du comportement animalier, l’éthologie, a vu le jour. Ces deux influences ont mené à un changement radical dans la façon d’aborder l’activité, en témoignant plus de respect à l’animal. Cette approche, qui suscite le bon sens de l’animal plus que sa soumission, a déjà imprégné l’univers des courses de traîneaux à chiens. Chez les coureurs, on observe un changement d’attitude par rapport aux chiens, attitude plus axée sur la communication et moins sur la discipline. Mais le traîneau à chiens récréatif n’a pas suivi cette tendance.
En quoi consiste exactement ce changement d’attitude par rapport au chien?
À travailler en harmonie avec les chiens; il ne faut pas oublier que ce sont eux qui nous font vivre! Il faut faire en sorte que leurs comportements soient adaptés aux situations vécues, il faut éviter de les contraindre à adopter un comportement qui n’est pas adapté à la situation. Si on lui impose un comportement, il va être sur le mode défensif, ce qui n’est ni agréable ni sécuritaire. Avec ce programme, nous voulons aussi démythifier certaines fausses croyances sur ce sport, par exemple celle qui voit l’organisation des chiens de traîneau sur le modèle de celle des loups. C’est totalement faux. Un animal captif, comme le chien de traîneau, n’a pas de territoire, mais un espace délimité. Et il n’y a aucun chef de meute chez les chiens, car aucun de ces chiens n’est censé subvenir aux besoins des autres, contrairement à ce qui se passe chez les loups. Enfin, le chien de traîneau est un chien comme les autres, mais il possède un peu plus d’aptitudes physiques. Tout comme avec les autres chiens, le maître n’a pas besoin d’exercer sa domination sur l’animal; celui-ci ne décrypte pas, de toute façon, le mode comportementaliste humain, c’est un chien! En revanche, il peut très bien reconnaître le dominant parmi ses congénères à travers la façon qu’il a de se déplacer ou l’odeur de ses urines. Toutes ces connaissances sur les chiens et leur implication dans l’activité nous semblent très importantes. Quand on commence à mettre le doigt là-dessus, on veut en apprendre toujours plus! C’est tout le comportement du musher et l’expérience du touriste qui s’en trouvent améliorés. Bref, il faut travailler à sa relation avec le chien et non à l’exercice de l’autorité.
Une sorte de psychologie comportementaliste pour le chien et son maître?
C’est vrai que ça a un lien avec la psychologie. Quand tu fais du traîneau à chiens, tu te sens bien, libre, tu découvres des territoires. Et en cherchant à savoir qui est ton chien, tu en viens à te découvrir un peu toi-même. Ne dit-on pas «tel chien, tel maître»? Cette approche zen replace un peu l’animal dans sa propre réalité, lui qui ne fait pas les choses sur le mode bien/mal, mais sur le mode des coûts et des bénéfices: confort/inconfort, plaisir/désagrément, etc. Nous n’avons rien inventé dans ce programme et nous ne voulons pas imposer cette approche à qui que ce soit. Nous avons juste le désir de partager avec  les mushers les connaissances dont nous disposons depuis plusieurs décennies.
 
Repères: Ce programme a reçu l’aval d’Aventure Tourisme Québec et sera diffusé, dans un premier temps, auprès des meneurs de chiens certifiés AEQ. Il peut être offert «à la carte» selon les besoins spécifiques des guides. Chenil des Grands Versants, 750, rang 7, Sainte-Sophie-d’Halifax. Info: 819 362-5434 ou www.lesgrandsversants.com; Aventure Écotourisme Québec: 450 661-2225, 1 866 278-5923 ou www.aventure-ecotourisme.qc.ca.