Nos bottes font peau neuve!
Même si la botte de randonnée a passablement évolué depuis une douzaine d’années, on s’en doutait, ses éléments constituants sont demeurés les mêmes : une tige (le dessus de la chaussure) et une semelle (le dessous). Cette semelle est généralement composée des éléments suivants : une semelle d’usure (partie en contact avec le sol), une première semelle (sur laquelle est fixée la tige) et une semelle intercalaire (prise en sandwich entre les deux précédentes). On pourra dans certains cas parler de cambrion, celui-ci étant généralement placé entre l’intercalaire et la première semelle.
Du cuir pour durer
De quel matériau sont faites les tiges à l’ère spatiale ? De cuir ! Eh oui, le bon vieux cuir, souvent imité et jamais égalé. Matière d’exception pour sa tenue – souple ou rigide selon son type –, pour son imperméabilité et, surtout, pour sa durabilité. On l’utilise pour la partie extérieure de la tige, mais aussi pour l’intérieur. Aucun matériau synthétique n’a encore réussi à donner une telle combinaison de qualités. Les fabricants utilisent presque exclusivement du cuir de vache ou de bœuf. Certains sont plus pointilleux sur le type de bovins, par exemple ECCO, qui choisit le yack à cause d’une durabilité qui serait trois fois supérieure à celle des autres cuirs. Chez Lowa, on emploie du cuir de taureau, plus solide, plus indéformable et moins élastique que la peau de vache (à cause des vêlages successifs). Chez Vasque, on spécifie même qu’on utilise du cuir provenant des épaules ! Dans certains cas, on recourt aussi à du cuir de porc, une peau très souple, pour les chaussures de type « promenade en forêt » qui ne nécessitent pas un grand support de la tige.
Il y a cuir et… cuir !
• Le cuir pleine fleur : il s’agit d’une peau entière, qui a conservé toute son épaisseur. Le manufacturier choisit une peau à l’épaisseur requise en fonction du support et de la rigidité voulue pour la tige. C’est le cuir le plus résistant.
• La fleur sciée : cuir dont on a réduit l’épaisseur tout en gardant le côté fleur (ou extérieur de l’animal). Mêmes propriétés que le cuir pleine fleur, mais plus souple car plus mince.
• Le nubuck : on pense souvent que c’est un type de cuir, mais il s’agit en fait d’un fini « suède » que l’on donne à un cuir pleine fleur ou fleur sciée par une opération mécanique. Le cuir y perd un peu en imperméabilité.
• La croûte : c’est la peau obtenue, côté chair de l’animal, lorsqu’on produit la fleur sciée. C’est un cuir plus souple, plus perméable et moins résistant. Un traitement mécanique de la surface donnera le suède.
Matières synthétiques pour la légèreté
Le cuir, indétrônable roi des matériaux pour la tige, doit désormais partager sa position avec les matières synthétiques. Mais ce partage du marché semble se faire de manière équilibrée : « À peu près 50 % des modèles de bottes que nous vendons sont tout cuir, 45 %, cuir et synthétique, et 5 %, tout synthétique. Mais on constate tout dernièrement un retour du cuir, car les acheteurs sont plus sensibles à la durabilité », explique Pascal Boulay-Cotton, conseiller à La Cordée.
Peu présents dans les bottes de longues randonnées, où durabilité et rigidité priment tout le reste, les textiles synthétiques sont mieux implantés dans la botte de randonnée légère et encore plus dans les chaussures de marche. Ces sont des textiles constitués de polymères dont les noms les plus connus sont nylon et polyester. Ces matières possèdent quelques avantages sur le cuir : elles sont plus économiques et, surtout, plus légères. Voilà pourquoi plusieurs tiges sont désormais constituées d’une combinaison de cuir aux endroits exposés à l’abrasion (et où un bon support est requis) et de matériaux synthétiques aux endroits moins sensibles. On remarque aussi que l’utilisation de ces fibres permet de créer un design de chaussure plus moderne.
Chez Salomon, qui propose des bottes de randonnée presque entièrement ou même totalement faites de matériaux synthétiques, on est très fort à ce chapitre. Pete Camaron, de chez Salomon, est catégorique : « Grâce à ces matériaux, il est possible de fabriquer des chaussures qui permettent une pratique plus athlétique de la randonnée. Nos chaussures sont ainsi plus légères et plus rapides sur les sentiers. Et ça change des traditionnelles bottes noir-brune-beige ! »
L’intérieur de la tige est, quant à lui, déjà majoritairement fabriqué avec ces textiles, le cuir n’étant plus utilisé que dans le très haut de gamme. Mais, encore là, le tout cuir, extérieur comme intérieur, revient sur le marché : « Ce retour s’explique par le fait que le consommateur recherche un produit plus durable et plus confortable », dit Geneviève Faucher, de la boutique Sail.
Des imper/respirants pour ventiler
Plusieurs modèles de chaussures utilisent aussi des membranes « respirantes » et imperméables entre l’intérieur et l’extérieur de la tige. Ces membranes aux noms très connus comme Gore-Tex et eVent, ou moins connus, comme MP+, sont toutes issues du domaine chimique. Elles sont composées de Teflon (Gore-Tex et eVent) ou de polyuréthane (MP+). On les dit « respirantes » parce qu’elles seraient imperméables tout en laissant s’échapper la transpiration. Cependant, pour plusieurs conseillers en magasin, c’est surtout grâce à leur imperméabilité que ces membranes sont efficaces, car la « respirabilité » semble encore peu probante dans le domaine des chaussures… Dernière note sur ces membranes : les fabricants commencent à utiliser leurs propres membranes « maison » comme Columbia, avec son Omni-Tech (à base de polyéthylène) et Vasque, avec son UltraDry.
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Botte Lowa Gamino GTX (cuir de taureau) | Botte Wings Sky GTX de Salomon (Gore-Tex) | Botte Shastalavista de Columbia (Omni-Tech, à base de polyéthylène) |
La chimie des semelles
L’utilisation exclusive de matières synthétiques pour les semelles est désormais acquise. Les matériaux sont des élastomères, qui ont la propriété de se déformer sous la contrainte, puis de reprendre leur forme. Le caoutchouc synthétique est parfait pour la semelle d’usure, car sa résistance et son adhérence sont facilement modulables en fonction des qualités requises. Pour la semelle intercalaire, on emploie un matériau adsorbant les chocs, de type EVA (éthylène-acétate de vinyle) pour sa légèreté ou de type polyuréthane, pour sa durabilité. L’EVA est aussi plus souple que le polyuréthane. Plusieurs fabricants utilisent les deux matériaux ensemble pour bénéficier au mieux des avantages de chacun. Si la première semelle a été le dernier bastion de l’utilisation du cuir, celui-ci a pratiquement disparu aujourd’hui, remplacé, encore une fois, par un polymère (le plus souvent du nylon). Et si cambrion il y a, on optera pour du nylon ou du polyéthylène dans la majorité des cas, mais aussi des thermoplastiques, rigides et modelables comme dans certains modèles Salomon et Vasque. Le choix est fait en fonction de la forme et de la rigidité requise.
En conclusion, pas de grands bouleversements depuis une douzaine d’années; les matériaux décrits existaient déjà à l’époque. Seulement une plus grande présence des matières synthétiques qui, bien que moins résistantes dans la plupart des cas, permettent d’alléger et de donner une allure plus moderne, plus sportive à nos processions sur sentiers. Mais ceux qui cherchent la durabilité ne se laissent pas impressionner : le cuir aura toujours des fans !
L’environnement dans tout ça?
Article de base pour amoureux de la nature, les chaussures de randonnée ont beaucoup de chemin à faire pour devenir plus respectueuses de l’environnement. L’industrie de la chaussure est, en général, très polluante à cause de l’utilisation massive de produits venant de la pétrochimie, notamment les colles et les solvants. De plus, les matériaux utilisés ne sont pratiquement pas recyclés.
Alors faut-il opter le plus possible pour le cuir ? Malheureusement, le tannage des peaux, passage obligé pour les rendre imputrescibles, requiert de grandes quantités d’eau et l’emploi de métaux lourds comme le chrome…
Solutions ? On peut légitimement penser que moins consommer en choisissant des articles plus durables est déjà un geste écologique. « Choisir une chaussure qui va durer cinq ans au lieu d’un an, c’est déjà un mieux pour l’environnement », résume John Gautier de chez Lowa.
Le lieu de fabrication de la botte peut aussi être considéré : les normes environnementales et les contrôles des pays occidentaux sont plus sévères que dans bien des pays d’Orient (consommation d’eau, déversements toxiques, politiques de travail). Selon Pascal Boulay-Cotton, conseiller à La Cordée : « Les clients se renseignent sur la provenance de la chaussure qu’ils veulent acheter et c’est définitivement un élément qui compte quand vient le temps de choisir entre plusieurs modèles.»
Du cuir végétal ?
Paul Labreque, représentant chez Ecco, mentionne que dans certains cas, Ecco utilise du cuir végétal pour la garniture intérieure des bottes. Du cuir végétal ? Très rare, ce cuir est tanné selon la méthode ancestrale, avant l’arrivée des procédés industriels. Pour rendre le cuir imputrescible, on le fait tremper dans de grands bassins d’eau avec des écorces d’arbres – châtaignier et chêne principalement – à la place de métaux lourds comme le chrome. Les deux méthodes utilisent de grandes quantités d’eau, mais la méthode avec écorces ne génère pas de résidus aussi toxiques que l’autre. Le principal avantage du cuir végétal pour le consommateur est qu’il n’est pas allergène. Désavantage pour le manufacturier : l’opération de tannage « végétal » prend de 6 à 8 semaines au lieu de quelques jours pour le procédé industriel !
Cuir bio ?
Attention à l’appellation « cuir bio », quelquefois associée au cuir végétal : pour porter ce titre, l’animal devrait tout d’abord avoir été élevé selon les préceptes de l’agriculture biologique. De plus, toutes les phases de production du cuir, de la naissance de l’animal jusqu’à la peau produite, devraient recevoir la certification d’un organisme indépendant, ce qui ne se fait pas encore actuellement.
Entretien, quand tu nous tiens !
Cuir ou matériaux synthétiques, tous demandent un minimum d’entretien pour préserver leurs propriétés et garantir à vos chaussures un maximum de durabilité. Pour le cuir, on utilisera un vrai imperméabilisant, à appliquer plus fréquemment s’il est à base d’eau (aux trois ou quatre sorties) ou moins souvent s’il est à base de cire ou d’huile. Pour les synthétiques, on optera plutôt pour un produit déperlant qui, à défaut de rendre le textile imperméable, fait au moins en sorte que l’eau perle. Dans tous les cas, assurez-vous auprès d’un conseiller que le produit est adapté à vos chaussures. Certains produits peuvent carrément avoir l’effet inverse que celui désiré, c’est le cas notamment de certains produits à base de silicone.
Et surtout, n’oubliez pas le b.a. ba d’un bon entretien : nettoyez bien vos bottes après chaque sortie. Pour enlever les salissures, une simple petite brosse en nylon et de l’eau (mais pas de savon). De cette façon, vous ne laisserez pas la saleté s’incruster dans le matériau et empêcher les produits imperméabilisants de pénétrer. Faites sécher vos chaussures à l’air libre en mettant du papier journal à l’intérieur : celui-ci absorbera l’eau et conservera sa forme à votre chaussure.
Je paie combien?
Le prix minimum à payer pour une botte convenable semble être de 150 $. « Moins que ça, on obtient une chaussure souvent trop souple, peu résistante, mais qui peut toujours convenir pour des petites promenades occasionnelles », résume Marieve Lussier, de chez Sail. Entre 150 $ et 200 $, on trouve de bonnes bottes efficaces avec des matériaux convenables, mais encore là moins durables. Entre 200 $ et 250 $, on a droit à de meilleurs cuirs, moins de fibres synthétiques, des membranes de type Gore-Tex. Et le haut de gamme, sans compromis, se retrouve au-dessus de 250 $. Mais Pascal Boulay-Cotton, de La Cordée, insiste : « Le confort doit primer le budget. Quitte à baisser en gamme, même si vous visiez le top. »
Finie, ma botte ?
Sauf si elle montre une altération évidente comme une déchirure ou un décollement de la semelle (et encore, dans certains cas, c’est réparable!), il n’est pas toujours facile de savoir si notre botte doit être remplacée. Pour tous les conseillers consultés, la réponse est unanime : votre chaussure doit être remplacée lorsqu’elle commence à vous créer de nouveaux inconforts physiques après quelques heures : douleurs inhabituelles aux genoux, aux hanches, au dos… C’est imparable. Ensuite, une inspection minutieuse de la semelle peut aussi donner quelques indices confirmant votre constat, par exemple une usure prononcée des crampons. Pascal Boulay-Cotton, de La Cordée, conseille aussi d’observer les plis dans la semelle intercalaire : «Lorsque des plis dans l’EVA (la mousse) sont toujours apparents 24 heures après l’utilisation de la chaussure, c’est une indication que le matériau ne remplit plus son rôle d’absorption. »