Cuisine de poche
Sur les tablettes des marchands, bon nombre de réchauds classiques, à la conception éprouvée, occupent encore les tablettes. Toutefois, de nouveaux venus ou des vétérans aux versions améliorées commencent à se tailler une place. Il n’en fallait pas plus pour qu’on se décide à faire quelques tests. Mais avant, quelques considérations techniques.
Faire un choix
Quand vient le temps de choisir un réchaud, il faut tenir compte de plusieurs facteurs, qui sont, dans une certaine mesure, interreliés. Première considération : le combustible. Parmi les plus populaires, on retrouve le naphte et le gaz de pétrole liquéfié (GPL). Ce dernier est entreposé dans des cartouches pressurisées contenant un mélange de butane, d’isobutane et de propane. Comme la pression de vapeur est différente pour chaque combustible – en lien avec la capacité du gaz à se vaporiser et à garder une pression interne stable –, cela amène les fabricants à proposer une combinaison de carburants (généralement 80 % d’isobutane et 20 % de propane) afin de permettre une utilisation sous la barre de 0 °C (jusqu’à -20 °C dans certains cas). Une cartouche moins chère, composée essentiellement de butane, cessera de fonctionner à l’approche du point de congélation.
Le naphte, quant à lui, est un combustible liquide offrant les meilleures performances par temps très froid. Facilement disponible en Amérique du Nord, il peut cependant être difficile à trouver ailleurs dans le monde. Sa capacité énergétique est plus faible que le gaz de pétrole liquéfié (44,5 MJ/kg1 comparativement à 49,8 MJ/kg pour le GPL) et, surtout, les brûleurs nécessitent un entretien plus fréquent, un pompage occasionnel pendant l’utilisation, sans compter que les réchauds au naphte coûtent plus cher à l’achat. Toutefois, pour un usage répété ou de longue durée, ceux-ci sont plus économiques (seulement du point de vue du combustible, on peut considérer que l’utilisation de cartouches de GPL représente une dépense quatre fois plus importante que celle du naphte). L’allumage d’un réchaud au naphte nécessite une période de préchauffage qui crée souvent de la suie, et les opérations de cuisson à feu doux sont plus délicates. Pour les longues expéditions où des températures très froides sont prévues et au cours desquelles faire fondre de la neige est chose courante, le naphte s’avère un choix logique. Pour les sorties occasionnelles et de courte durée (ou en altitude, alors que l’oxygène se fait plus rare), rien ne bat les petits réchauds avec cartouches de GPL. Notons d’ailleurs que, malgré certaines réticences des fabricants, il est possible d’utiliser les cartouches de GPL d’un fabricant avec le réchaud d’un autre ; la plupart des grands fabricants utilisent la valve Lindal (mais pas tous…). Par exemple, un appareil MSR peut être utilisé avec une cartouche Primus. Plutôt pratique!
En matière de combustible, il y a aussi l’alcool méthylique. Il s’agit d’un combustible qui brûle proprement, mais qui dégage peu de chaleur (29,9 MJ/kg) ; son utilisation est donc plutôt limitée. On trouve également des réchauds à bois (biomasse), aux performances très variées et dont la facilité d’utilisation diffère d’un produit à un autre. Enfin, les réchauds multicombustibles, qui peuvent brûler du naphte, du gaz de pétrole liquéfié et du kérosène principalement, sont intéressants. En revanche, on devrait éviter d’utiliser de l’essence pour automobile, en raison des additifs qui peuvent être nocifs. Ces réchauds très polyvalents sont plus coûteux à l’achat, mais plairont aux voyageurs au long cours.
Évaluation des réchauds selon différents critères
La performance. Autant que le combustible, c’est un critère de première importance… et malheureusement le plus difficile à évaluer. Quand on pense à la performance, on pense puissance et rendement. La puissance est indiquée par le nombre de BTU/h (ou kW). Le BTU/h (British Thermal Unit per hour) est l’unité impériale qui correspond à la quantité d’énergie nécessaire pour élever de 1 °F la température de 1 lb d’eau. Par exemple, 3412 BTU/h équivaut environ à 1 kilowatt (kW), donc 1000 W. La puissance des réchauds de camping varie de 3000 à 12 000 BTU/h, alors que celle d’un barbecue domestique joue dans les 30 000 BTU !
Toutefois, la puissance brute n’est pas toujours égale à l’émission d’une plus grande chaleur. L’efficacité du réchaud peut dépendre du design des composants (pare-vent, échangeur de chaleur, contrôle de la pression, jets, etc.) et des conditions d’utilisation réelles (vent, température et pression extérieures, type de gamelle, encrassement des jets, etc.). Par conséquent, les données sur la puissance et le temps d’ébullition publiées par les fabricants sont à considérer avec prudence. Par exemple, pour ce banc d’essai, la plupart des tests ont été réalisés avec une gamelle en acier inoxydable (moins efficace pour la conduction de la chaleur que l’aluminium), et dans des conditions réelles (léger vent et avec des cartouches parfois à moitié vides). Résultat : nos données se sont révélées moins bonnes que celles du fabricant. Une évidence.
De plus, certains temps d’ébullition sont indiqués pour un volume de 1 litre d’eau, alors que d’autres le sont pour seulement 500 ml. Enfin, en lien avec le rendement ou l’efficacité du brûleur, la cote de consommation de combustible est un facteur trop souvent négligé, car difficile à évaluer. Ainsi, un réchaud destiné à faire fondre de la neige le plus rapidement possible émettra une grande chaleur au détriment de sa consommation, ce qui se traduira par l’achat (coût) et le transport d’une plus grande quantité de combustible (poids et volume). Donc, un réchaud moins puissant pourrait être plus économique à long terme.
En guise de point de repère, sachez qu’il faut compter environ 100 ml de naphte par jour par personne, en été, et doubler ce volume pour une utilisation hivernale. Dans le cas des cartouches de GPL, 60 g par jour par personne est une bonne évaluation, mais cela dépend grandement du mélange utilisé (pourcentage de propane et d’isobutane), du type de cartouche (renversée ou droite, avec régulateur interne de pression ou non) et de la température extérieure ! Bref, la performance est un facteur crucial qu’il est difficile d’évaluer sur le terrain. On devra se fier en grande partie aux données du fabricant et faire ses propres tests avant l’expédition.
La stabilité. Renverser sa gamelle de soupe bien chaude est non seulement désagréable (bonjour le dégât !), mais c’est également dangereux à cause des risques de brûlure. Un réchaud qui s’« assied » solidement sur une surface, même inégale, lui confère un atout majeur, et cette qualité est directement proportionnelle à l’empattement des pieds et à leur forme. Il faut aussi considérer le support à gamelle comme tel ainsi que la hauteur totale de l’ensemble. Par exemple, un réchaud au GPL qui se fixe sur la bonbonne de gaz sera moins stable qu’un autre équipé d’un fil d’alimentation, et ce, pour une gamelle de même taille.
La facilité d’utilisation. Au-delà des considérations d’allumage et de cuisson, certains réchauds peuvent se replier afin d’en diminuer le volume lors du rangement. Génial. Mais cette opération qui peut s’avérer délicate peut carrément devenir difficile par temps froid, quand on a les doigts gelés. Il en va de même pour la valve de contrôle de la flamme, qui, dans certains cas, est difficile à manipuler en raison de son positionnement, de sa taille ou de sa forme.
Le coût. Le prix du réchaud est certes un critère important à considérer, mais celui du combustible et des pièces de rechange (dans le cas des appareils au naphte) l’est tout autant.
Le bruit. Généralement passé sous silence (!), le bruit est un critère de moindre importance, soit, mais qui vaut la peine d’être pris en compte. Imaginez le bruit d’un avion à réaction chaque fois que vous faites votre café du matin…
Le poids et le volume. Plus léger et moins volumineux, c’est toujours mieux, évidemment, mais encore faut-il que cela ne nuise pas à la stabilité, à la solidité et à la durabilité de la pièce d’équipement. Le poids du réchaud seul, n’est pas représentatif de la masse réelle à transporter. Il faut en effet considérer aussi le combustible et les gamelles. Dans certains cas, les gamelles incluses dans l’ensemble s’arriment au brûleur, et le tout (brûleur, combustible, pieds stabilisateurs) se loge à l’intérieur dans un récipient pour constituer un objet facile à ranger dans le sac.
L’entretien. Les réchauds au naphte demandent beaucoup plus de soin que leurs équivalents au GPL. Ces derniers possèdent en effet peu de pièces mobiles et brûlent leur combustible plus proprement. Les appareils au naphte demandent, dans certains cas, un nettoyage des jets à chaque utilisation (facile et rapide, toutefois), et un entretien de la pompe et des joints d’étanchéité à l’occasion. Les réchauds au naphte nécessitent de traîner avec soi une trousse de réparation et d’entretien, au cas où.
1MJ : mégajoule (un million de joules).