Le kayak démystifié

Une à une, les têtes basculent et partent, volontairement ou non, sonder le fond de la rivière Rouge. Elles émergent, puis recommencent. « Ne paniquez pas. Au pire, vous tirez la poignée de la jupette, vous poussez avec vos jambes et vous sortez du kayak », rassure Simon Roussel, guide et directeur de Kayak Authentik, qui veille sur notre troupeau d’apprentis pagayeurs s’exerçant dans un secteur paisible de la rivière.
Au même titre que les mouvements de base (avancer, tourner, rétablir son équilibre), la manœuvre est enseignée dès le départ dans le but de la dédramatiser. Par la suite, elle sera perfectionnée : on se redresse en s’appuyant sur un kayak voisin, puis tout seul comme un grand. Cette dernière technique, l’esquimautage, nécessite toutefois de la pratique avant de réussir un mouvement des hanches efficace ; elle sera donc régulièrement revue au fil des deux jours d’initiation. « Au début, l’idée d’être à l’envers, prise dans le kayak, sous l’eau, c’est épeurant ! raconte Geneviève, kayakiste néophyte de Québec. Mais les guides t’incitent à sortir de ta zone de confort et, finalement, je suis contente d’avoir essayé de me redresser seule. »

Désormais gorgés de confiance, nous sommes conduits à la sortie d’un rapide tranquille, où les vagues font office de terrain de jeu pour apprendre à surfer, à épouser le courant et à « lire la rivière ». Tour à tour, nous nous efforçons d’apprivoiser les lames, parfois à grands coups de pagaie effrénés. Les réflexes s’aiguisent très vite, et les chavirements se font de moins en moins fréquents.

« Attention, tu te trouves dans la zone de cisaillement ! me lance un des guides.
– La zone de… ? » Plouf ! Une leçon apprise à la dure : mieux vaut éviter cette zone où se rencontrent courant et contre-courant, un secteur très instable et reconnaissable à ses bouillonnements cafouilleux. C’est noté !

Nous voici parés pour une balade au gré de la Rouge, dans des rapides faciles qui pimentent légèrement l’aventure. « Visez le blanc des vagues, plantez votre pagaie dedans ! » recommande Simon. Quel plaisir que de jouer à saute-mouton avec aisance sur la rivière, insouciants du rodéo qui nous attend le lendemain…

Ne pas jeter l’éponge
« Les gros rapides, c’est un combat de boxe. Il faut rentrer dans la vague, lui asséner des coups de pagaie, ne pas rester statique. » Pour prodiguer ses conseils, Alex, notre guide de la seconde journée, doit élever la voix, à demi-couverte par le grondement de White Dog, un rapide de classe III. « Si vous tombez, mettez-vous en petite boule et remontez les jambes, il y a beaucoup de rochers au fond. » Comme le courant nous charrie vers les vagues, mon rythme cardiaque commence à faire des clapotis. On respire un grand coup et on attaque le premier round. Tel un toréador, je plante la pagaie au cœur des vagues et les chevauche sans peine. Bien que le kayak joue aux montagnes russes, j’en garde le contrôle. C’était sans compter sur les embruns obstruant ma vue, m’empêchant de distinguer le guide ouvrant la voie… ni l’énorme vague dans laquelle je fonce tout droit. Le deuxième round a sonné : je subis un violent choc qui me propulse en arrière, et voilà mon kayak en train de surfer à reculons ! Fâcheuse posture : au milieu du rapide furieux, c’est le K.-O. garanti au moindre faux pas. Dieu merci, un à un, les enseignements de la veille émergent dans mon esprit.

Leçon 1 : rester zen. Tout en surfant, je stabilise l’embarcation, mais elle pivote sur 180 degrés.

Leçon 2 : donner un ample coup de pagaie pour se remettre dans le sens de la marche. Le virage est un succès, mais les vagues alentour me boxent de tous côtés. Soudain soulevé, le kayak tangue violemment. L’équilibre est rompu, et je songe déjà à ôter la jupette.

Leçon 3 : tâcher de redresser l’embarcation en frappant un coup de pale sur l’eau. Va-tout salvateur ! Me revoici à nouveau dans le droit chemin, revanchard. Cette fois, j’esquive l’énorme vague, et achève le rapide en quelques coups de rame bien placés. Les guides, hilares, me cueillent à la sortie du rapide. D’autres kayakistes la trouveront moins drôle, sonnés par les courants, mais indemnes.

Le verdict ? Kayakiste néophyte : 1 – Rivière Rouge : 0. La chance du débutant ? Sans doute, mais ce flot de fierté et d’adrénaline me fera assurément remonter dans le ring aquatique défendre mon tout nouveau titre.

Repères
Kayak Authentik
25, chemin des Sept-Chutes,
Grenville-sur-la-Rouge
819 665-5487 ou
www.kayakauthentik.com

 

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