Dans les coulisses du Val-Saint-François

  • Charles Dion, Tourisme Cantons-de-l'Est.

Parsemée de vallons méconnus et sillonnée par la plus grande rivière des Cantons-de-l’Est, la MRC Le Val-Saint-François pourrait bien être la prochaine étoile montante du plein air en Estrie.

Sutton déborde. Bromont est saturé. Orford affiche souvent complet. Les amateurs de plein air se massent aux portes des vedettes estriennes. En tant que citoyenne des Cantons, j’assiste à cette frénésie depuis les premières loges. Or, loin d’avoir l’âme d’une groupie, j’ai osé m’aventurer dans les coulisses du Val-Saint-François, en quête de nouvelles révélations.

Premier arrêt : les monts Stoke, une chaîne de basses montagnes s’élevant à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Sherbrooke et exploitée par la papetière Domtar. Dans les années 1970, celle-ci y a tracé des sentiers pédestres et en a par la suite confié l’entretien et la gestion aux Sentiers de l’Estrie. L’organisme a depuis bonifié les parcours en vue d’en faire un pôle de randonnée. À ce jour, près de 45 km de sentiers linéaires et en boucle sillonnent ce massif forestier se dressant parmi des plaines agricoles.

La Traversée des monts Stoke, un long sentier suivant la crête en dent de scie de cette mini-cordillère de l’Estrie, vaut le détour pour quiconque souhaite tester son endurance en randonnée pédestre. Les monts Stokes sont composés d’une succession d’éminences dont le point culminant est le mont Chapman, haut de ses 657 m. Le trajet, à engloutir en une journée, s’avère un véritable jeu de yoyo de plus ou moins 1400 m de dénivelé sur 21 km, tout dépendant du sens parcouru. Nous avons commencé gonflés à bloc au point d’accès situé près du village dans le 8e Rang, pour finir la langue à terre au fond du 14e Rang.

Au contraire des destinations vedettes de la région, ce tracé ne possède pas de points de vue à tout casser. Bien que nombreuses, les percées visuelles sont plutôt pudiques. La forêt qui nous accueille est jolie mais assez monotone. Autrement dit, si vous courez après les attraits spectaculaires, vous faites mieux de passer tout droit. Néanmoins, si vous êtes à la recherche d’un défi à relever en coulisse, vous êtes à la bonne place. D’ailleurs, mes mollets gardent un souvenir doux-amer de leur ascension escarpée du mont John-Guillemette, le premier de la série…

 

Un camp de base rustique de luxe

Après cette gloutonnerie pédestre, nous mettons le cap sur la charmante municipalité de Racine, dont la fromagerie artisanale et le marché locavore ravitaillent les pleinairistes parmi les plus gourmands. Nous posons nos pénates en périphérie du village, chez Laö Cabines, le camp de base parfait pour poursuivre notre exploration plein air du Val-Saint-François. Prisé pour ses micro-chalets contemporains nichés en forêt, ce domaine privé de 27 ha voué au glamping renferme aussi un camping rustique encore méconnu du grand public. C’est le secret le mieux gardé du coin en matière d’hébergement sous la tente.

Photo Marilynn Guay Racicot

L’aménagement s’inspire des principes du camping sauvage : seulement cinq emplacements en plein cœur de la forêt, tout près d’un petit lac sauvage colonisé par les grenouilles. Nous y pagayons à notre guise sur les planches à pagaie et kayaks laissés à notre disposition. Ici, pas un bruit, à l’exception du chant des ouaouarons et du hululement de la chouette. Doté d’une bécosse, le camping est situé à 10 minutes à pied de l’accueil et du bloc sanitaire, où trônent deux spas en libre-service – un luxe qui se prend bien après de longues heures à crapahuter sur les pistes. Nous nous sommes également dégourdi les jambes sur place : près de 5 km de sentiers « faits maison » mènent à de mignonnes cascades ainsi qu’à la plage de sable du lac Brais. Ces attraits se trouvent sur les terres de la Couronne jouxtant le domaine.

Photo Marilynn Guay Racicot

Le berceau de la longue rando

L’offre en randonnée pédestre pullule dans ce secteur des Cantons-de-l’Est qui frôle le parc national du Mont-Orford, mais on ne randonne pas pour autant en territoire Sépaq. Du moins, pas pour le moment. En effet, plusieurs parcelles, dont les terres publiques voisines de Laö Cabines, seront un jour annexées au parc quand se concrétisera le projet d’agrandissement annoncé il y a une quinzaine d’années déjà. En attendant, on en profite encore en toute intimité grâce aux efforts des Sentiers de l’Estrie, qui entretiennent les pistes et négocient les droits de passage avec les propriétaires.

Sur la route 222, non loin de notre camp de base, se trouve le point de départ de deux sentiers. L’un grimpe sur la colline du lac La Rouche, offrant un ravissant point de vue sur l’étendue d’eau et, dans le lointain, sur le mont Orford. Cette piste y mène. On doit alors traverser le ruisseau Ely qui coule au fond d’une magnifique gorge et passer par d’autres sommets (mont Cathédrale, mont des Trois Lacs) avant d’atteindre la frontière nord du parc national. Divers points d’accès, disséminés çà et là, permettent de réaliser des circuits en boucles.

Du même point de départ, si on emprunte le sentier dans la direction contraire, on suivra la vallée du ruisseau Gulf et la rivière au Saumon pour rejoindre Kingsbury, 17 km plus tard. Cette localité est le berceau des Sentiers de l’Estrie, inaugurés en 1977 pour devenir le tout premier parcours de longue randonnée au Québec, avec quelque 200 km de sentiers à l’échelle des Cantons-de-l’Est.

La paix sur l’eau

Les plus aguerris peuvent poursuivre leur aventure pédestre jusqu’à Richmond, l’une des plus anciennes villes de la région, située à mi-chemin entre Sherbrooke et Drummondville. Quant à nous, c’est là que nous troquons chaussures de randonnée et bâtons de marche pour chaussons d’eau et pagaie : une escapade nautique nous attend sur la rivière Saint-François, en compagnie d’un guide de Canot-Kayak Richmond.

Daphné Caron, Tourisme Cantons-de-l’Est

Cet organisme de location d’embarcations, service de navette inclus, ne date pas d’hier. Il a été mis en place par la municipalité de Richmond en 2005 afin de démocratiser l’accès au plus important cours d’eau des Cantons-de-l’Est. Il propose deux parcours (10 km et 17 km) à réaliser en kayak ou en canot, la planche à pagaie n’étant pas recommandée en raison du lit rocheux et peu profond de la rivière. Le premier transporte les pagayeurs en eaux calmes depuis Richmond jusqu’à la localité voisine, Ulverton ; de niveau débutant, il s’effectue en autonomie. Le second, plus corsé, commence, en amont, à Windsor et se termine au centre-ville de Richmond ; il requiert d’être accompagné par un guide de Canot-Kayak Richmond, à moins bien sûr d’être autonome en rivière et de posséder sa propre embarcation.

Large et presque rectiligne, cette portion de la rivière Saint-François ne présente aucun grand défi, à l’exception de quelques petits rapides qui viennent pimenter la balade entre Windsor et Richmond. Quel est donc l’intérêt de ce trajet ? Réponse : la sainte paix qu’il procure. C’est que les berges verdoyantes de la Saint-François sont dépourvues d’habitations, un phénomène rarissime sur les masses d’eau prisées des Cantons-de-l’Est. En outre, par un samedi radieux et cuisant de juillet, nous n’avons rencontré aucun autre groupe de pagayeurs.

Daphné Caron, Tourisme Cantons-de-l’Est

Tout compte fait, cette dernière excursion de notre aventure dans les coulisses des Cantons est à l’image du plein air dans le Val-Saint-François, qui s’illustre dans l’ombre des vedettes estriennes.

En bref

Un détour plein air pour sortir des sentiers plus que battus des Cantons-de-l’Est.

Attrait majeur

L’abondance de sentiers pédestres bien balisés mais encore peu fréquentés.

Coup de cœur

Le camping rustique de luxe de Laö Cabines.