Présenté par Tourisme Gaspésie
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Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Mountain River: au bout du Canada

Perdue dans les paysages sauvages des Territoires du Nord-Ouest près de la frontière du Yukon, la Mountain River fait une promesse aux canoteurs aventuriers, celle de pénétrer dans un vaste territoire indompté. Et l’invitation commence dès l’instant qu’on quitte Norman Wells, bourgade nichée au bord du fleuve Mackenzie dont l’activité économique tourne autour de l’exploitation pétrolière.

Première étape du voyage : à bord d’un petit hydravion de six places, notre groupe reste silencieux, chacun rivant ses yeux sur le hublot, sentant monter une excitation alimentée par la beauté des paysages qui défilent. Les montagnes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Les teintes verdoyantes de certains sommets contrastent avec des roches de calcaire, de grès et de schiste, rouges, grises ou noires. Tandis que le dos de certaines cimes s’est arrondi sous l’effet du temps, d’autres montrent des arêtes bien tranchantes. Du haut des airs, cet équilibre, malgré les disparités, nous plonge dans un état presque second, vacillant entre contemplation et fébrilité.

Amerrissage à Norseman Lake, à un kilomètre de portage de la Mountain River. Dès l’hydravion posé, canots, barils et pagaies sont extraits rapidement. Tout va très vite… jusqu’à ce que le départ de l’hydravion, quelques minutes plus tard, produise le dernier bruit de moteur que nous entendrons durant les  19 prochains jours. Nous voilà plongés au cœur d’une vaste solitude, à des centaines de kilomètres de toute civilisation. L’air est frais et léger, la chaleur du soleil nous accueille, nous y sommes : notre petite communauté nomade est prête pour l’aventure.

Pour l’aventure en canot et pour la randonnée. La quantité de treks possibles, qui offrent des vues imprenables sur les environs, est presque infinie. Il ne reste qu’à lacer nos bottes, choisir un sommet et se mettre à marcher. Quand le terrain est humide et gazonneux, la randonnée est calme et reposante. Mais durant l’ascension des crêtes, le terrain devient rocailleux et abrupt. Du vrai hors-piste. La dimension plus sportive de ces randonnées procure toujours une bonne dose d’adrénaline ainsi qu’une immense satisfaction une fois au sommet. Et, surprise !, chaque fois les caribous sont au rendez-vous. Spectacle captivant : ils dégagent une force tranquille. Certains s’approchent tout près de nous, d’autres tracent leur route au loin, à des kilomètres. Ils montrent beaucoup de dignité, avec leur manière de gambader la tête bien haute. Aussi, très prisés par les chasseurs en raison de leur rareté, des mouflons de Dall, que nous avons aperçus seulement de très loin, habitent la région.

Une rivière et six canyons
La descente de la rivière en canot représente un tout autre défi, que nous commençons dès le troisième jour, après deux expéditions consécutives en montagne. Une joie nous inonde dès les premiers coups de pagaie, même sur une eau brunie par le limon en suspension. Après tout, elle est potable et perd de son opacité en cours de route en raison des nombreux affluents limpides qui s’y déversent. Les 330 km à parcourir s’annoncent des plus prometteurs : la seule force du courant nous propulse à une allure de 11 km/h, et la majeure partie du parcours est en eau vive, avec des rapides somme toute peu périlleux. C’est plutôt la succession de six canyons d’environ 1 km chacun qui rend l’aventure intéressante et donne à la Mountain River sa singularité.

Quelques dessins gribouillés sur un bout de papier par un guide de Norman Wells, le matin de notre départ, voilà tout ce dont nous disposons pour prévoir nos manœuvres dans les canyons. Tout un défi que de pagayer entre deux immenses parois rocheuses, d’anticiper le courant qui tasse nos canots vers les falaises et d’éviter les marmites bouillonnantes.

À la sortie du dernier canyon, une heureuse surprise nous attend : une source thermale, que nous aménageons pour une séance de relaxation digne des spas nordiques. Cet épisode apaise nos esprits, mais annonce aussi les derniers milles de notre aventure. Mine de rien, après des semaines de toilette dans une eau si froide qu’elle mord la peau, un bain naturellement chaud est providentiel – malgré l’odeur de soufre qui s’en dégage.

Tout au long du périple, la rivière nous offre des sites de campement extraordinaires. De chaque côté, les montagnes forgent un paysage en mouvance à perte de vue. On ne peut s’en lasser. Lorsqu’il pleut pendant la nuit, certaines d’entre elles se couvrent d’une couronne de neige immaculée. Le soleil ne se couche pas avant minuit au mois d’août. La longueur des journées nous incite à prendre tout notre temps le matin, question de bien profiter de ces panoramas exceptionnels. Café chaud, jeu de tarot et lecture : tout cela prend un nouveau sens dans ce contexte. Tellement qu’il nous arrive parfois de commencer notre journée de canot à 19 h ! La nuit réserve aussi sa part d’étonnement. Presque tous les soirs, des aurores boréales vert émeraude se mettent à valser dans le ciel. Pour notre dernière nuit sur la rivière, nous avons droit à une étonnante conjonction de phénomènes naturels : coucher de soleil d’un côté, lever de lune de l’autre et aurores boréales au-dessus de nos têtes. Nous décidons d’apporter notre touche en nourrissant généreusement un immense feu de joie. La rivière nous a salués ce soir-là, comme si elle voulait laisser un souvenir indélébile dans nos mémoires. À bon entendeur, la promesse de la Mountain River est tenue et continuera de couler… dans nos veines.

Préparer une expédition de canot en eau vive
et en milieu isolé

L’entraînement
Les premiers kilomètres sur la Mountain River peuvent donner une impression trompeuse, laissant croire que quiconque maîtrise les notions de base en canot peut s’en sortir facilement et qu’un entraînement complet avant le départ est optionnel. La rivière remet toujours les pendules à l’heure. Cette anecdote nous l’a enseigné.
Après avoir traversé habilement le premier canyon, nous nous approchons du deuxième. Le soleil brille, la journée est particulièrement chaude, rien ne peut contrarier notre allure pimpante. Le deuxième canyon ne semble pas présenter de danger particulier.

Le duo le moins expérimenté fonce tout droit vers une marmite. Au lieu de rester calme et de préserver la stabilité du canot, le mot d’ordre lancé est « Power ! On la traverse ! »

Erreur. Qu’importe la douceur des rayons du soleil, le plongeon de l’équipage dans l’eau glacée donne des coups de couteau ! La nage forcée et la récupération du canot se font bien, mais l’orgueil en a pris un coup… Et les frissons durent un bon moment.
Respecter la rivière : ce principe mille fois entendu prend tout son sens. L’entraînement rigoureux et la grande expérience de l’équipe ont sauvé la mise ; plusieurs membres du groupe pratiquent chaque année différentes manœuvres d’urgence et, mis à part l’un d’entre nous, tout le monde compte au moins trois expéditions en territoire éloigné derrière la cravate. Bref, il est fortement conseillé de suivre un cours (incluant les techniques de nage en eau vive avec une pagaie dans les mains – l’eau glacée impose une réaction rapide et efficace) pour s’aventurer sur une rivière sauvage. Plus encore, si la majorité des membres du groupe ne sont pas habitués à ce genre de périple, un guide est indispensable.

La nourriture
« Vous deviez avoir hâte de revenir pour manger comme il faut ! » On entend ça bien souvent au retour d’une expédition en rivière. Même sans laitue fraîche ni beurre moelleux à tartiner sur un pain du jour acheté à la boulangerie, le menu d’expédition peut être étonnamment bon et copieux. Il suffit de planifier les aliments à déshydrater avant le départ, bien prévoir les portions et maîtriser la cuisson sur braise. Bien connaître le temps de conservation des différents aliments est aussi important. On est souvent surpris d’apprendre qu’une brique de fromage cheddar bien emballée peut rester près de 10 jours dans un baril et être toujours comestible.

Certes, nous avions la chance de compter parmi nous un chef dont l’expertise pour la cuisine en plein air est plus qu’enviable. Flat bread cuit sur roches ardentes, pizzas gratinées (avec du cheddar non réfrigéré depuis plus d’une semaine !), moussaka, chili et porc effiloché… certains d’entre nous ne mangent pas aussi bien en ville ! Après une journée de canot, et autour d’un feu réconfortant, les aliments prennent toujours une saveur supplémentaire.

Mais cette nourriture doit aussi être protégée de l’avidité des bêtes sauvages. Surtout pour les plus gaffeurs d’entre nous. Les grizzlis rôdent et détectent les odeurs laissées autour du camp la nuit. Lorsqu’un morceau de viande tombe à terre, nous le mettons immédiatement dans le feu afin d’en chasser le parfum. Les barils contenant le reste des aliments sont en tout temps solidement attachés ensemble à quelques dizaines de mètres du campement pour empêcher les bêtes de partir avec l’un d’entre eux.
La gestion des déchets doit se faire avec la même attention. Soucieux de ne jamais laisser de trace derrière nous, nous avons mis au feu les ordures organiques et pris soin de ramener avec nous l’aluminium ainsi que tout ce qui ne se laisse pas consumer par le feu.

Le plan d’urgence
Après plusieurs expéditions en zone reculée, nous savons comment nous préparer et nous n’avons plus tellement la frousse de partir.
Il reste que le danger est réel : se retrouver à plusieurs centaines de kilomètres de tout secours pour descendre une rivière fougueuse comporte certains risques qu’il faut bien identifier. La faune, composée entre autres de grizzlis, d’ours noirs, de carcajous et de loups, est une autre source d’inquiétude non négligeable. Un plan d’urgence complet est nécessaire et a pour effet de rassurer autant les membres de l’expédition que leurs proches.

Nous dressons la liste détaillée de tous les renseignements concernant notre santé, notre itinéraire, nos moyens de communication sur la rivière (téléphone satellite Iridium et dispositif satellite SPOT), les entreprises de plein air à Norman Wells avec qui nous avons fait affaire cette fois-ci, les procédures d’évacuation, en plus de faire un plan de gestion des risques. Les coordonnées de nos familles respectives y sont également recensées.

Pour cette expédition, avoir deux outils de communication n’a pas été de trop : nous avons réussi à transmettre notre position avec le SPOT seulement à quelques reprises, alors que nous avions prévu le faire quotidiennement.Le téléphone satellite a sans doute épargné quelques sueurs froides à nos familles.

Le budget
Préparer ce genre d’aventure prend environ un an. Il faut profiter de ce temps pour mettre des sous de côté. La Mountain River ne se laisse pas découvrir au rabais. La plus grande dépense est sans aucun doute le transport jusqu’à la rivière. Les billets d’avion à destination de Norman Wells ne sont pas donnés, et le vol nolisé vers la Mountain River coûte près de 1000 $ par personne. Par la suite, il faut aussi compter un budget pour l’équipement nécessaire ; plusieurs semaines de canot en eau froide requièrent ce qu’il y a de mieux.

Les entreprises de plein air à Norman Wells ne font pas de cadeau. Les compagnies aériennes demandent également beaucoup d’argent pour les bagages qui ne respectent pas les dimensions habituelles ou qui sont trop lourds. Nous avons rencontré un peu trop tard le propriétaire d’une petite entreprise qui offre plusieurs services à prix plus modiques : Mountain River Outdoor Adventures, menée par le bien sympathique Rick Muyres, est le nom à retenir ([email protected] ou 876 587-2697 en été ; et 011-502-5918-2620 en hiver). Aussi, il faut savoir que la nourriture coûte très cher à Norman Wells. Les économes seront bien contents d’arriver sur place avec des repas achetés avant le grand départ.

Galerie

Mountain River: au bout du Canada