Route de la Soie // Trop court passage au Kirghizstan


Il a bien fallu quitter Kashgar pour s’engager dans les contreforts du Pamir. Nous nous sommes vite retrouvés dans un environnement sec et rude,  atteignant quelques cols à 3000 m sous un vent furieux en rejoignant la zone frontalière. Frontière particulière entre la Chine et le Kirghizstan, à la jonction de deux mondes si différents.

Le processus pour passer d’un pays à l’autre est assez inhabituel. Le tampon de sortie de Chine est apposé sur le passeport 150 km avant la véritable frontière. Il vaut mieux le savoir car sinon il faut revenir en arrière et donc rouler 300 km de plus sur une mauvaise route comme un cycliste japonais que nous avons rencontré sur place. Puis, à quelques kilomètres de la vraie frontière, les Chinois ne vous laissent passer qu’après confirmation que les Kirghizes vous autorisent à rentrer de l’autre côté.

Tout ce processus prend des heures pour les rares autos et camions, et deux jours à vélo. De manière amusante, je suis donc sorti officiellement de Chine (selon le tampon sur mon passeport) à une certaine date, puis officiellement entré au Kirghizstan deux jours plus tard. Entre les deux, mon passeport montre que je n’étais nulle part. Mission secrète en Afghanistan pas loin de là, petite virée chez les Martiens, personne ne saura.

Et dès que j’ai passé le col marquant la frontière, quel changement! Les vallées rocailleuses du côté chinois ont très vite fait place à de larges prairies à perte de vue. Et ces ondulations verdoyantes viennent buter sur la chaine du Pamir et ses sommets à plus de 7000 mètres. C’est le royaume des chevaux et des yourtes, des ciels immenses qui dominent l’homme et sa terre. Ce fut le coup de foudre immédiat; planter ma tente dans l’herbe profonde, rouler face aux puissantes chaines montagneuses, me laisser bercer par les couleurs changeantes du crépuscule.

Quelques Kirghizes utilisent ces hautes terres comme pâturage d’été, y installent leur yourte qui est démontable, et surveillent à cheval leur petit troupeau. En hiver, un mètre de neige recouvre parfois ces prairies et les bergers se replient sur les rares villages. Une visite aux boutiques de Sary Tash, le seul village sur mon itinéraire kirghize, montre clairement que les gens vivent en relative autarcie. Chaque maison fait son pain (très bon d’ailleurs) et tue un animal de temps en temps pour la viande. Dans les rares boutiques, de la boisson, alcoolique ou non, quelques barres Snickers, des sucreries mais pas grand-chose pour créer des repas.

De notre côté, nous avons ce soir campé face aux 7000 m du pic Lenine et agrémenté nos pommes de terre d’un agneau offert par le responsable de l’immigration de la région. En admirant les étoiles qui s’allumaient au-dessus du massif enneigé, je savais que je reviendrai un jour randonner dans ces hautes prairies.