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Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Attention, sommets fragiles

  • Crédit Rémy Ogez

Autrefois marginal, pratiqué quasi exclusivement par des aventuriers, le camping sur les sommets est devenu la tendance de l’heure en plein air. Malheureusement, cela ne se fait pas sans causer de dommages. La végétation fragile en subit les aléas. Faut-il mettre un frein à cette mode non durable ?

Sur les hauts sommets dénudés de Charlevoix pousse une végétation arctique alpine. Ces plantes, qui survivent dans un climat hostile sur un sol rocheux, profitent d’une courte période de croissance annuelle de 135 jours. Résultat : elles prennent des années et des années pour croître de quelques centimètres seulement.

Et il ne faut pas grand-chose pour les détruire. Il suffit de les piétiner à répétition ou, encore pire, de déposer sa tente sur ce couvert végétal douillet, qui donne à la cime des montagnes charlevoisiennes une apparence nordique, pour que cette flore meure. C’est pourtant ce qui se produit à grande échelle en ce moment.

Depuis la pandémie, les sommets sont devenus l’eldorado d’une nouvelle race de campeurs qui souhaitent contempler, du meilleur point de vue qui soit, le coucher et le lever du soleil. Sur les sommets des monts du Lac à l’Empêche, du Four, Eudore-Fortin et des Morios, entre autres, rares sont les nuits d’été et d’automne sans campeurs.

 

« Partout où il y a un point de vue intéressant, des campeurs y déposent leurs pénates. Il peut y en avoir des dizaines en même temps qui font des feux. C’est devenu hors de contrôle », affirme Justin Verville Alarie, directeur de Sentiers Québec-Charlevoix, organisme qui gère la Traversée de Charlevoix, un réseau qui mène à de nombreux sommets pris d’assaut par les campeurs friands de ces lieux.

La principale cause de cet engouement, ce sont les réseaux sociaux. « Les gens recherchent de nouvelles expériences à partager sur Instagram et compagnie, puis d’autres partagent à leur tour ce qu’ils voient, créant une vague de fond », constate Patrick Auger, maître formateur et président du conseil d’administration de Sans trace Canada. Autre cause : l’allègement des équipements de camping. Cela facilite ce genre d’expérience. Plus besoin de se casser la colonne vertébrale en vue d’aller camper en territoire sauvage.

Crédit Rémy Ogez

Le hic, c’est que sur les cimes dont il est question, les lieux ne sont pas aménagés pour le camping : pas de plateformes ni de toilettes sèches. Les nomades dressent leurs tentes dans l’improvisation, souvent directement sur des tapis de lichens, bien plus confortables que la roche-mère. Ils allument des feux avec du bois grappillé à proximité, laissant des restes carbonisés, et font leurs besoins naturels sans trop se cacher, laissant papier hygiénique et autres matières malodorantes à découvert, ce qui contamine l’endroit pour les prochains visiteurs.

Les campeurs repartent après une belle nuitée, certes, mais leurs dégâts souillent le paysage pendant des semaines et des mois. Certains dommages sont permanents, comme la destruction de la flore. C’est la concrétisation de la « tragédie des biens communs », où chacun veut profiter d’une ressource gratuite, ici les hauts sommets ornés de toundra arbustive, mais tout ce monde en vient à détruire ce bien collectif.

Cet enjeu fait maintenant les manchettes des journaux locaux et préoccupe Karine Horvath, directrice générale de la MRC de Charlevoix, territoire qui réunit plusieurs sommets subissant les assauts des campeurs. « Nous devons nous assurer de préserver les écosystèmes de ces montagnes afin de maintenir leur attractivité à long terme », explique-t-elle en entrevue avec Géo Plein Air.

Si le problème est plus criant dans les îlots nordiques de Charlevoix, il se répète cependant à la grandeur du Québec. « Tous les sommets facilement accessibles, qui offrent une belle vue, sont à risque », prévient Grégory Flayol, directeur général adjoint de Rando Québec. Si la végétation n’est pas toujours aussi fragile, ce sont les dangers d’incendie qui menacent, car beaucoup de campeurs n’éteignent pas correctement leurs feux, souvent par manque d’eau, une ressource rare en haute altitude.

« Le camping sauvage existe depuis longtemps, mais les nouveaux adeptes, issus de l’ère covid-19, n’affichent pas le même degré de conscience que les anciens en ce qui concerne leurs impacts », constate Grégory Flayol. Bien des influenceurs, qui promeuvent cette activité, ne connaissent visiblement pas les bonnes pratiques, comme l’illustrent les photos de leur expédition, qui pourraient faire l’objet d’un guide des mauvaises pratiques.

INTERDIRE OU NON ?

Que faire ? C’est là que la situation se complique. Dans Charlevoix, la plupart des hauts sommets se situent en terre publique. Des zones où, en théorie, il est interdit… d’interdire. Linda Desrosiers, directrice générale de la zec des Martres, où se trouvent plusieurs sommets achalandés, explique qu’aucun règlement ne lui permet d’interdire les gens de camper avec leur tente. Même constat de la part de Gaëtan Girard, président de l’Association loisirs, chasse et pêche du territoire libre – secteur Pied-des-Monts, gardien du mont des Morios. « Nous voudrions l’interdire, mais nous n’avons pas le droit », se désole-t-il, déplorant la quantité de déchets que laissent derrière eux les campeurs.

Seuls les parcs nationaux, qui sont maîtres chez eux, peuvent le proscrire. Ce qu’ils font d’ailleurs, avec des patrouilleurs qui en assurent le respect. Par exemple, des gardes-parcs ferment chaque jour le sentier de l’Acropole des Draveurs, dans le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie. « Durant leur descente, il arrive parfois que nos employés fassent la rencontre de campeurs en herbe. Ceux-ci n’ont pas le choix de rebrousser chemin », dit Daniel Groleau, directeur des deux parcs nationaux de Charlevoix.

« Le problème est qu’il existe un décalage entre les nouvelles pratiques de plein air et l’encadrement qu’on devrait apporter », analyse Justin Verville Alarie, de la Traversée de Charlevoix. Ce dernier aimerait qu’un nouveau statut soit créé afin de mieux gérer l’achalandage dans les montagnes. Karine Horvath, directrice générale de la MRC de Charlevoix, rêve de gardiens de territoire, qui auraient pour mission de sensibiliser les gens sur la végétation sensible et les bonnes pratiques de plein air.

En attendant, les gestionnaires de sentiers dans Charlevoix ne restent pas les bras croisés. Depuis 2020, ils siègent à une table de concertation sur la randonnée pédestre, en quête de solutions. Leur premier cheval de bataille, c’est la sensibilisation. GUEPE Charlevoix, un organisme qui offre des services éducatifs et professionnels en sciences de la nature et de l’environnement ainsi qu’en matière de plein air, planche sur plusieurs projets afin de maîtriser les foules, en partenariat avec des acteurs du milieu.

Un des projets est de restreindre les déplacements sur le sommet des Morios, avec des systèmes de cordes et de piquets, histoire de protéger les zones sensibles, à l’image de ce qui se fait à l’Acropole des Draveurs. Des panneaux explicatifs sur la végétation exceptionnelle qui pousse sur les sommets subalpins ainsi que la production de contenus numériques sur cet enjeu sont aussi dans les cartons. « Nous voulons passer par la porte de l’éducation afin de conscientiser les gens aux bonnes pratiques », dit David Bernard, responsable régional chez GUEPE. Ces projets se réaliseront si l’organisme obtient le financement nécessaire.

Sur le mont des Morios, Gaëtan Girard et GUEPE souhaitent aussi construire des toilettes sèches en contrebas du sommet afin de régler le cas des déjections humaines, un véritable fléau là-bas.

ÉDUQUER

Un peu partout au Québec, les acteurs du milieu tentent aussi de sensibiliser le plus de gens possible aux règles à suivre en camping sauvage. Rando Québec, la fédération de loisir qui chapeaute la randonnée au Québec, commente des publications en ligne qui font l’apologie du camping des cimes. À Corridor appalachien, qui gère la réserve naturelle des Montagnes-Vertes, dans les Cantons-de-l’Est, où l’on s’inquiète de ce phénomène, on intervient également lorsque des gens diffusent des photos de leur expérience sommitale.

Comment préserver les sommets ? Patrick Auger, maître instructeur Sans trace, croit qu’il faudrait encourager les gens à camper sous la ligne des arbres, politique qui existe dans les montagnes Blanches, aux États-Unis, protégeant ainsi la végétation fragile des sommets. C’est d’ailleurs ce que pratique maintenant la zec des Martres depuis septembre 2021.

Grégory Flayol croit qu’on doit se questionner sur la pertinence d’aménager des plateformes de camping et des toilettes à proximité des sommets, ce qui permettrait de canaliser les pleinairistes vers des zones moins sensibles. « Les campeurs qui veulent contempler le coucher de soleil seraient tout de même proches du sommet », fait-il valoir. Une solution qui nourrit la réflexion à la Traversée de Charlevoix. C’est l’approche qu’adoptera la Vallée Bras-du-Nord, aux abords du sentier des Falaises.

Plusieurs intervenants pensent qu’il faut tempérer la promotion des sommets. « La randonnée ne devrait pas se limiter au plaisir de conquérir des montagnes. Dans les communications, nous devons mettre l’accent sur le plaisir de la randonnée au sens large, sur l’expérience de marcher en forêt, ce qui pourrait enlever de la pression sur les cimes », indique Patrick Auger.

Préservons nos sommets pendant qu’il est encore temps.

Conditions extrêmes

Au-delà de la préservation des écosystèmes, les questions de sécurité préoccupent aussi les gestionnaires. « Beaucoup de néophytes s’aventurent sur les sommets en étant mal préparés. Ils sous-estiment les conditions extrêmes qu’on peut y rencontrer. Par exemple, plusieurs se font surprendre par la neige », affirme Karine Horvath. Sur le mont des Morios, Gaëtan Girard a vu des campeurs perdre leur tente dans le vent ! Ils doivent alors battre en retraite, abandonnant leur équipement sur place. Ce sont ensuite des bénévoles qui ramassent les vestiges de leur passage.

« Les campeurs ont des droits, mais ils ont aussi des responsabilités. Il y a des limites aux interventions de secours que nous pouvons effectuer », soutient Karine Horvath, de la MRC de Charlevoix. Plusieurs croient qu’en cas de problème, un hélicoptère viendra à leur rescousse comme par enchantement. Malheureusement pour eux, le sauvetage se fait généralement à pied et prend des heures et des heures. Pas une partie de plaisir. Bref, une autre raison de ne pas camper en zone totalement exposée aux éléments.

Feux de forêt

Sur les sommets, où l’eau se fait rare, les feux des campeurs représentent un danger réel. « Sous les forts vents qui soufflent en altitude, la perte de contrôle d’un petit feu de joie peut créer une catastrophe », met en garde Justin Verville Alarie, de la Traversée de Charlevoix. À preuve, en 1991, des campeurs négligents ont provoqué un important incendie sur le mont du Dôme, qui a brûlé pendant une semaine. Espérons qu’on ne reverra pas un tel brasier de sitôt.

Petite liste (non exhaustive) des plantes qui poussent sur les hauts sommets dénudés de Charlevoix

Carex de Bigelow

Myrtille des marais

Airelle des marécages

Saule raisin d’ours

Minuartie du Groenland

Airelle rouge

Diapensie de Laponie

De 50 à 100 espèces de lichens

Source : Serge Payette, professeur de biologie à l’Université Laval