La glisse sous toutes ses formes
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Ski de fond
Cette foutue météo…
Si tout va pour le mieux dans le monde du ski de fond, on craint néanmoins la généralisation d’hivers peu neigeux, comme ceux que le Québec a connus dans les dernières années. Comment allonger une saison qui, dorénavant, ne dure qu’environ trois mois ?
Réponse : en innovant, comme l’a fait la Forêt Montmorency, au nord de Québec. Pour une quatrième année consécutive, ce lieu d’enseignement et de recherche de 412 km2 situé à 45 minutes du centre-ville de Québec a entreposé suffisamment de « vieille » neige sous des copeaux de bois pour préparer une piste de ski de fond de 2 km nommée la Glisse boréale.
Ouverte dès la fin du mois d’octobre, soit plusieurs semaines avant les premières vraies bordées de neige, celle-ci permet à la fois aux athlètes d’effectuer leurs premiers entraînements sur neige et aux amoureux de la glisse de renouer avec leur sport préféré. Alex Harvey lui-même souligne que, hormis sur un glacier, « il n’y a pas de meilleur endroit au monde pour skier à ce temps-ci de l’année ».
« Le problème, ce n’est pas tant le froid rigoureux que l’absence de neige », convient Sylvie Halou, directrice générale de Ski de fond Québec, lorsqu’interrogée sur les défis que doit relever « son » sport. « L’Europe, confrontée à ce problème depuis belle lurette, a une bonne longueur d’avance sur nous dans ce domaine », précise-t-elle au passage.
Or, c’est aussi une excellente source d’inspiration. Depuis plusieurs années déjà, des compétitions de ski à roulettes, un mode d’entraînement que les fondeurs connaissent bien, ont lieu régulièrement, et ce, à longueur d’année. Signe des temps, la première course québécoise sanctionnée de ski-roues a eu lieu à Orford, le 17 septembre dernier.
Qui sait, le maintien de la popularité du ski de fond – 475 000 Québécois le pratiquent dans plus de22 centres disséminés aux quatre coins de la province – repose peut-être sur ces initiatives ?
photo:Quatre Natures – Ludvig Germain Auclair
Ski Hok
Les petits skis qui en mènent large
Quoi, vous ne connaissez pas le ski Hok ? Vous n’êtes pas le seul. Depuis son apparition, il y a quelques années, l’activité fait son petit bonhomme de chemin, conquérant un cœur à la fois.
Depuis sa tendre jeunesse passée dans les Pyrénées à pratiquer le ski de randonnée, Yohann Moucheboeuf est à la recherche de matériel qui en reproduirait les sensations, tout en étant mieux adapté aux nombreuses forêts du Québec ainsi qu’aux dénivelés moindres. Après plusieurs années de quête infructueuse, le guide et fondateur de l’entreprise en tourisme d’aventure Quatre natures a finalement mis la main sur l’objet de ses convoitises en 2012 : le ski Hok (prononcez « hawk »), qu’on surnomme aussi le ski méta.
Plus court et plus large qu’un ski traditionnel, ce bébé américano-québécois – un des fondateurs, François Sylvain, est originaire de Sainte-Anne-de-Beaupré – est doté de fixations qui laissent le talon libre, ce qui permet de tirer parti des peaux d’ascension intégrées à sa base. « On l’utilise hors des sentiers, sur des terrains ouverts et légèrement accidentés de manière à pouvoir alterner entre marche et glisse sur neige », explique Yohann Moucheboeuf.
Oubliez les vieux réflexes de ski alpin : la technique de glisse à employer avec le ski Hok est celle du virage en télémark. Gauche, droite, gauche, droite… Tout en étant détendu sur ses planches, il faut fléchir les jambes à répétition, ce qui met à rude épreuve les cuisses et fait monter les pulsations cardiaques. « On fait des squats toute la journée, illustre le guide. Il ne faut toutefois pas avoir peur de tomber. C’est quasi inévitable. »
Depuis qu’il est offert en formule initiation, notamment dans le réseau des parcs nationaux de la Sépaq, le ski Hok gagne tranquillement en popularité. Au parc régional du Massif du Sud, où il est présenté comme une solution de rechange à la raquette, une dizaine de sorties guidées sont offertes à chaque saison dans les trois secteurs consacrés à l’activité. « Chez nous, plus de 200 personnes l’expérimentent chaque année », rapporte Jean-François Préfontaine, le directeur général du parc.
Chez Quatre natures, qui offre entre autres un voyage de ski Hok avec nuitée en refuge à la Station touristique Duchesnay, plus de
350 personnes par saison s’initient à l’activité. « Je le recommande à tous ceux qui sont en mal d’aventure ou à la recherche de diversité », conclut Yohann Moucheboeuf.
Station touristique Duchesnay
140, montée de l’Auberge, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier
www.sepaq.com/ct/duc
Parc national des Monts-Valin
360, rang Saint-Louis, Saint-Fulgence
www.sepaq.com/pq/mva
Auberge de montagne des Chic-Chocs
10, rue Notre-Dame Est, Cap-Chat
www.chicchocs.com
Parc régional du Massif du Sud
300, route du Massif, Saint-Philémon
www.massifdusud.com
Centre de ski de fond et raquette de l’Estérel
Avenue d’Anvers Estérel
www.skidefondesterel.com
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Ski de montagne
Après l’enfance, l’adolescence
Comme l’escalade à une certaine époque pas si lointaine, le ski de montagne sort de la clandestinité et gagne un public plus large. Regard sur une activité qui arrive (enfin) à maturité.
Septembre 2015 est une date à marquer d’une pierre blanche dans la petite histoire du ski de montagne. C’est à ce moment qu’a été formé le comité ski de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), confirmant du même coup la volonté de la fédération de développer et d’encadrer cette activité en pleine croissance au Québec. D’ailleurs, le volet ski de l’organisme regroupe aujourd’hui près de 250 membres et 4 sites accrédités où il est possible de glisser légalement et l’esprit en paix, puisqu’une assurance (obligatoire) pare à toute éventualité.
Fait cocasse : « Sur les neuf intervenants issus du milieu du hors-piste qui siège au comité, aucun ne vient de Montréal ! » s’exclame André St-Jacques, directeur des opérations à la FQME. Surtout, tous ne viennent pas de la Haute-Gaspésie, lieu où jadis se cantonnait le principal bassin d’adeptes de la discipline. Aujourd’hui, il est possible de skier autrement près des grands centres urbains. Et pas nécessairement en haute montagne.
Le centre de ski Mont-Carmel est un exemple probant. Fermée en 2012 après plus de 50 ans d’exploitation, la petite station située à proximité de Trois-Rivières rouvre ses pentes cette année aux skieurs hors-piste. Avec son faible dénivelé de 110 m, elle permettra néanmoins aux néophytes comme aux inconditionnels de se mettre en forme puis de goûter à la liberté de la poudreuse, les deux principales motivations qui expliquent la popularité du sport. « Les gens veulent gagner leur descente. Surtout, ils désirent être seuls dans la nature, vivre le syndrome du first track tout en étant libres de leur temps et de leur horaire », explique Geneviève Larivière, vice-présidente de Zone Ski Média, qui a récemment publié son Guide Hors-piste dans lequel plus de 40 secteurs sont répertoriés. « Il n’est plus nécessaire de sauter une clôture pour skier. Comme pour l’escalade avant lui, le hors-piste gagne l’approbation des propriétaires des domaines », se réjouit-elle.
De nombreux autres signes témoignent de la maturité du ski de montagne, à commencer par la venue au monde du championnat de courses Skimo, dont la première course a eu lieu à Mont-Tremblant en janvier 2016 dans le cadre du Festival Rando alpine, lui aussi consacré à l’activité. Notons également la tenue de la seconde édition du Salon du backcountry de Québec, qui a eu lieu en octobre dernier, ainsi que l’acquisition du mont Miller par l’Auberge Chic-Chac, qui offre des excursions de ski hors-piste à Murdochville. « Notre objectif avec cette acquisition est de démocratiser la pratique du sport en l’adaptant à tous », assure Guillaume Molaison, PDG du Chic-Chac. Pendant que les membres plus expérimentés d’une même famille profiteront, par exemple, d’une journée de catski en milieu naturel, les autres pourront s’initier à la montagne en station. « Nous pourrons accueillir des enfants aussi jeunes que deux ou trois ans. La preuve : les miens, qui ont cet âge, y apprennent à skier », conclut l’homme qui est désormais à la tête du plus grand domaine skiable dans le Nord-Est américain.
photo : fotolia
Ski alpin
De grands défis à relever
Pas une année ne passe sans que des investissements majeurs soient annoncés dans l’une de vos stations de ski préférées ? Normal, l’industrie québécoise du ski alpin cherche à se redéfinir. À quoi ressemblera cette industrie demain ? C’est à ce difficile exercice de divination que se sont prêtés 450 représentants de secteur en juin dernier à l’occasion du congrès annuel des stations de ski de l’est du Canada, dont le thème était « Horizon 2020 ».
Dans les murs du Domaine Château-Bromont, dans les Cantons-de-l’Est, il a été question de renouvellement d’infrastructures, de contrôle des coûts fixes, de développement de la relève, mais aussi de diversification de l’offre et de… sensations de glisse. « Pour attirer une nouvelle clientèle, il faut que les montagnes se transforment en un vaste terrain de jeu », affirme Josée Cusson, directrice des communications et du marketing à l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ). « Le maître mot est “plaisir” », souligne-t-elle.
Pour ce faire, les 75 centres de la province miseront davantage sur des activités connexes, comme la raquette ou le fat bike, sans délaisser pour autant leur vocation première : la glisse. « Le but est de plaire à tous, aux 35 ans et plus comme aux familles », dit Josée Cusson. À eux seuls, ces deux profils représentent, bon an, mal an, 50 % des skieurs alpins québécois.
Autre nouveauté : une refonte des zones d’apprentissage, ou pentes-écoles. Oubliez leur configuration rudimentaire actuelle ; pensez plutôt à un faible dénivelé dont le terrain, constitué de nombreux modules caractéristiques (ondulations, minilunes, virages inclinés, etc.), facilite l’apprentissage du skieur débutant et renforce son sentiment de compétence. « Au lieu de parler de freinage, que les gens associent à la peur, on met de l’avant un discours centré sur le plaisir de la glisse », assure Josée Cusson à propos de cette méthode fortement inspirée du programme Terrain Based Learning (voir encadré). Est-ce que toutes ces actions seront suffisantes pour maintenir en santé cette industrie ? Victime d’un début de saison 2016 désastreux, elle n’a enregistré que 5,2 millions de jours-ski cette année-là, un nombre bien loin des 6,4 millions de 2006.