Rencontres aux Calanques
Tout un mistral qui a soufflé l’autre jour, sur le massif des Calanques, cette bande littorale qui sépare la grouillante et ostentatoire Marseille de la raffinée Cassis, dans le sud de la France. Fallait voir les rafales faire pencher les pins d’alep et les buissons de cistes dans les collines de Marseilleveyre! Fidèle à sa réputation, la presse locale avait exagéré l’affaire, annonçant des rafales à 90 km/h et un froid à ne pas mettre le nez dehors. Déçus pour ainsi dire, nous avons bien assisté à quelques bourrasques sur le coup de midi, mais rien à laisser dans les annales météorologiques de la cité phocéenne.
Ces épisodes venteux, même s’ils peuvent vous rendre fous tant ils vous brassent la boîte crânienne, ont le mérite de dissiper tout voile nuageux sur leur passage. Et ça vous fait un ciel d’une pureté absolue, un bleu net et profond, une lumière qui inonde tout en amplifiant les contrastes. Collines d’un blanc calcaire, végétation d’un vert permanent sur fond bleu azur, au bord d’une mer émeraude.
Tout marcheur qui se respecte doit pouvoir s’épivarder, un jour, une heure, sur ces sentiers uniques.
Moi, j’y ai pour ainsi dire fait mes classes, dès l’enfance, sur ces sentiers escaprés, bordés de buissons ardents qui me grafignaient les mollets rougis par les attaques du soleil. J’ai dévalé ses cascades d’éboulis en appliquant la méthode empruntée au ski de descente: les deux pieds parallèles en alternance de gauche à droite. J’y ai vécu des chutes mémorables, des pannes sèches en montée sous un soleil de plomb, des essoufflements carabinés sur des dénivelés interminables. J’y ai vécu aussi de sacrées belles découvertes au détour des sentiers sinueux, des moments de grâce à voir pointer, en contrebas, l’annonce d’une baignade rafraîchissante après des heures de marche.
Les Calanques, c’est tout ça, et bien plus encore qu’un terrain de jeu exceptionnel. C’est l’expression d’une culture locale, profondément méditerranéenne, faite d’un pique-nique improvisé sur la garrigue, le dimanche après-midi au cabanon, le souper qui s’éternise sous la tonnelle. C’est un milieu fragile, ancré dans une agglomération d’un million d’habitants, c’est un territoire lorgné par les développeurs immobiliers et leurs projets résidentiels. Mais c’est aussi une chasse gardée par de farouches comités de citoyens, par de dynamiques et passionnés clubs de marche ou d’escalade qui la sillonnent toutes saisons. Ce sont aussi des zones poissonneuses bien connus des pêcheurs locaux – et des clubs de plongée! Cette année, le massif des Calanques doit devenir un parc national, une occasion d’observer comment s’orchestre déjà le partage d’un territoire qui a tant d’utilisateurs!
À travers ces « Rencontres aux Calanques », je me propose de vous présenter ce lieu exceptionnel sous un éclairage à chaque fois différent grâce à des sorties accompagnées: amateurs de rando, géologue, expert de la flore, pêcheur, grimpeur, plongeur, environnementaliste… Une occasion d’observer les visions différentes que peuvent avoir tant d’adeptes; Et aussi de mieux comprendre les enjeux d’un territoire protégé en milieu urbanisé.