Présenté par Tourisme Gaspésie
Destinations

Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Périple en mer intérieure

  • Crédit Guillaume Saint-Pierre

Plus grande superficie d’eau douce au Québec (2335 km2) et possible astroblème le plus vaste de la planète, le lac Mistassini demeure une destination impressionnante pour les pleinairistes. Le lac de tête géant, qui loge à une altitude de 374 m, présente des conditions attirantes pour les kayakistes désirant s’y frotter, mais qui les mettent aussi au défi.

Immanquable sur une carte, le Mistassini, formé de deux étroites bandes aquatiques (12 km de largeur, et longues d’environ 130 km), s’est révélé comme un séduisant projet d’expédition en raison de son immensité, certes, mais aussi de ses particularités. Il abrite une île météoritique du nom de Mintunikus Misaupinanuch et constitue, dans un imposant dédale hydrographique, la source de la rivière Rupert, en plus de posséder un riche passé historique.

En prévision d’une aventure de 10 jours (sans ravitaillement ni réseau cellulaire) totalisant 265 km, notre ange gardien et planificateur André Benoît a imaginé une progression vers le nord, durant laquelle nous pourrions être fouettés par des vents dominants de face dans les premiers jours. Notre trio allait naviguer sur le mastodonte dans le sens antihoraire, avec des objectifs journaliers de 25 à 30 km.

 

Compte tenu de ces étendues d’eau parallèles (les deux « ailes » du lac), nous redoutions la traversée de ces dernières, car nous serions fortement exposés à des fetchs, c’est-à-dire de considérables distances où le vent ne rencontre aucun obstacle et, de ce fait, lève la vague. Pour ce qui est des campements, les sites identifiés grâce à l’imagerie satellite n’étaient pas toujours adéquats : le rivage est rarement sablonneux, et la dense couverture forestière ne permet guère de s’y enfoncer et d’y planter une tente.

L’accès au territoire dans cette réserve faunique nécessite des autorisations de la Corporation Nibiischii, qui gère entre autres ce plan d’eau. « La sécurité demeure une priorité et s’avère notre plus gros enjeu », précise Mireille Gravel, directrice générale de cette organisation responsable de la gestion des risques. Un souci qui se vérifie rapidement sur le terrain : si la mi-juin s’avère une période tranquille côté mouches et pêcheurs, un obstacle aux impacts multiples se dresse, soit la température de l’eau.

Le climat du 50e parallèle

Le jour 1 de l’aventure, place au transport. Sur la route 167, à la hauteur de Chibougamau, nous arrêtons nos véhicules à l’accueil Rupert pour nous inscrire. La route du Nord, non pavée, est ensuite empruntée. Les pantouflards monteront leur tente au camping de la baie Pénicouane, mais cette option ajoute près de 40 km à notre parcours. Nous poursuivons, via des chemins forestiers, vers un accès au lac plus au nord-ouest, lequel nous permettra de naviguer sur l’entièreté du lac selon le temps imparti. Nécessitant des véhicules à quatre roues motrices et une bonne connaissance du terrain, cette avancée laborieuse nous permet de mettre à l’eau nos kayaks en franchissant au préalable un bûcher d’environ 200 m. Heureusement, nous ne sommes pas venus ici pour nous la jouer facile.

Après les premiers coups de pagaie, au sortir d’une baie protégée, on est surpris par l’immensité : si on aperçoit l’autre « rive » (qui n’est finalement que l’archipel au milieu du lac), les horizons au nord et au sud sont infinis. Mais dès qu’on se trouve dans le « grand lac », la température chute de façon draconienne ; celle de l’eau marque 9 oC, et celle de l’air est à l’avenant. À un point tel que chaque première pause matinale exige de sortir les brûleurs afin d’en faire jaillir une revigorante soupe chaude ; même au dîner, un feu est invariablement allumé. Dans un tel environnement, les journées grises et pluvieuses en kayak s’avèrent difficiles, tant physiquement que moralement, et nous en vivrons quelques-unes. Heureusement, la nature lacustre a bien d’autres choses à nous offrir.

Eeyou Istchee l’exceptionnelle

Au royaume de l’épinette noire, les successions de littoral vierge, où l’on trouve peu de campements et de coupes forestières rythme notre progression. À cela s’ajoutent lesformations rocheuses extraordinaires (constructions glaciaires omniprésentes, qu’on ne peut manquer avec leurs stries). Notre cheminement en navigation joue d’ailleurs au yoyo, principalement en raison des vents qui remuent la plus grande étendue d’eau intérieure du Québec ; le ressac ainsi créé n’est pas toujours aidant. Même sans la présence d’Éole, une houle d’un demi-mètre nous rappelle que nous ne sommes pas maîtres ici. Au cours de notre périple, une seule mer d’huile s’offrira à nous, et nous la pagayerons durant 12 heures en guise de remerciements.

Dans un véritable labyrinthe de baies et d’îles ne présentant pas d’élévations suffisamment appréciables qui pourraient nous servir de points de repère, notre avancée au fil du littoral du Mistassini ne peut se faire qu’à l’aide d’une carte. Un GPS est essentiel, et fréquemment, mon acolyte Richard Bissonnette tirera des azimuts qui nous économiseront de précieux coups de pagaie. Il est indispensable d’avoir avec soi un dispositif de communication satellite dans cet univers si vaste que le fait d’entendre un bateau à moteur n’est pas garant de le repérer visuellement. Notre compagnon Luc Cayouette, notamment responsable des communications avec nos proches et de notre progression, se grattera souvent la tête à la recherche de la route optimale, protégée des éléments, et menant à un potentiel site de camping.

Notre seule rencontre humaine a lieu près de l’embouchure de la rivière Rupert et de son incontournable courant. C’est d’ailleurs là que se trouve la « grosse roche », de laquelle le lac Mistassini tire son nom cri. Des pêcheurs, étonnés de rencontrer des kayakistes, taquinaient l’immense omble de fontaine. Quant à la faune terrestre, bien que chaque endroit foulé recelait de multiples traces animales, aucune bête n’a pu être observée.

Du côté d’Opitchouan

Au 51e parallèle, nous franchissons le premier bassin au nord-ouest. La péninsule médiane ainsi traversée, le « retour » s’effectue dans l’aile sud-est du lac, nommée Marcel-Raymond. C’est à cet endroit que se situent la décharge du lac Albanel et la piste historique qu’empruntaient les Premières Nations et les Européens en route vers la baie d’Hudson, soit le portage Opitchouan. L’endroit, qui mériterait d’être mis en valeur, arbore plutôt çà et là d’anciennes infrastructures dans un état de laisser-aller avancé.

 

Pensant avoir les vents dominants dans le dos, notre équipe est très surprise d’affronter des vagues écumantes de près d’un mètre au jour 7, causées par une brise du sud-ouest, néanmoins chaude, qui souffle de la communauté de Mistissini. Par ailleurs, ce segment est davantage peuplé de camps cris au pourtour du lac. Au fur et à mesure de notre avancée, des abris apparaissent peu à peu, ainsi que d’anciennes signalisations de routes de canot-camping.

 

Le paysage montre de plus en plus de falaises dont les strates témoignent clairement de la richesse minéralogique des lieux. Le cap fixé sur l’île Rouleau, laquelle résulte d’un impact de météorite, nous passons une rare caye abritant une faune ailée. Longeant les falaises vieilles de 300 millions d’années, il est aisé d’observer les couches rocheuses successives dont est formée la région. Ce seront les plus hautes falaises observées durant notre expédition, le reste du littoral étant majoritairement plat.

 

Bien qu’il faille une certaine audace pour se diriger franc nord vers une mer enclavée dont la réputation repose plus sur la pêche que sur l’expédition, cette incursion nautique offre une découverte privilégiée d’un territoire riche où l’on peut décrocher comme jamais. Son accessibilité changera à très court terme : la création du premier parc national cri de l’histoire québécoise est projetée, et celui-ci comprendra la totalité du lac Mistassini. Déjà figurent dans les cartons des projets plein air quatre saisons.

 

En bref

Expédition de kayak-camping de 10 jours, en totale autonomie, sur le plus grand plan d’eau naturel du Québec.

ATTRAIT MAJEUR

Immensité et isolement, richesse minéralogique remarquable, impression d’unicité.

COUP DE CŒUR

Dépaysement et déconnexion garantis.

nibiischii.com