Lobuche, 4910 m, froid persistant



route vers Dingboche

Balkumar, notre assistant-guide, fredonne comme à son habitude. On se laisse envelopper par nos pensées diffuses. Dans quelques minutes, nous savons que l'atmosphère se rechauffera grâce à la combustion de bouses de yaks que la propriétaire des lieux apportera – à l'heure dite.

À cette altitude, les flancs des montagnes sont dépourvus d'arbres, ne reste plus que d'innombrables blocs de pierre qui forment des coulées d'éboulis. Il faut donc rivaliser d'astuces pour trouver de quoi remplacer le carbone des arbres pour se chauffer. Et les bouses de yak font très bien la job…

Pour monter jusque là, nous avons traversé un plateau depuis Dingboche (4410 m), l'une des sections les plus impressionnantes de notre parcours. Tout autour, les sommets enneigés ont accompagné notre route, des sommets aux noms prestigieux, comme de vieux amis qu'on rencontrait pour la première fois… Ama Dablam (6814 m), Island Peak (6189 m), Tabuche (6495 m), Lotse (8382 m). L'ombre de l'Everest planait au-dessus de nos têtes comme une idée fixe…

Tout petits qu'on se sentait, dans cet environnement démesuré, un peu essoufflés aussi, malgré le pas de montagnard que nous avions adopté depuis le tout début: lent, mais sûr.

Début d'après-midi, nous voilà au mémorial dédié aux victimes de ces montagnes imprévisibles. J'en avais entendu parler, depuis longtemps, de ce sanctuaire sans dépouilles. Me voilà, flottant à l'image de ces drapeaux de prière, dans cette ambiance tenue qui sublime les drames humains.

Sur des amoncellements de pierres, des plaques de cuivre commémorent des passages, éternisent des destinées. Scott Fisher, Babu Shiri Sherpa, et tant d'autres. Maigre récompense pour des existences coupées net dans un farouche élan de vie…