Gatineau Loppet envers et contre tout
Le plus grand événement de ski de fond au Canada était en février dernier, de retour dans son format habituel après une édition virtuelle. Notre collaborateur revient enchanté par la qualité de l’organisation.
Je me souviendrai longtemps de la 44e Gatineau Loppet, et les organisateurs aussi. C’est que le grand rendez-vous de ski de fond a bien failli ne jamais avoir lieu, et trois fois plutôt qu’une. Un mois avant l’événement, la cinquième vague de la pandémie de COVID-19 bat son plein, avec tout ce que cela implique d’incertitudes quant à la tenue de happenings sportifs. Puis s’abat une autre tuile : le désormais célèbre convoi de camionneurs occupe le centre-ville d’Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais, où doivent loger plusieurs participants. Et comme si ce n’était pas assez, un déluge – 20 mm de pluie – arrose la région à deux dodos des premiers départs.
Sur la route vers la quatrième ville en importance démographique du Québec, j’ai la désagréable impression que la participation à mon premier marathon populaire de ski devra attendre. Le thermomètre extérieur, qui affiche 8 °C, me nargue, tout comme les mottes de gazon qui font leur apparition çà et là, faute de neige. On se croirait au début d’avril, pas en plein mois de février, au cœur de l’hiver. Heureusement, les météorologues, ces presque devins, prévoient d’ici peu une chute providentielle de la température. Les équipes de traceurs de l’organisation se tiennent en embuscade, prêtes à transformer en piste de course l’or blanc qui tombera au sol.
« Ils ont tracé pendant toute la nuit, à un rythme d’un passage pour chaque cinq centimètres de nouvelle neige, raconte Michel-Olivier Matte, alors directeur général de la Gatineau Loppet. C’est grâce à eux que les skieurs ont pu profiter d’une base compactée. » N’empêche, ces caprices de dame Nature ont forcé l’équipe de planification, en concertation avec les autorités du parc de la Gatineau, où se déroule l’événement, à ne pas utiliser le tracé linéaire de 50 km, faute de surfaces suffisamment enneigées. À la place, les participants à la distance reine en technique classique et libre se rabattront sur une boucle qui part du complexe sportif Mont-Bleu et y revient 47 km et 1000 m de dénivelé positif plus tard.
Sans être inédit, le recours à un parcours de contingence demeure exceptionnel. « Nous avons déjà raccourci les distances par le passé, entre autres à cause de grands froids. En temps normal, le tracé linéaire est praticable à ce temps-ci de l’année », assure l’organisateur. Cette édition, on le comprend, n’est de toute façon pas placée sous le signe de la normalité. « Nous avons eu le feu vert de la Santé publique, mais il a fallu nous ajuster sans cesse et faire des compromis, notamment concernant les rassemblements intérieurs. La situation au centre-ville d’Ottawa nous a également porté ombrage ; certains skieurs ont annulé leur présence à la dernière minute, d’autres sont arrivés en retard à leur départ. »
Une expérience
Comme la nécessité est mère de l’invention, le comité organisateur de la Gatineau Loppet propose des nouveautés qui seront de retour lors des éditions subséquentes de la seule étape canadienne inscrite au calendrier du prestigieux circuit Worldloppet. Une nouvelle vague non chronométrée a ainsi été ajoutée à toutes les distances à l’exception du 50 km. « Plusieurs se sont mis au ski de fond pendant la pandémie. On voit ces vagues découvertes comme une porte d’entrée pour les skieurs néophytes qui veulent participer à une course sans nécessairement avoir la pression de la performance », explique Michel-Olivier Matte. Environ 10 % des 2000 participants en ont bénéficié.
Autre première : des courses à relais le vendredi soir pour lancer la fin de semaine de festivités. Parmi les athlètes inscrits pour batailler dur sur la boucle spectaculaire de 1 km figure l’ancien champion du monde Alex Harvey. (Son équipe composée de trois membres s’imposera par moins de 20 secondes sur la deuxième.) En parallèle, j’en profite pour visiter les tentes extérieures des exposants présents et mettre gratuitement à l’épreuve un kit complet S/Lab de Salomon pour le pas de patin – un mot : wow ! Pas question toutefois de sortir la carte de crédit ; c’est sur mes longues spatules fartées le samedi soir selon les conseils de l’organisation que le lendemain je prends le départ du 50 km (en fait un 47 km) style libre.
Et quel départ ! Étant d’office placé dans la dernière vague, inexpérience oblige, j’assiste au spectacle des skieurs qui bouclent leurs derniers préparatifs. En toile de fond, des farteurs s’époumonent : « Un dernier coup de brosse ? C’est gratuit ! » Une fois sur le parcours, c’est l’embouteillage. Les participants se marchent sur les skis et se harponnent avec leurs bâtons. Pour ma part, je multiplie les salamalecs : « ’Scusez », « Sorry », « À gauche », « Oups »… Il faudra près d’une heure avant que ça se clairsème un brin et que je puisse skier à mon propre rythme. Au moins, les pistes sont tracées à la perfection et le tapis, certes légèrement abrasif, est somme toute roulant.
La suite se résume littéralement à une balade dans le parc, sur les flancs du Bouclier canadien. La grimpe en paliers du sentier 15, le coup d’œil rapide du haut du belvédère Champlain, la longue descente sur la promenade du même nom, en position de recherche de vitesse… Tous ces moments forts vécus au fil de mes trois heures et des poussières d’efforts concourent à former un souvenir marquant, inoubliable. Surtout, ils m’inoculent un goût de r’venez-y, ce que je ferai peut-être lors de la 45e édition, qui se tiendra du 17 au 19 février 2023. Disposer d’une telle loppet d’envergure internationale chez soi, au Québec, est un privilège. Aussi bien en jouir.
En bref
La première participation de notre collaborateur à l’épreuve de 50 km de la Gatineau Loppet, un marathon de ski qui en sera à sa 45e édition en 2023.
ATTRAIT MAJEUR
Le parc de la Gatineau, ce terrain de jeu sans pareil.
COUP DE CŒUR
L’organisation, parfaitement rodée et soucieuse d’offrir un sans-faute.