Métier à hauts risques

La tragédie qui a frappé les sherpas sur les flancs de l’Everest la semaine dernière a fait émerger, au-delà des drames humains qu’elle a engendrés – un questionnement plus général sur les conditions de travail de ces guides et porteurs des régions himalayennes. On a entendu pas mal de rumeurs sur le retrait des guides sherpas des expéditions prévues au printemps à cause de leur insatisfaction à l’égard du gouvernement népalais.

En effet, celui-ci avait fait savoir qu’il donnerait l’équivalent de 425$ à chaque famille endeuillée. Une famille, dans ces régions montagneuses, c’est une famille élargie à beaucoup de membres: parents, nombreux enfants, grands-parents, beaux-parents, cousins… Une assurance vie pour les guides existe bien, mais ceux-ci la jugent insuffisante et réclament une augmentation (l’équivalent de 20 000$).

J’en ai discuté avec l’alpiniste Gabriel Filippi, le tout premier à avoir mené une expédition commerciale québécoise sur l’Everest, en 2012.

Quelle est la source du mécontentement des Sherpas?
«Ils exigent un dédommagement supérieur à ce qui a été annoncé et une meilleure assurance vie qui apporte des ressources à la famille d’un guide décédé. Il faut comprendre que l’ascension de l’Everest représente, pour le pays, une manne économique avec un bénéfice brut de trois millions deux cent mille dollars par année (chaque permis coûte environ 10 000$ et inclut des assurances pour le secours en montagne). Le gouvernement népalais reverse 30% de cette somme au district de Kumbu, mais seulement 5% va au Fonds d’indemnisation des victimes de l’Everest. Les Sherpas exigent l’augmentation de ce ratio, en regard des risques encourus par leur profession.

Les agences de guides n’ont-elles pas un rôle à jouer dans ce débat?
Certainement. Ces compagnies paient les sherpas au salaire en vigueur, ce qui correspond à un montant bien supérieur au salaire moyen du pays. Aujourd’hui, des sherpas sont aussi propriétaires de compagnies de guides, et ils réalisent que sur les sommes colossales qu’ils donnent au gouvernement, très peu revient à la communauté. Ces compagnies ont embarqué dans les revendications des guides et porteurs. Ainsi que deux associations de défense, la Nepal Tourism Association et la Nepal Mountaineering Assocation (NMA).

Contacté par mail, le président de la NMA, monsieur Ang Tshering Sherpa, explique:

«Il n’y a aucune confirmation au sujet du boycott des expés prévues sur l’Everest. Quelles que soient les rumeurs propagées par les médias, le départ  des sherpas est faux et n’a aucun sens. Oui, les Népalais sont en deuil après cette immense perte humaine et ils se préparent mentalement pour les expéditions à venir; il faudra un peu de temps pour revenir à une situation normale.»

Mais le président de la MNA ajoute que son organisation est désormais en charge de créer un programme de dédommagement pour les enfants et les familles touchées par la tragédie. Il précise que des fonds sont présentement recueillis auprès des clubs alpins, des alpinistes et différentes associations.

Demain, jeudi 24 avril, la journée promet d’être décisive quant à la saison à venir, puisque plusieurs organismes doivent se rencontrer pour en discuter:
La NMA, la Trekking Agencies Association of Nepal, la Nepal National Mountain Guide Association, la Expedition Operator’s Association of Nepal et la Sagarmatha pollution Control Coomittee.