Le Pentathlon des neiges

Vélo, course à pied, patinage, ski de fond et raquette, tel est le menu du Pentathlon des neiges La Vie sportive de Québec, plus grand événement sportif hivernal au Canada avec 2450 participants en 2010. Tel était le menu, devrait-on dire, car avec l'hiver printanier que nous connaissons, les organisateurs et les participants en ont vu de toutes les couleurs. Gilles Morneau était sur place et raconte sa drôle de fin de semaine.
Photos : Pentathlon des neiges

Jeudi soir. Devant l'établi dans le garage, j'enseigne à Zac, 9 ans, comment refaire la cire de glisse de ses skis, en prévision du Pentathlon des familles et des amis Merrel. Dehors, le vent siffle, les bourrasques font vibrer la grande porte. C'est pas un temps pour sortir dehors. Au même moment, sur le site du Pentathlon, point le plus élevé des Plaines d'Abraham, c'est l'apocalypse. Les rafales de vent atteignent les 100 km/h, jetant par terre les passerelles, arrachant les panneaux de coroplast des commanditaires et les charriant au-dessus du fleuve jusqu'à Trois-Rivières, propulsant ainsi la renommée de l'événement vers de nouveau horizons.

Mère nature n'a eu aucune pitié pour les organisateurs cette année. L'anneau de glace destiné au patinage, œuvre maîtresse de cette gigantesque organisation, était fin prêt une semaine avant le jour J, la Zamboni ayant roulé toutes les nuits. Les jours suivants furent tellement chauds que cette belle glace s'est transformée en une mer de gros sel bien juteux. Exit le patinage, l'organisation a appliqué le plan B, soit le remplacement du volet patin par une deuxième étape de raquette. Le parcours de ski en a pris pour son rhume aussi. La température trop douce a empêché la surfaceuse de faire son travail correctement, au grand désespoir de M. Julien, chef-dameur aussi expert que perfectionniste.

Vendredi matin. Le vent n'a pas perdu de sa fougue et c'est une véritable tempête de neige qui bat son plein. Dès le lever, consultons Internet pour l'état de la situation… Congé d'école…YÉ! Congé de pentathlon aussi pour les participants du volet scolaire et du volet corporatif, les deux événements prévus pour cette journée. Phoque! Pas de volet corpo, ça veut dire que l'équipe Géo Plein Air ne pourra prendre sa revanche sur l'équipe INO, qui avait emporté l'or par quelques secondes l'an dernier. Toutes ces heures d'entraînement et de préparation… à l'eau! C'est des blagues… ma préparation s'était limitée à changer le pneu arrière de mon vélo, crevé depuis l'automne. Dommage quand même, je me faisais une joie de retrouver mes partenaires pour souffrir tour à tour au nom du magazine et de l'esprit d'équipe. Heureusement qu'il nous reste le volet familial demain… en espérant que le vent se calme.

Samedi matin. Le vent a baissé, juste assez pour que la journée se déroule normalement. Le matin, c'est le départ du pentathlon courte distance par équipes (10 km de vélo, 4 km de course à pied, 2 km de raquette, 10 km de ski de fond et 4 km de raquette à nouveau). En après-midi, c'est au tour des familles d'envahir le parcours.
La famille Morneau est prête à relever le défi. Nous installons nos pénates dans la zone de transition, récapitulons les étapes à suivre, puis faisons notre échauffement. Zac avait hâte de tester l'efficacité de son fartage. Il faut croire que ça marche, car le vent dans le dos, il avance dans les pistes sans faire le moindre mouvement!

Quelques minutes avant le départ, nous écoutons les instructions de François Calletta, grand manitou de l'événement, qui nous insuffle son bel enthousiasme. « À vos marques, prêts, partez! » C'est ma conjointe Isabelle qui ouvre le bal, courant jusqu'à son vélo Jake the Snake, dans la plus pure tradition des départs style Le Mans. Elle est chaussée de ses espadrilles, qui resteront coincées dans ses courroies de cale-pieds au moment de descendre pour traverser la zone de transition. Ouille! Elle aura un beau steak en souvenir, et les courroies prendront le bord avant le pentathlon longue distance qu'elle prépare pour demain. Léa, 7 ans, est prête pour la course à pied et s'élance comme une balle dès qu'Isabelle lui passe le relais. Après quelques minutes, la pauvre doit presque s'arrêter, tellement elle est à bout de souffle. Isabelle la rejoint et l'encourage dans la longue montée qui les ramène vers la zone de transition. Les deux filles sautent dans leurs raquettes et amorcent leurs deux tours de ce qui était une patinoire dix jours auparavant.

La plupart des familles font le « pantalon des neiges » à cinq coureurs, quitte à inviter un ami ou une cousine. Nous, on est quatre, alors un des jeunes doit faire deux épreuves. Ce qui explique la présence de Léa en course de raquette, sport qu'elle pratique moins souvent que le hockey ou la ringuette, mettons. Ma puce fait son gros possible mais elle manque de jus et maman doit lui rappeler qu'on fait ça juste pour le fun. Alternant marche et course, la larme à l'œil, elle complète courageusement son parcours.

Zac est prêt à prendre le relais, ses skis et ses bâtons à la main, et il doit courir une centaine de mètres à travers la zone de transition avant de pouvoir chausser ses skis. Il est à bout de souffle avant même d'avoir donné la première poussée! Comme promis, je l'accompagne. Il reprend ses esprits et retrouve son beau style de pas de patin. En descendant une longue côte, le vent déchire son dossard, qui lui remonte en pleine face. Il tente de dégager son champ de vision, mais son bâton pique entre ses skis et prend une fouille. Je suis mort de rire, mais j'essaie de garder ça en dedans. Nous repartons et encourageons M. Giguère, qui skie à nos côtés. Chez les Giguère, trois générations font équipe. La plus jeune fait le vélo, son papa la raquette, sa grand-maman la course à pied et son grand-papa le ski.

Le parcours aurait été si beau avec un peu plus de neige et de froid. Nous pataugeons dans une purée de pois mélangée à un peu de terre ici et là. Pas facile de garder une bonne technique. J'encourage fiston : vas-y, t'es capable de rester en déphasé jusqu'en haut de cette côte! Parfait, maintenant saute dans les traces, tu reprendras ton souffle en descendant.
« Papa, je suis sûr que j'ai jamais souffert aussi longtemps… maman va être fière de moi »

« Voilà la dernière partie du tour dont je te parlais… la longue montée, suivie du gros «pitch de la mort» à la fin. Garde-toi du jus. » « Regarde, papa, des attardés devant, on va les rattraper. » « That's my boy! » Zac les double comme promis et, le vent dans le dos, il finit son parcours par un puissant sprint en one-skate qui soulève la foule dispersée de cette fin d'après-midi. Zac et sa soeur auront bien mérité les gâteries amenées par l'amie Hélène, leur fan no 1, qui a bravé le vent pour nous encourager aujourd'hui.

Je termine avec un sprint de 10 minutes en raquettes, puis je rejoins la famille, très fière d'avoir complété l'épreuve. On est loin d'être les premiers, mais on n'est pas les derniers! Tout le monde se retrouve au repas d'après course à l'hôtel Loews Le Concorde. Les trois équipes victorieuses grimpent sur le podium, bientôt rejointes par tous les enfants qui ont participé, pour une émouvante photo souvenir.

Dimanche. Enfin, le vent est tombé et le soleil brille. Isabelle se farcit le « gros » pentathlon, l'épreuve reine de cette fin de semaine. Des centaines de coureurs se côtoient dans la bonne humeur sur les différents parcours. La portion ski est encore plus dantesque que la veille. En tête tout le long de la course, mes bons chums Éric « doc » Tourville et Pascal « l'aubergiste » Bussières ouvrent la dernière étape, le parcours de raquette, plus mou que jamais. Éric brise une raquette et Pascal s'envole avec la victoire. Chez les femmes, c'est Marie-Pierre Raymond qui l'emporte, suivie de sa bonne amie Marie-Josée Dufour. En entrevue d'après-course, tous s'accordent pour dire que la course était plus difficile que jamais en raison des conditions de neige, mais tous soulignent que les organisateurs ont fait des miracles avec ce que mère Nature leur a donné. On se revoit tous l'an prochain, en se souhaitant du froid et de la neige.


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Repères : www.pentathlondesneiges.com