Caravane gaspésienne
photo: Ricochetdesign.qc.ca
La Traversée de la Gaspésie à bottine, c’est l’ambiance inégalable de la traditionnelle TDLG, mais… à pied. L’automne dernier, pour sa première édition, quelque 125 randonneurs exaltés y ont pris part.
La première Traversée de la Gaspésie à bottine n’avait rien à envier aux 13 éditions passées de sa grande sœur, la TDLG en ski de fond. Elle a été tout aussi exigeante pour les marcheurs qui ont réalisé le circuit sans flâner ou sans raccourcir les trajets quotidiens. Mais quel parcours, en plein été indien, au moment même où le National
Geographic classait la région comme le quatrième plus bel endroit du monde pour admirer les couleurs de l’automne !
125 km à pied, ça use, ça use…
Six jours de marche attendaient les participants : deux dans le parc national de la Gaspésie ; deux au nord de la péninsule, en montagne et en bord de mer ; deux au parc national Forillon. Le programme affichait un « raisonnable » kilométrage de 16 à 25 km par jour, mais il faut se méfier de Claudine Roy, organisatrice en chef de l’événement, et de ses « kilomètres gaspésiens » qui rallongent toujours un peu les étapes. GPS en main, au retour en autobus vers Montréal, un des participants me fera le vrai portrait : 125 km de marche avec un dénivelé totalisant 9000 m, avec des descentes et des montées très bien balancées chaque jour. Imaginez l’état des cuisses et des mollets qui ont accompli cet « exploit »… Ils sont fin prêts pour le ski de fond !
La TDLG n’est pas un trek comme les autres, et celle à bottine n’échappe pas à la règle : on se sent dès le départ embarqué dans une aventure humaine dont le but n’est pas seulement de marcher. On rit et on chante aussi beaucoup. À l’heure de l’apéro ou au souper, on goûte à toutes sortes de produits du terroir : du tartare de yack aux poissons fumés des frères Atkins jusqu’à la bière Pit Caribou et au rhum Chic Choc, élaboré avec des herbes et des épices locales.
Surtout, on placote en faisant un bout de chemin avec des inconnus ou des vedettes, et même avec de gentils bénévoles placés aux intersections des sentiers, ou avec d’autres qui ont à cœur de partager leur passion pour leur coin de pays au cours des soirées passées au Gîte du Mont-Albert à Sainte-Anne-des-Monts, ou à Petite-Vallée, à Rivière-au-Renard ou encore, à Gaspé. « La grande famille gaspésienne n’est pas regardante, s’amuse Claudine Roy : elle s’agrandit à la demande, adopte ceux qui viennent admirer ses paysages, partager du plaisir le temps de cette grande fête du plein air et de l’amitié. »
Une épidémie de bonne humeur
C’est une vraie drogue douce… Nombreux sont ceux qui ne peuvent plus s’en passer et qui, les yeux fermés, ont troqué le ski de fond contre la randonnée façon TDLG. Même des étrangers comme la Française Valérie Picard, venue l’hiver précédent : « Je viens retrouver mes amis québécois pour marcher avec eux. C’est une super-expérience à vivre, dans une nature exceptionnelle et dans un cadre très sécuritaire et, surtout, parce que l’ambiance y est très conviviale, autant durant les journées de marche que dans l’après-rando. »
Pour l’ambiance, nous sommes servis dès l’arrivée au Gîte du Mont-Albert, accueillis par deux beaux orignaux, sans compter la musique de la chanteuse et accordéoniste Sylvie Gallant, présente chaque matin sur la ligne de départ et chaque soir à la sortie des sentiers, avec son refrain entraînant : Chausse tes bottines, oui, c’est parti, mes chers amis. L’automne est là tout en couleurs. Marchons d’un pas de randonneur. La traversée, c’est commencé, du mont Albert jusqu’à Gaspé, on n’a pas fini de chanter : la Gaspésie, la liberté. Même durant la journée, la musique est présente avec le duo acadien V’là l’bon temps. Ceux-là suivent les marcheurs à la trace pour égayer leurs pauses dans la montée du mont Albert, au sommet du mont Jacques-Cartier, au phare de Pointe-à-la-Renommée ou sur les hauteurs du parc Forillon.
photo: Ricochetdesign.qc.ca
L’humour aussi est au rendez-vous grâce à un trio de choc pour animer la « caravane » : Pascale Bussières, comédienne et porte-parole de l’événement, Sophie Faucher et Pierre Brassard, maître de l’impro. Ce dernier nous prévient dès le premier soir : « Si vous entendez un souffle derrière vous, ce n’est pas le vent ; c’est moi qui pompe. » « Tous les biorythmes sont ici bienvenus », répond comme en écho Sophie Faucher en faisant référence à la fable du lièvre et de la tortue. En soirée, elle non plus n’a pas son pareil pour faire le résumé de sa journée : « Aujourd’hui, c’était Fort Boyard dans la bouette ! »
Du cœur des monts Chic-Chocs au bout de la péninsule gaspésienne, où se meurt la chaîne des Appalaches après 3000 km d’étirements depuis l’Alabama, il faut être prêt à tout. Le groupe sera finalement choyé côté météo, avec des températures variant de l’estival, pour sa première randonnée au mont Albert, à l’automnal, dans une « tempête de ciel bleu », comme le dira Pascale Bussières. De quoi vite oublier le début, sur roches gelées et glissantes, de la seconde étape du mont Jacques-Cartier jusqu’au lac aux Américains, alors que, durant la nuit, la première neige est tombée sur les sommets environnants !
En cadeau, six jours de paysages d’une variété impressionnante. Le parcours entre montagnes et mer donne en effet accès aux hauts plateaux des monts Albert et Jacques-Cartier, à d’importants sommets comme le mont Saint-Pierre et le mont Saint-Alban, avec le golfe du Saint-Laurent sous les yeux, aux sentiers perdus de la Haute-Gaspésie comme aux galets du littoral de la pointe. Au passage, on se gorge des couleurs mordorées du couvert forestier et des feuilles qui parsèment déjà les sentiers, des échappées visuelles sur le fleuve et ses berges, sur les sommets qui s’égrènent comme un chapelet jusqu’à l’apothéose. Deux jours à marcher dans les entrailles du parc Forillon, au bout de la péninsule gaspésienne. Une vraie marche dans le temps sur la chaîne des Appalaches, plus vieille que les Rocheuses et les Alpes, jusqu’au sommet du mont Saint-Alban où se découvrent enfin le golfe du Saint-Laurent et la côte magnifiquement découpée du cap Bon Ami !
Marcher ensemble
Le groupe est on ne peut plus éclectique, mêlant de jeunes professionnels aux allures de mannequin à d’autres plus vintage. Il y a les habitués des défis sportifs et les contemplatifs. Pascale Bussières, joggeuse à ses heures, se classe dans cette dernière catégorie, éblouie par « le rythme méditatif de la marche, la communion avec la nature, la participation à une telle aventure humaine, qui est une rareté de nos jours ».
À 73 ans, Lise Côté rentre pour sa part d’un trek en Islande et se prépare au ski hors-piste et au télémark qu’elle pratiquera durant l’hiver. Elle est au premier rang chaque matin sur la ligne de départ et une des premières au fil d’arrivée, ne faisant que de courtes pauses sur le sentier. « J’ai de la route à faire et, à mon âge, je n’ai pas de temps à perdre », dit-elle avec un sourire malicieux.
Ex-sportive de haut niveau, fondeuse et cycliste accomplie, Diane Bouchard vit en Gaspésie. « C’est dans ma nature de relever des défis sportifs », confie cette prof de spinning qui dirige aussi une compagnie d’autobus et un centre d’entraînement à Lac-au-Saumon.
Dans cette caravane gaspésienne, Jasmin Préville, quant à lui, est le jeunot de la cuvée 2014. Spécialiste de l’aménagement paysager, ce grand voyageur des tropiques a eu un coup de cœur pour cette expérience « nomade ».
Y participent aussi des novices de la randonnée pédestre. « Tout ce que j’avais avec moi, qui figurait sur la liste d’équipement à emporter, c’est le sac Ziploc », avoue Marie-Claude Rompré, nutritionniste à Trois-Rivières. Comme les autres, elle se souviendra sûrement longtemps et avec nostalgie des « petites montées soutenues » promises par Claudine Roy.
www.tdlg.qc.ca