Présenté par Tourisme Gaspésie
Destinations

Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

À la découverte de la Nicolet

Pourquoi parcourir 1000 km avant de mettre votre canot à l’eau quand la rivière près de chez vous attend impatiemment de faire votre connaissance ?

Au printemps, j’ai décidé de concocter ma propre microaventure : pagayer la dernière portion de la rivière Nicolet, du village de Sainte-Monique jusqu’à son embouchure dans le fleuve Saint-Laurent, à 10 km en amont de Trois-Rivières. J’ai vécu à Nicolet durant dix ans au bord de cette rivière sans jamais me donner la peine de réaliser une telle excursion. Entre-temps, je suis pourtant allé me frotter à la rivière Broadback en territoire Eeyou Istchee Baie-James en 2022, à plus de 1000 km [NDLR : lire La rivière de l’humilité dans l’édition de l’été 2023].

Si la descente d’une grande rivière du Nord demeure une expérience unique dans une vie, nous boudons tout de même trop souvent les plans d’eau qui traversent nos milieux de vie, sous prétexte que le courant est trop faible, que ce n’est pas assez dépaysant ou tout simplement par méconnaissance des lieux. Pourtant, je suis encore remué en pensant à tout ce que j’ai découvert sur les flots d’un cours d’eau que je voyais tous les jours. Il est bien naïf de croire qu’on est familier avec une rivière avant de l’avoir naviguée pour la peine.

La dernière portion de la rivière Nicolet suit le rang de l’Île, entre Sainte-Monique et Nicolet. Incontestablement le plus beau parcours de vélo de la région, le rang de l’Île est celui où Bernard Vallée, mon compagnon de canot, et moi avons roulé le plus souvent ensemble. Ses paysages vallonnés contrastent avec les alentours, typiquement plats. Les petits élevages de bœufs et de chevaux Clydesdales sont les derniers témoins d’une agriculture à hauteur humaine. De nos vélos, nous pouvons admirer la rivière au bout des champs. À l’exception du pont de Sainte-Monique et celui pour entrer sur l’île à la Fourche, à Nicolet, la rivière demeure à bonne distance de la route. Impossible de s’arrêter pour la voir de près. Elle conserve ainsi une aura de mystère. Cette expédition de canot était pour nous l’occasion de la découvrir sous un autre angle.

 

Un niveau d’eau fluctuant

Le niveau de l’eau n’est jamais très élevé à Sainte-Monique. Avec toute la pluie tombée dans la semaine et les dégâts causés dans Charlevoix, je n’aurais pas cru commencer le parcours en risquant d’échouer sur les roches. La fenêtre demeure courte pour naviguer certains secteurs de la Nicolet en période estivale ou tard au printemps. Un fait que m’a confirmé Rémi Gaudreau, directeur de Copernic, un organisme de concertation visant la préservation des bassins versants de la rivière Nicolet : « Si l’eau s’accumule rapidement dans cette rivière durant les précipitations, elle s’évacue à la même vitesse. »

Un peu nerveux, Bernard et moi avons pris un certain temps avant de nous lancer. Nous voulions trouver un chemin qui contenait assez d’eau pour passer sans risquer d’abîmer notre embarcation.

« Attention ! » a crié Bernard quelques secondes avant le choc.

Le vieux canot en fibre de verre de mes beaux-parents a encaissé le coup, même si deux des petites digues au centre pour retenir l’eau ont décollé sous l’impact… d’une seconde collision. Dans ma tête, j’ai entendu ma blonde crier encore plus fort que Bernard. L’orgueil du canoteur qui a affronté la rivière Broaback et qui va se planter dans la première roche qui se dresse devant lui a également encaissé le coup !

Plusieurs surprises

Après quelques passages en eau vive de type R1 ainsi qu’un passage à gué, nous nous sommes retrouvés sur de l’eau plus calme. Ces rapides, impossibles à voir de la route, sont dissimulés de l’autre côté de trois petites îles. Nous ignorions leur existence jusque-là.

Située dans une ancienne région forestière, cette portion de la rivière Nicolet a accueilli plusieurs moulins à scie, dont les vestiges ont disparu, comme le saumon d’ailleurs. Victime de cette industrie polluante, il ne remonte plus le courant de nos jours. Plusieurs espèces de poissons sont toutefois présentes dans la rivière, dont la qualité de l’eau serait satisfaisante selon Rémi Gaudreau de Copernic, même pour se baigner. Outre la présence de plusieurs espèces d’intérêt pour la pêche sportive, nous trouvons également quelques espèces menacées ou vulnérables : dard de sable, fouille-roche gris, chat-fou des rapides. Les jeunes pêcheurs que nous dépassons viennent quant à eux d’attraper un doré dont ils sont visiblement très fiers.

 Isolement

Nous naviguons au fond de la falaise, résultat d’un bouleversement géologique exceptionnel pour cette région au plat dénivelé. Il est même difficile d’imaginer qu’une route passe à proximité. Le sentiment d’isolement est vraiment étonnant. Nous nous approchons de la bordure de la falaise afin d’observer de plus près des hirondelles de rivage qui vont et viennent dans leur nid creusé dans la glaise.

À plusieurs reprises, nous repoussons vers l’avant un groupe de bernaches, avec la crainte de les rediriger inutilement vers Nicolet. Entre deux séquences d’envolée, un couple de pygargues à tête blanche s’amuse à faire des manœuvres synchronisées pour notre plaisir. Jamais je n’ai la chance d’en voir à partir de la route. Une rivière demeure sans conteste l’attraction principale pour toutes les espèces du territoire qu’elle traverse.

Pagayer dans la forêt

Une fois arrivés au cœur de Nicolet, nous décidons de nous rendre à l’embouchure de la rivière en empruntant le chenal qui permet faire un petit détour par le fleuve en longeant l’île Moras.

Le chenal de la Ferme est un endroit privilégié pour observer les oiseaux et des tortues. Il permet de rejoindre le fleuve en pleine nature et éventuellement l’embouchure de la Nicolet, lorsqu’on veut faire une boucle et revenir sur ses pas.

Nous prenons un raccourci à travers le bois inondé de l’île Moras. Une fois qu’il est asséché, à l’été, il est possible d’y circuler à pied. Les arbres immergés conservent toutefois une ligne de démarcation sur leur écorce durant toute la saison chaude. En pagayant entre les arbres, nous entendons le bruit d’un porte-conteneurs qui arrive au loin.

Il approche dans la Voie maritime au moment où nous sortons dans le Fleuve. Nous  regardons ce géant passer devant notre canot et s’éloigner en direction de Sorel, avec l’illusion qu’il prend la mer. D’une longueur de plus de 30 km et une largeur de 14 km, le lac Saint-Pierre est si vaste que même les porte-conteneurs finissent par disparaître à l’horizon.

Nous rejoignons l’embouchure de la rivière au bout de l’île Moras pour nous diriger vers la marina de Nicolet, notre point d’arrivée. Après 20 km de coups de pagaie, Bernard et moi allons prendre une bière au bar de la marina avant que je n’appelle ma blonde afin qu’elle vienne nous chercher.

En bref

Une descente en canot de 20 km sur la rivière Nicolet, dans le Centre-du-Québec, de Sainte-Monique jusqu’au grand lac Saint-Pierre dans le fleuve Saint-Laurent.

ATTRAIT MAJEUR

Des paysages et une faune qu’on ne soupçonne pas de la route.

COUP DE CŒUR

Pagayer dans les bayous de l’île Moras.