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Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
Vallée Bras-du-Nord: retaper plutôt que créer
Après une vingtaine d’années d’existence, la coopérative de solidarité Vallée Bras-du-Nord revisite tous ses sentiers. Le but : répondre aux attentes de plus en plus élevées des randonneurs.
Fin octobre, après la saison des couleurs, les randonneurs se font rares. Alors que nous déambulons, seuls, dans le sentier des Falaises, nous apercevons, à l’approche du cap Bédard, à presque 700 m d’altitude, des abris de toile qui brisent la monotonie de la forêt. Nous ne sommes plus seuls.
Entre les arbres, nous remarquons des ouvriers qui manient des pioches. D’autres construisent des ponts de pierre au-dessus de zones humides. Au loin, le son strident de la scie mécanique remplace le chant des oiseaux. La visée de ce chantier : redonner au sentier des Falaises, qui fait 17 km aller-retour, sa noblesse d’antan. Car ce joyau de la Vallée Bras-du-Nord, inauguré en 2006, a perdu de son lustre au fil des années.
Depuis son ouverture, des dizaines de milliers de bipèdes y ont usé leurs semelles, laissant des traces inévitables de leur passage. Dans l’abrupte montée qui marque la première portion du sentier, le chemin pédestre se perd dans les dizaines de raccourcis qu’ont créés les randonneurs. En altitude, le piétinement répété a creusé le sol, devenant des trappes de boue. La végétation généreuse obstrue de plus en plus les points de vue. Si le sentier mérite encore le détour, il manque cependant d’amour.
« Lorsque nous avons tracé ce sentier en 2005, nous n’avions pas encore l’expertise en aménagement que nous avons aujourd’hui. En même temps que le sentier a pris de l’âge, les attentes des randonneurs ont évolué. Nous avons décidé de le mettre au goût du jour, un projet d’envergure qui s’étirera sur deux ou trois saisons », explique Étienne Beaumont, directeur adjoint à la Vallée Bras-du-Nord (VBN), tout en me faisant visiter des zones d’intervention.
La version 2.0 sera plus aérienne, selon la description de ses concepteurs. Les randonneurs sentiront davantage son caractère montagnard. Le sentier sera dévié à plusieurs reprises afin de côtoyer de plus près les falaises qui justifient l’appellation du sentier, un manque évident dans la mouture actuelle. Les points de vue sur la vallée seront multipliés. Le tracé ira chercher également davantage d’attraits naturels, comme des chutes et des milieux humides.
À l’extrémité du sentier, quatre plateformes de camping, qui procureront une vue de haute voltige, seront construites au cap Bédard, une première expérience de camping sommital à la VBN. « Nous sommes en mode projet pilote. Si cela se passe bien et que le public est au rendez-vous, nous espérons exploiter la tendance du camping sur les sommets. Le territoire regorge de possibilités », indique le directeur adjoint. Ces emplacements sur plateforme devraient être disponibles au cours de l’été.
Des sentiers 2.0
Il n’y a pas que le sentier des Falaises qui recevra la visite des piocheurs. Dans les prochaines années, la Vallée Bras-du-Nord entamera un vaste programme de renouvellement de son réseau pédestre de 80 km. « À notre grand étonnement, la randonnée pédestre est de plus en plus populaire. On dirait qu’on n’atteint jamais le plafond. Afin de répondre à la demande, nous avions le choix entre créer de nouveaux sentiers ou retaper nos anciens. Nous avons choisi la seconde option », dit Étienne Beaumont.
La logique derrière cette décision, c’est que les vieux sentiers ne répondent plus vraiment aux attentes des randonneurs expérimentés. « Ce sont des travailleurs forestiers qui ont bâti une grande partie de nos sentiers. Ces gens-là savaient manier la tronçonneuse, mais leur expertise ne s’étendait pas à la conception de sentiers. Il en résulte des parcours moins attractifs », indique Antoine Lebeau, coordonnateur des sentiers.
L’exemple classique du vieux sentier à repenser est celui du Bras-du-Nord, qui relie l’accueil Mauvaise à la chute Delaney. Son itinéraire à flanc de falaises offre étonnamment peu de pauses visuelles. « Des coupes forestières nous ont obligés à fermer ce sentier en 2021, mais il s’agit d’un mal pour un bien, car ce déboisement nous ouvre moult possibilités pour maximiser les percées visuelles. Reste maintenant à faire le repérage du nouveau sentier », dit le coordonnateur. Sa réouverture est espérée en 2023.
L’opération « remise à niveau » a été amorcée en 2020 avec le déplacement du sentier du Castor, plus haut en altitude, au pied d’escarpements rocheux. Situé dans le secteur Shannahan, ce tracé a été rebaptisé, non sans raison, « le Phénix ». « Ses immenses ponts de pierre, longeant des parois rocheuses, en font un sentier à la signature unique », se réjouit Antoine Lebeau.
Faire du neuf avec du vieux, voilà le nouveau credo de la VBN.
Encadré #1
Les défricheurs
Qui sont ces gens qui rafraîchissent les sentiers manuellement à la sueur de leur front ? Ce sont principalement des jeunes en réinsertion sociale participant au projet En marche, qui se déroule à la Vallée Bras-du-Nord depuis 2002.
En 2021, huit jeunes de 16 à 30 ans vivant des problèmes de décrochage, de dépendance ou de délinquance ont déplacé des roches, déraciné des souches, scié des arbres et creusé la terre afin de créer de beaux corridors de marche destinés aux randonneurs et aux vététistes en vacances à la VBN.
En s’engageant dans le projet En marche, les participants reçoivent un encadrement étroit, comprenant des ateliers de gestion du stress et de l’anxiété et des formations en plein air (survie en forêt, canotage, course en sentier, etc.), dans le but de tirer le meilleur parti de leur potentiel. « Nous utilisons la nature et l’aventure en guise d’outils pour faire cheminer les jeunes. Notre approche ne se limite cependant pas à aménager des sentiers. Nous les accompagnons dans toutes les facettes de leur vie », assure Étienne Beaumont, directeur adjoint de la VBN et un des intervenants du programme.
Marc-Antoine St-Germain Champagne, 21 ans, a fait partie de la cohorte 2021. Ce jeune homme était, selon ses dires, dans une impasse entre le travail et les études. « J’avais de gros problèmes », avoue-t-il. En travaillant physiquement dans la nature, Marc-Antoine a appris à gérer ses émotions et son anxiété. « J’ai pu mieux me connaître. C’est aussi le fun de voir le terrain prendre vie », dit-il. L’expérience est tellement enrichissante qu’il espère retravailler à la VBN en 2022. « D’ici là, je vais retourner aux études afin de terminer mon secondaire », affirme-t-il juste avant de reprendre la pioche.
Roxanne Vézina, 21 ans, en est à sa deuxième année à la Vallée Bras-du-Nord. « Ce travail manuel, avec l’encadrement socioprofessionnel, m’a fait découvrir de belles choses sur moi-même », estime-t-elle. Son cheminement lui a révélé la carrière qu’elle aimerait embrasser pour le restant de ses jours : travailler dans le domaine de la protection et de l’aménagement fauniques, à la suite d’une formation offerte à l’École de foresterie de Duchesnay. « Je vais toujours ressentir aussi de la fierté à marcher les sentiers sur lesquels j’ai travaillé. Un jour, si j’ai des enfants, je vais leur montrer ce que j’ai fait », déclare-t-elle en finissant sa pause.
Chaque randonneur ou vététiste peut lever son chapeau à ces jeunes qui s’échinent pour le bien de nos sentiers et la cause du plein air.
En bref
Circuit vedette de la Vallée Bras-du-Nord, le sentier des Falaises subit actuellement une cure de jouvence afin de lui redonner ses lettres de noblesse.
ATTRAIT MAJEUR
La montée initiale, un défi qui nous fait grimper de 250 à 630 m sur 3 km.
COUP DE CŒUR
Les jeunes du Projet en marche qui construisent des sentiers à la sueur de leur front.