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Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
Une rivière et un fleuve parsemés d’écueils
Après un grand périple sur le fleuve Mississippi en 2019, notre collaborateur a relié l’été dernier Ottawa et Québec en kayak de mer. Un itinéraire de 440 km sur nos cours d’eau, au fil desquels il a bien sûr été émerveillé, mais également désespéré par l’envahissement de trois espèces nuisibles : les bateaux à moteur, les propriétaires riverains et les bernaches.
Le kayak tandem est devenu pour moi un moyen de déplacement me permettant non seulement d’entrer en contact direct avec la nature, mais aussi avec les gens amoureux de leurs berges. L’expérience de ce nomadisme s’est ancrée en 2019 lors d’un périple de 2300 km en 51 jours sur la rivière Illinois et le fleuve Mississippi. Avec mon partenaire d’eau, Joseph Marc Laforest, nous avions rejoint La Nouvelle-Orléans à partir de Chicago.
En 2021, nous voulions parcourir le haut Mississippi, de sa source dans le Minnesota jusqu’à Saint-Louis. Mais cette expédition a été mise en suspens en raison de la pandémie. À l’instar de plusieurs voyageurs d’ici, nous avons décidé d’explorer le Québec. Nous nous sommes lancé le défi de relier Ottawa et Québec, naviguant sur la rivière des Outaouais, le lac des Deux Montagnes, la rivière des Mille Îles avant de rejoindre le fleuve Saint-Laurent à la pointe est de Montréal afin de pagayer jusqu’à Québec. Défi de taille, considérant qu’entre les deux capitales, une métropole difficile d’approche s’interpose.
Un circuit de 440 km en neuf jours, du camping et aussi l’occasion d’agréables parenthèses sur les terrains de riverains accueillants. J’ai eu la chance de pagayer avec mon acolyte, Joseph Marc, mais également avec ma fille, Rébecca, et mon fils, Jean-François, qui se sont succédés au cours du périple pour des questions d’horaire. . Dans cette aventure émaillée de moments doux-amers, je me suis extasié devant cette vaste nature, mais j’ai aussi fait face à des aléas inacceptables. Je fais référence ici aux interdits d’accès aux berges et à une cohabitation parfois « houleuse » sur les eaux.
Accès aux berges et accueil des riverains
Cette expédition en kayak a mis en exergue un enjeu au sujet de l’accessibilité des berges au Québec. En effet, des problèmes d’accès se sont posés à plusieurs reprises durant le périple. Par exemple, les îles de Sorel dépassées, nous nous sommes élancés sur le lac Saint-Pierre à 15 h. Sachez qu’on doit compter environ six heures pour traverser cette saillie du fleuve. À la recherche d’un lieu de campement vers 18 h 30, à la hauteur de Baie-du-Febvre, nous avons repéré des habitations, mais nous étions séparés de la rive par deux à trois kilomètres d’herbes hautes.
Rébecca et moi, nous nous y sommes aventurés, non sans mal, et avons accédé de peine et de misère à la voie d’eau entretenue pour atteindre les chalets. Heureusement, un accueil cordial nous attendait. Un propriétaire nous a permis de suspendre mon hamac entre ses arbres et de planter la tente de Rébecca. Il nous a offert en prime un boyau d’arrosage pour nous laver, ce qui s’est avéré salutaire avant de souper et de s’écrouler, recrus de fatigue, dans nos refuges temporaires. Une journée de 80 km depuis Verchères, ça puise dans les réserves d’énergie !
La privatisation des berges en limite l’accès lorsque vient le temps de prendre une pause, de s’arrêter pour dîner ou encore d’y dormir une nuit. Pour notre part, trouver un emplacement de camping convenable exigeait au moins une heure de recherche à scruter les abords. Nulle affiche « Bienvenue kayakistes ». Nous ne parvenions qu’à distinguer au loin « Propriété privée, accès interdit ».
Sur la rivière des Outaouais, dans l’impossibilité d’aborder à cause de la nature privée des terrains, de la végétation ou de l’enrochement mécanique, nous avons squatté des quais réservés aux riverains. La première fois pour dîner, probablement sans que personne nous voie. Lors d’une deuxième occasion, durant une pause en après-midi, nous avons frappé notre Waterloo ! Une dame s’est présentée promptement sur son quatre-roues (parfois deux roues, vu la vitesse à laquelle elle a surgi, à la défense de son fief !), et nous a interpellés de manière quelque peu rébarbative. « Est-ce que je peux vous zzzaider ? » Avec sa gentillesse et son flegme habituels, Joseph Marc lui a expliqué son besoin de repos et l’absence d’accès au rivage. Toujours sur un ton aigre-doux, la propriétaire nous a avisés que nous avions de la chance, car si son chien nous avait aperçus, il ne nous aurait pas fait de quartier !
Justement, au sujet des quais, Joseph Marc avance une théorie qui mériterait un débat en justice. Comme les eaux sont de compétence fédérale, si un particulier s’y installe, il se trouve ainsi en zone publique. Ce fait entendu, y accoster ne signifierait nullement un empiétement sur une propriété privée. Alors bienvenue kayakistes, canotiers et planchistes sur tous les quais du Québec ! Par curiosité, j’ai posé la question à Transports Canada, responsable des travaux affectant la navigation. On m’a répondu de me référer à chacune des réglementations municipales.
Accès à l’eau et cohabitation avec les bateaux de plaisance
L’accès aux plans d’eau se complique en raison de la privatisation des bandes riveraines et du coût exorbitant réclamé par les villes afin d’accéder à leurs rampes de mise à l’eau. Canot Kayak Québec fait partie du Collectif pour un accès équitable aux plans d’eau publics. Cela représente une bonne nouvelle pour nous, les « propulseurs manuels » de ce monde. Mon enthousiasme se voit cependant modéré par la participation, à ce même collectif, de l’Alliance de l’industrie nautique du Québec.
En effet, si l’organisme obtient des gains d’accès, cela risque d’augmenter le nombre de bateaux de plaisance à moteur et de motomarines en circulation. Manifestement, leur multiplication effarante rend la cohabitation périlleuse avec les kayaks, canots, voiliers, planches à pagaie. Ce voyage-ci nous a permis d’en vivre l’expérience. Le terme plaisance semble s’appliquer uniquement aux personnes montant dans ces bateaux.
Sur l’onde, on constate à quel point les conducteurs de ces engins se « dépêchent de n’aller nulle part », sans considération pour les autres navigateurs. Désolant ! Lors de cette expédition, nous avons notamment longé le lac des Deux-Montagnes, ainsi que Sorel et ses îles, chaque fois par un bel après-midi, et nous avons dû exercer une extrême vigilance. Nulle surprise, en fin de compte, de se retrouver parmi les rares kayakistes à se risquer à ces endroits, tant le tangage provoqué par ces passages à grande vitesse altère le plaisir et menace la sécurité des petites embarcations.
Sans aucune exagération, sur le millier de bateaux de plaisance rencontrés durant notre longue navigation, quatre seulement ont ralenti à notre approche. Si des surfeurs et des motomarines courent les vagues à la recherche de sensations, nous, on s’efforce de ne pas chavirer, un danger réel.
Le summum de cette frénésie a été immortalisé, photo à l’appui, lors du passage, à pleins gaz, d’un genre de jet boat au moment de la visite de votre rédacteur en chef. La proue émergeant hors de l’eau et les vagues à l’arrière parlent d’elles-mêmes ! Nous aurions été renversés, ni vu ni connu, à la vitesse où filait l’insouciant, déjà rendu loin devant !
Dans le Guide de sécurité nautique du ministère des Transports du Canada, on ne trouve qu’un court paragraphe très vague (!), dans une sous-section intitulée « Éviter les comportements dangereux » :
« Le sillage d’une embarcation pourrait causer des dommages à d’autres bâtiments, à des quais et au rivage. Il peut également présenter un risque pour les nageurs, les plongeurs et les gens se trouvant à bord de petites embarcations et qui pourraient chavirer. Lorsque vous choisissez votre vitesse, tenez compte des effets du sillage sur les autres. Vous serez tenu responsable des dommages ou des préjudices causés. »
Un appel logé au Bureau de la sécurité nautique de Transports Canada nous confirme l’absence de balises au Québec quant à la vitesse permise pour les bateaux de plaisance, contrairement à plusieurs autres provinces canadiennes. De plus, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) y surveillerait activement les plans d’eau, nous a-t-on assurés. Au cours de notre voyage, aucun membre de la GRC ni de la Sûreté du Québec n’a été aperçu.
Et que dire d’une autre préoccupation, qui serait même une prédiction, tiens ! Si Longueuil ne sait plus comment gérer ses cerfs de Virginie, d’ici quelques années le Grand Montréal, lui, se frottera à la multiplication faramineuse des bernaches du Canada. Ces volatiles ne se donnent plus la peine de monter vers le Grand Nord. En amont, jusqu’en aval de Montréal, de nuit comme de jour, ils ont habité constamment dans notre décor. Outre la difficulté à trouver des endroits où nous arrêter, ceux-ci étaient jonchés de leur engrais.
Tous ces obstacles rencontrés au fil de l’eau n’ont cependant terni en rien l’enchantement que nous a procuré ce long parcours. Observation de la faune, montage du campement sur une île isolée, ravissement devant tous ces couchers et ces levers de soleil, chaleur de l’accueil et du contact humain ont constitué des moments de grâce. Sans parler de la connivence avec les différents partenaires de voyage, malgré les décisions parfois discutables du « commodore » à l’arrière.
L’immensité du fleuve Saint-Laurent ne cesse de m’impressionner. Même au milieu de ses passages les plus étroits, on y éprouve un profond sentiment de petitesse. C’est au rythme des premiers explorateurs que nous observons toute sa sinuosité.
Quant à la rivière des Outaouais, elle fait partie de ces grands cours d’eau du Québec accessibles en kayak de mer en vue de longues randonnées. Un autre de ces espaces où nous, les « autopropulseurs », devons prendre notre place. En toute humilité, pouvons-nous contribuer à protéger la nature, en occupant cette aire et en témoignant du plaisir lent de se déplacer sur l’onde ? Une question devenue cruciale, en cette époque de pollution et de bouleversements climatiques.
Ne restons pas sur le quai.
Encadré #1
Québécois c. Américains
Lors de ma rencontre en chemin avec le rédacteur en chef de Géo Plein Air, ce dernier m’a demandé si je constatais une différence entre l’accueil des Américains croisés durant notre descente de l’Illinois et du Mississippi et celui des Québécois sur ce parcours-ci. Je n’ai pas répondu sur le moment. Pagayer permet de réfléchir et de méditer. Risquons une observation. L’empressement à accueillir et à aider m’est apparu très similaire des deux côtés de la frontière. Les Américains démontrent une diligence naturelle à venir au-devant et à lancer la discussion, avec des « Where are you from? Where are you going? » L’échange peut alors se poursuivre et se prolonger. Tout le long du Mississippi, le groupe des River Angels se rend disponible pour informer et prêter assistance au ravitaillement en cas de besoin. Rien de tel au Québec.
Avec les Québécois, la responsabilité du premier contact revient au voyageur. À partir de là, si nous évoquons un besoin quelconque, la cordialité et la serviabilité sont au rendez-vous. Par exemple, à Fassett, sur la rivière des Outaouais, un couple nous a autorisés à camper sur leur terrain. Et sur le fleuve, à la hauteur de Saint-Pierre-les-Becquets, on bivouaquait encore une fois dans la nature à proximité d’une propriété privée et les résidents nous ont offert le souper spaghetti à l’intérieur alors que l’orage menaçait. Que de convivialité de la part de tous ces inconnus ! Bref, l’amabilité ne connaît pas de frontières.
Gaétan Matte est coauteur, avec Joseph Marc Laforest, du livre Deux québécois en kayak sur l’Illinois et le Mississippi, aux Éditions GID.