Silence, on pêche!
Pour les néophytes comme moi, pêcher requiert un initiateur patient comme Jimmy Larouche, Nord-Côtier et guide de pêche à la pourvoirie Essipit, aux Escoumins. Douze ans qu’il appâte les lignes pour les autres et qu’il dévoile les meilleurs spots pour taquiner la truite mouchetée, spécialité de la maison.
La musique, il la connaît par cœur. Pas causant, il sait exactement où vous amener: lac Raoul, par exemple, ensemencé juste ce qu’il faut pour satisfaire le client… De la truite, oui, mais méritée et au terme d’un combat mené à la loyale.
Sur la chaloupe à Jimmy, ça jacasse fort dans les premières minutes. Maniement de la canne, état des lieux ou considérations météo… tout est sujet à discussion. Ça me prend quelques minutes, une dizaine au moins, pour comprendre – et appliquer – les règles simples du dérouler-lancer de la ligne.
Mon fil s’emmêle : Jimmy rectifie. Mon ver de terre s’est fait gober tout rond par une maline au fond de l’eau : Jimmy répare. Ma technique pour ferrer manque de tonus : Jimmy rapplique.
Patient et discret, Jimmy me regarde sans piper mot.
Moi, bavarde au début, je mimétise les lieux au fond de ma chaloupe et concentre mon attention vers le principal : la musique qui filtre entre mes deux oreilles.
Parce que la pêche, pour moi, c’est une affaire de sonorités. Au fur et à mesure que s’intensifie la bataille du pêcheur contre le poisson, le silence s’installe dans le bateau et finit par occuper toute la place qui reste.
Une fois bien calé dans la coque de noix, le silence vous parle de la nature : des arbres qui grésillent en ondulation conjointe, de la brise qui fait frimousser la surface du lac, du huard qui vous le sert sur un plateau d’argent, son chant sacrément mélancolique. Le silence vous a ouvert la porte d’un monde dans lequel vous avez désormais une place réservée : votre ligne immergée est le canal translucide qui vous relie au paysage.
Alors, après ça, ferrer ou non la truite n’est plus si capital.
Repères : La pourvoirie du Lac à Jimmy est située au 46, rue de la Réserve, aux Escoumins. C’est l’une des 5 pourvoiries appartenant à la communauté innue d’Essipit. On y trouve huit chalets (dont un pour 22 personnes) et une quinzaine de lacs poissonneux. Un quota de 15 poissons par personne est imposé. On peut y observer l’ours noir en compagnie d’un guide. Info : 1888 868-6666 ou www.essipit.com.
Association du tourisme autochtone : www.tourismeautochtone.com.