Ce port pétrolier, à Cacouna, on n’en veut pas
Vous la sentez, la grogne qui monte, qui monte? Vous l’entendez, cette rumeur qui se lève chaque matin un peu plus, qui émane des régions du Québec et qui déboule en ville, se propage sur le bitume et dans les tribunes – médias, groupes citoyens, organismes environnementaux? Tout ça fait une sacrée cacophonie.
La grogne gueule: On n’en veut pas de ce port pétrolier, on ne veut pas de ce pipeline, cette cicatrice qui va défigurer le fleuve et déverser son fiel, un jour ou l’autre. On ne veut pas plus participer à cette industrie polluante, cette logique énergétique passéiste et sans avenir. On ne cautionne pas les décisions du gouvernement fédéral en matière d’environnement (ni plus que son «projet de société» sans culture ni solidarité sociale). Ce port pétrolier, à Cacouna, on n’en veut pas.
Parce que tout le monde le sait: un beau matin, ce sera l’accident. À force de tripler le va et vient des bateaux lourds et de décupler leur charge, il arrivera tôt ou tard, le déversement. Alors il y aura des discours de politiciens, et des enquêtes «indépendantes» pour démontrer les lacunes en matière de sécurité, la faute de l’un, la responsabilité de l’autre. Et l’âge du capitaine.
Mégantic, version aquatique.
Depuis 1988, et la campagne «Sauvons nos bélugas» (contre les déversements chimiques dans le fleuve), ces cétacés un peu emblématiques de notre Saint-Laurent n’ont jamais eu la vie facile. Aujourd’hui, ils font figure de symboles d’une lutte écologiste, mais aussi politique, voire altermondialiste.
La preuve que la question devient politique: le député péquiste Sylvain Gaudreault vient de se prononcer publiquement, à Tadoussac, contre les forages qui ont eu lieu – puis cessé jusqu’à la mi-octobre par décision de la Cour supérieure. Gaudreault veut une enquête du BAPE itinérante, qui se déplace pour recueillir l’opinion publique sur la question. D’accord, le PQ n’est pas totalement vierge dans ce dossier, mais bon… c’est de la politique.
Ça a pris 25 ans à des scientifiques comme Robert Michaud pour définir l’habitat du béluga et pour faire admettre qu’il fallait le protéger. «Ça a pris quelques semaines, en 2012, pour que le gouvernement fédéral change toutes sortes de lois canadiennes dont la Loi sur l’évaluation environnementale pour permettre la construction d’un pipeline dans un milieu identifié habitat essentiel d’une espèce en péril», s’insurge l’avocat Michel Bélanger, fondateur du Centre québécois du droit à l’environnement, en charge du recours collectif.
À Tadoussac, ça commence à jouer de la casserole (et on sait comment ça peut finir!), à Cacouna, on attend des milliers d’opposants samedi 11 octobre pour une vaste manifestation. On ne compte plus les regroupements de scientifiques, de citoyens ou d’environnementalistes, les médias qui dénoncent l’extrême danger de ce projet. Et son absurdité, sachant qu’il n’apportera que des ennuis au Québec. Peu de jobs, encore moins de redevances. Tandis que «Coule pas chez nous» inonde les réseaux sociaux, Couillard et son gouvernement restent imperturbables.
«Il y aura une enquête indépendante du BAPE portant sur les travaux finaux du port, et le gouvernement du Québec aura l’obligation, devant la loi, de considérer ses recommandations», explique Michel Bélanger. Il faut s’attendre alors à une longue bataille institutionnelle. L’important, c’est que les médias continuent de diffuser l’action citoyenne et que les scientifiques qu’on a tenté de museler s’expriment librement.»
Vous la sentez, la grogne qui monte, qui monte?
Les avocats du CQDE travaillent presque bénévolement, mais les recours devant les tribunaux coûtent cher. Pour appuyer leurs actions, on peut faire une contribution.
Pour plus d’infos, allez sur www.cqde.org ou visitez la page Facebook du CQDE.