Plaisirs d’hiver avec les enfants
S’adonner au plein air hivernal avec ses enfants est à la portée de tous, et ce, malgré le temps parfois maussade ou perçant d’humidité, la difficulté de se rendre à certains sites, l’aria des déplacements en habit de neige. Après tout, comme le dit notre grand géographe et père de la nordicité Louis-Edmond Hamelin, «l’hiver est avant tout l’idée que l’on s’en fait». Comment, dès lors, stimuler les gamins, dès leurs premières escapades en sol neigeux, pour en faire des pleinairistes quatre saisons accomplis?
Il faut déjà faire confiance à leur propension naturelle à vouloir jouer dehors, a fortiori quand l’hiver vient de dérouler son tapis blanc à leurs pieds. Mais après leur avoir fait goûter aux batailles de boules de neige, à la création de bonshommes neigeux et à la glissade sur toboggan, il y a plus à faire pour les convaincre de passer à un niveau supérieur d’activités. Pour ça, il existe deux ou trois trucs.
Préliminaires
«Le plus important, c’est de bien choisir l’activité en fonction de l’âge de l’enfant», explique Michel Lebœuf, père, expert en la matière et auteur de l’excellent guide Famille nature. Ainsi, si un loisir demande trop de patience et de temps aux parents pour peu d’intérêt de la part du jeune, ce n’est pas la peine d’insister: mieux vaut trouver quelque chose qui lui plaira d’emblée. Par exemple, en bas de huit ou neuf ans, un enfant s’intéresse rarement à l’ornithologie; pour apprécier cette activité, il doit aiguiser son sens de l’observation, être patient et, surtout, demeurer longtemps immobile…
En fait, plus les enfants sont jeunes, plus les activités doivent être ludiques pour susciter leur intérêt. Il est plus facile de convaincre son rejeton de partir en forêt si on lui dit qu’on s’en va à la recherche d’un animal mystérieux ou qu’on joue à l’explorateur, que si on lui propose simplement une marche en sentier. Les garçons, plus physiques, sont également plus faciles à convaincre si on les entraîne dans une course de raquettes ou qu’on fait appel à leur sens (souvent) inné de la compétition et de la performance.
Cela dit, pour bien cibler le type d’activité, il faut préalablement se demander si l’enfant a la capacité physique de s’y adonner: rien ne presse pour se lancer sur les glaces en kayak, dans un bain polaire ou sur la neige en ski cerf-volant…
Pour mettre sa descendance dans l’ambiance du plein air, on peut déjà lui faire un petit briefing. «Avant de partir en forêt, je vais sur Internet pour montrer des photos d’animaux à mes enfants, ou leur faire écouter des sons, des chants d’oiseaux. Il faut savoir que les enfants sont aussi stimulés par l’ouïe que par la vue, ce qui rend les sorties d’autant plus agréables», dit Michel Lebœuf.
Pour des raisons évidentes liées au froid hivernal, mieux vaut cibler des sorties d’une ou deux heures maximum. Comme les habitants de la forêt, les enfants sont plus en forme de tôt matin, donc il est préférable de partir entre 9 h et midi, à moins qu’il fasse très froid et qu’on annonce un réchauffement en après-midi.
Si la température chute en bas de -20, et à plus forte raison si le temps est venteux, on sort moins longtemps, ou pas du tout. Pas la peine de s’éreinter pour le peu qu’on en retirera. À cet égard, la forêt demeure le meilleur endroit pour éviter de se geler les membres, contrairement aux aires ouvertes (champs, prés, lacs…), exposées aux vents. À moins que le type d’activité ne le commande.
«Quand l’occasion se présente, j’aime bien chercher les verges d’or qui émergent des neiges, et dont le bout en forme d’oignon [la galle] héberge souvent un insecte en train d’hiberner. Non seulement ça fascine les enfants, mais ça attire les mésanges noires, qu’on peut alors facilement observer.»
Enfin, tout juste avant de partir, le passage au petit coin est plus que jamais de rigueur: plus une vessie est pleine, plus elle puise à même les réserves d’énergie du corps pour la maintenir chaude. Conséquemment, on doit moins s’hydrater que l’été; ça tombe bien: le corps transpire moins l’hiver.
Bien se vêtir
Comme pour toute activité de plein air d’hiver, le principe du multicouche s’applique aux enfants, afin qu’on puisse enlever ou remettre une «pelure d’oignon» au besoin. En outre, il faut évidemment emporter des vêtements de rechange, à commencer par une ou deux paires de bonnes mitaines, une tuque et un passe-montagne: la peau de mouflet peut geler très vite, surtout si elle est exposée à des vents glacials.Le problème le plus récurrent demeure évidemment lié au gel des extrémités: pieds et mains sont les premiers à peler de froid, surtout si l’enfant est immobile dans un traîneau ou un sac à dos. La solution? Le faire bouger pour activer sa circulation sanguine. Et emporter, pour les cas extrêmes, des chauffe-mains et chauffe-orteils autochauffants (Warmups, Hot Pad, etc.) qu’on insère dans les mitaines et les bottes. Si possible, on verse de l’eau tiède sur des mains ou des pieds gelés: l’eau est un meilleur conducteur de chaleur que l’air.
Enfin, si les enfants sont très jeunes, ils peuvent avoir de la difficulté à verbaliser la sensation de gel; il faut donc demeurer vigilant et les questionner régulièrement, tout en vérifiant la couleur de leur peau.
Sur place
Idéalement, on part après avoir ingurgité un copieux petit déjeuner et on rentre à temps pour dîner, ce qui nous évite d’avoir à trimballer une surcharge de thermos. Cela dit, il faut quand même parer à toute fringale et, surtout, aux carences énergétiques; barres tendres à haute teneur en kilojoules, chocolat chaud et autres mélanges du randonneur feront l’affaire.
Ceux qui sortent sans téléphone cellulaire (pas toujours utilisable) ou GPS devraient à tout le moins emporter une boussole, une boîte d’allumettes et deux ou trois pansements, en tout temps. Du reste, le GPS peut servir d’incitatif en soi, puisqu’il permet de responsabiliser l’enfant en lui donnant la mission de garder le cap vers un point donné. À défaut de GPS, on peut aussi lui faire faire des relevés topographiques, une activité aussi utile que gratifiante pour lui.
Parmi les autres objets, jouets et gadgets qu’on peut emporter, soulignons des walkies-talkies (pour jouer aux espions ou quand deux parents prennent des directions opposées), des jumelles mais aussi une petite loupe de botaniste, pour scruter les détails d’une plante ou les flocons de neige, d’une infinie variété.
Nos amies les bêtes
C’est là une vérité de La Palice: tout ce qui vit et bouge fascine les enfants, même lorsqu’ils n’ont que deux ou trois ans. Et pendant la saison froide, les occasions de voir évoluer le monde animal se font plus rares, mais elles existent. «En fait, chaque hiver est différent, et il y a des années où on ne voit rien ou presque parce que les animaux ne sortent pas; c’est souvent le cas lorsqu’il vente trop: ils n’aiment pas le vent et ils bougent alors très peu», explique le photographe animalier Michel Blachas, habitué des sorties hivernales.
Cela dit, l’avantage de l’hiver, c’est qu’on aperçoit alors des choses et des bêtes qu’on ne voit pas autrement: ainsi, c’est la meilleure saison pour observer les hiboux, chouettes, nyctales et autres grands ducs, qui s’approchent des villes (mais qui préfèrent les conifères). Sinon, l’absence de feuillage permet de repérer les oiseaux résidants (pics, mésanges, sitelles), qui sont régulièrement visibles parce que en quête de nourriture et parce qu’ils se déplacent souvent en groupe.Enfin, peu importe l’âge des enfants, la chasse aux traces des mammifères et des oiseaux est généralement fort appréciée et fort enrichissante. «En hiver, ce sera les traces de pieds de cerfs de Virginie, de lièvres, de gélinottes et de souris qu’il sera surtout intéressant de découvrir», dit Suzanne Brûlotte dans son guide Observer les oiseaux avec les enfants. Du coup, les petits réalisent qu’il y a beaucoup d’activité en forêt, même si celle-ci n’est pas toujours aisément visible. Quant aux rencontres avec les ours, elles sont inexistantes…
Des activités à privilégier
– Avant huit ou neuf ans, plusieurs enfants rechigneront à l’idée d’enfiler des skis de fond. Par contre, la marche hivernale sur sentier tapé (par exemple au parc du Domaine vert, à Mirabel, www.domainevert.com) et la raquette risquent davantage de les intéresser, d’autant plus que c’est le type d’activité idéale pour prendre part à une chasse au trésor: il suffit de préalablement camoufler quelque chose dans les bois. Sans compter qu’on peut s’y adonner même avec des enfants en très bas âge, avec un porte-bébé ou un traîneau.
– Outre le ski alpin et la planche à neige, qu’un nombre impressionnant d’enfants pratiquent dès le plus jeune âge, le patinage permet de courtes escapades actives, parfois urbaines, parfois dans des parcours aménagés en forêt (comme le Domaine de la Forêt perdue, en Mauricie, www.domainedelaforetperdue.com) ou sur des rivières (la rivière L’Assomption, dans Lanaudière, par exemple), l’essentiel étant de varier le décor en progressant plutôt que de tourner en rond.
– Le traîneau à chiens plaira assurément aux jeunes de tout âge; tant qu’à les initier, autant en profiter pour leur inculquer certains principes d’éthique et s’assurer que le musher traite bien ses bêtes.
– Dans un proche registre, la trottinette des neiges («un traîneau à chiens, sans les chiens», lit-on dans l’ouvrage Le Québec en hiver) gagne en popularité au Québec. L’enfant y prend place, le parent le propulse, et c’est parti! Le parc du Bic (Bas-Saint-Laurent) et les Secrets nordiques (sur le terrain de golf du mont Sainte-Anne, www.lessecretsnordiques.com), entre autres endroits, proposent cette activité.
– Pour le camping d’hiver, mieux vaut attendre que les enfants soient plus vieux, qu’ils aient un minimum d’autonomie. Mais dès qu’ils ont huit ou neuf ans, il est plus qu’agréable de construire un igloo ou une hutte de neige (quinzee) avec eux. Avec les enfants plus jeunes, les yourtes et tentes prospecteur sont plus appropriées. Celles des parcs nationaux du Mont-Tremblant, de la Jacques-Cartier et du Bic sont ouvertes durant l’hiver (www.sepaq.com).
Les suggestions de Michel Lebœuf
Bois Papineau, Laval
Entre la mi-décembre et la mi-février, on y observe assez aisément à l’œil nu la chouette rayée, le grand duc d’Amérique et la petite nyctale. Excellent pour les jeunes de quatre ou cinq ans, ce petit bois urbain est facile d’accès et on marche sans raquettes dans les sentiers. Il est cependant assez fréquenté et un peu bruyant (les autoroutes 440 et 19 sont à proximité).
3235, boul. Saint-Martin Est, Laval
450 662-4901
Réserve faunique de Portneuf, Québec
On s’y rend pour la beauté de l’érablière à bouleau jaune en hiver, le ski de fond (58 km de sentiers), la raquette en famille (9 km de sentiers), mais aussi pour le patin et, surtout, pour les glissades sur chambres à air. Chalets et refuges en location.
229, rue du Lac-Vert, Rivière-à-Pierre
418 323-2021 ou https://www.sepaq.com/rf/por/fr
Parc aérien Laflèche,Outaouais
Un des rares parcs d’hébertisme aérien ouvert en hiver et qui de surcroît accepte les enfants (à partir de 5 ans et de 1 m 30). D’en haut, sans les feuilles, l’expérience permet de voir très loin dans la canopée dénudée, et un réseau de 10 km de sentiers complète le tout. La visite hivernale de la caverne Laflèche voisine peut s’ajouter.
255, route Principale, Val-des-Monts
1 877 457-4033 ou https://www.aventurelafleche.ca
Parc national du Mont-Mégantic(Cantons-de-l’Est)
Pour ses soirées d’astronomie, pour son réseau de 33 km de sentiers de raquettes (dont certains mènent à des refuges et à des tentes prospecteur) et pour mieux admirer Orion (une constellation visible uniquement l’hiver) au coin du feu. En prime, on organise des sorties en raquettes au flambeau, et une chouette glissade est aménagée à proximité de l’ASTROLab.
189, route du Parc
819 888-2941 ou https://www.sepaq.com/pq/mme/fr