Ce géant méconnu de l’arrière-pays
Se dressant sur la frontière entre le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie et la zec Lac-au-Sable, le mont Élie fait sensation avec son sommet complètement dénudé qui récompense le randonneur méritant.
Pas de danger de nous faire dévorer par les moustiques : sur le sommet du mont Élie, dépassant les 1000 m d’altitude, le vent ne laisse pas de repos aux espèces vivantes. Les randonneurs doivent rester attentifs s’ils ne veulent pas se faire renverser ou perdre leur chapeau dans les grands espaces. Les arbres, plus intelligents que les humains, boudent depuis toujours ce milieu de vie. Seuls de maigres arbustes, de la mousse et du lichen y survivent. Rien de surprenant, vu les conditions climatiques extrêmes qui y sévissent à longueur d’année.
Pour le randonneur, l’absence d’arbres représente ici un atout. La calvitie de ce relief en forme de dôme permet de contempler, de tous bords tous côtés, le paysage accidenté de l’arrière-pays charlevoisien. Pas pour rien qu’on avait érigé, dans le passé, une tour à feu que, sans surprise, Éole a jetée par terre en 1980. Les vestiges – câble métallique et bois d’œuvre – témoignent de cette tentative d’occupation humaine. Les pylônes ont également subi un sort comparable vers 1968, obligeant Hydro-Québec à déplacer de l’autre côté de la montagne sa ligne électrique en provenance de la Manic.
Ce panorama à 360° se mérite. Le sommet du mont Élie s’atteint par une piste rudimentaire qui grimpe de façon continue sur 8 km et près de 800 m de dénivelé. Il ne s’agit pas d’une ascension très enlevante, puisque la piste emprunte un ancien chemin forestier. Ce n’est qu’à l’approche de la cime qu’elle revêt un caractère plus intime en se renfermant et en côtoyant des lacs de montagne. Chemin faisant, les arbres se miniaturisent peu à peu et les points de vue se multiplient, faisant oublier la longue montée. Dans le dernier droit, Charlevoix est à nos pieds et un sourire éclaire nos visages.
Le sommet arrondi du mont Élie surplombe la vallée des Prophètes, un toponyme proposé par le naturaliste et philosophe Guy Godin (1924-2007), professeur émérite de la faculté de philosophie de l’Université Laval, afin de souligner le caractère particulier de ces lieux de haute élévation. « Les prophètes ayant comme mission d’interpeller leurs contemporains, il faut y voir une invitation à préserver ce secteur montagneux unique », lit-on sur le panneau descriptif au sommet.
Dans cet esprit, il importe de demeurer sur les sentiers, histoire de ne pas piétiner la flore fragile qui survit à cette altitude. Les campeurs devraient, à tout prix, éviter d’y piquer leur tente, dans le respect des principes du Sans trace. Un espace camping rustique doté d’un abri pique-nique se situe au lac Éclair, à 2 km du sommet. Il convient parfaitement à une nuitée à la belle étoile.
Depuis 2022, un nouveau sentier permet de connecter le sentier du mont Élie avec celui du Menaud, créant une boucle de 16 km pas piquée des vers. C’est ce que nous avons testé en redescendant par le sentier Menaud, une piste très pentue qui circule à travers une forêt aux arbres cordés comme des sardines – une section magique entrecoupée de ruisseaux roucoulant à travers des champs de roches tapissées de bryophytes. Une petite chute d’une grande beauté fera le bonheur des adeptes de douche naturelle à l’eau glaciale.
Du plein air dans une zec
L’accès au mont Élie se fait par la zec Lac-au-Sable, une zone d’exploitation contrôlée qui accorde de plus en plus de place au plein air, et son stationnement se trouve à 35 km de chemins forestiers du poste d’accueil, auquel on parvient par la municipalité de Clermont. Cette entité orographique ne se conquiert pas sur un coup de tête. Il faut y consacrer la journée. À moins, comme nous l’avons fait, de dormir dans la yourte Menaud, plantée au bord du lac à l’Est, tout près du départ du sentier. Des prêts-à-camper sont également en location à proximité de la plage du lac au Sable. L’accès au territoire coûte 10 $ par voiture.
La zec Lac-au-Sable propose d’autres randonnées, comme – une nouveauté en 2022 – le sentier du Mont à Peine, un parcours de 6 km aller-retour de niveau intermédiaire qui offre lui aussi une vue splendide. L’avantage de cette courte rando, c’est qu’elle ne démarre qu’à 10 km du poste d’accueil de la zec. Le mont à Peine a fait partie en 2022 du Défi des 5 sommets, une invitation à effectuer l’ascension, au cours de la même année, de cinq montagnes différentes de Charlevoix. La liste des sommets varie d’une année à l’autre, et dans le passé, le mont Élie y a déjà figuré. Au moment de mettre sous presse, celle du Défi 2023 n’avait pas encore été dévoilée. À suivre.
En bref
L’ascension du mont Élie, l’un des géants de Charlevoix, via la zec Lac-au-Sable.
ATTRAIT MAJEUR
Marcher à plus de 1000 m d’altitude.
COUP DE CŒUR
La descente par le sentier Menaud.