En eau libre

«Je suis nageuse de longue distance en eau libre et je donne des conférences sur la motivation et le dépassement de soi. Un de mes projets cet été: relier à la nage Gatineau et Montréal par la rivière des Outaouais, une odyssée de 210 km. Je serai aussi présente aux Jeux du Québec, à Shawinigan, comme repré­sen­­tante des athlètes féminines.»

Très jeune, je découvre que nager est mon activité préférée, au point de devenir un véritable parcours de vie. Lorsque je nage, je me sens sereine et vivante, j’atteins un état de grâce. Comme bien des jeunes en sport-études, je suis le chemin de la discipline et de la rigueur sportive dans un circuit de compétitions de plus en plus exigeantes. Je suis une personne plutôt introvertie, restant bien souvent à l’écart des autres. Sérieuse, mais surtout perspicace, je recherche la performance et la perfection. L’entraînement est devenu le centre d’intérêt dans ma vie et je ne vis que pour gravir les échelons et performer.

Dès l’âge de 15 ans, je participe à des compétitions de nage à l’extérieur (en eau libre), comme la Traversée internationale du lac Memphrémagog et, l’année suivante, la Traversée internationale du lac Saint-Jean. Je joue dans la cour des grands et je commence à croire que tout est possible. Je poursuis donc dans cet élan en me lançant dans le triathlon – discipline dans laquelle je performe aussi. Physiquement et psychologiquement, je flotte; je me sens presque invincible. Pendant une bonne période, mon sport m’apporte tant de satisfaction que j’y investis toutes mes pensées et toutes mes énergies.

En 1998, à 19 ans, mon rêve se brise: je suis victime d’une fracture à deux reprises et je dois cesser toutes mes activités sportives. Pendant près de 10 ans, je prends docilement le chemin des études et j’emmagasine les connaissances pour nourrir mon esprit et m’épanouir – en vain. Ma vraie flamme, ma vraie passion, c’est la nage. Mon état de symbiose avec l’eau amplifie ma foi en la vie, mon désir de transformer les choses et d’exploiter au maximum mon potentiel. En cessant de pratiquer la nage, c’est comme si j’abandonnais une partie de moi en la laissant derrière. Une nuit, je rêve que je nage, que je traverse l’eau des lacs, des rivières, des fleuves. Au réveil, je décide de reprendre le pouvoir sur la vie que j’ai envie de vivre.

Nager pour embrasser l’univers
Je retourne donc à l’entraînement, mais cette fois, avec une approche plus large. Pour que mon entraînement soit complet et épanouissant, je dois lui associer mes valeurs et mes ambitions. C’est ainsi que je commence à créer et à développer des projets de nage en eau libre auxquels je peux intégrer les valeurs de dépassement de soi, d’implication sociale et de sensibilisation à l’égard des saines habitudes de vie. En fait, je réalise que je peux partager avec autrui ce que je ressens en nageant. Que mon sentiment de réalisation personnelle peut être une source d’inspiration pour d’autres.
Le premier projet que je réalise est de descendre à la nage la rivière Saint-Maurice en cinq jours. C’est mon premier vrai succès et, avec lui, l’assurance que j’ai trouvé une discipline à ma mesure, que je suis la seule, ici, à exercer: la nage en eau libre sur plusieurs jours.
L’année suivante, j’entreprends trois projets d’envergure: nager le fleuve Saint-Laurent de Montréal à Québec, nager le tour du lac Saint-Jean et, pour une seconde fois, nager la rivière Saint-Maurice, mais cette fois en trois jours. Chaque fois, je vis des réussites, chaque fois je rencontre des gens passionnés et chaque fois je contribue à quelque chose de plus grand. Les embûches et les difficultés ne m’arrêtent pas.

Chemin faisant, durant mes traversées, je découvre peu à peu une autre source d’inspiration: l’exploration des mystères de l’eau. Ses courants, ses marées m’enflamment littéralement. En faisant corps avec cet élément intense et complexe, je découvre peu à peu qui je suis, et j’explore mes propres mystères.