Un terrain de jeu à protéger

Les Calanques, c'est comme la série des Cathédrales de Rouen, éternisées par le peintre Claude Monet: changeantes à chaque heure de la journée, selon l'oeuvre de la lumière.
On en aurait pas fini de décrire la palette de nuances qui les sculptent et réinventent à chaque heure… lumière voilée du matin, jaunâtre du midi, contrastée en après-midi. Et que dire des teintes rose-orange qui les inondent en soirée. Ici, on le sait bien: un ciel rosé le soir signifie mistral le lendemain. C'est infaillible.

Par journée de grand vent, pas une âme qui vive sur les sentiers exposés des calanques. De la Madrague, petit port de pêche à l'extrémité sud-ouest de Marseille, jusqu'à Cassis, à une vingtaine de kilomètres vers l'est, ce territoire de 5000 km2 est constitué d'une succession d'anses escarpées au-dessus de la mer, sculptées dans le calcaire (le terme calanque vient du provençal ‹cala› signifiant ‹pente raide).

Placé sous protection depuis 1930, c'est cette année que le massif doit bénéficier du statut de protection le plus rigoureux, celui de parc national, ce qui aura pour effet d'unifier la gestion de ce territoire soumis à hauts risques. Les pro-parcs, qui représentent environ 80% des citoyens locaux, ne veulent pas voir leur terrain de jeu mis sous cloche, mais savent bien combien il suscite la convoitise des ‹développeurs› et des braconniers en tous genres. Dans certaines zones, le thym et le romarin ont été tellement prélevés par des randonneurs sans intention de nuire, qu'elles en sont totalement privées aujourd'hui, ce qui semble totalement incongru dans cet écosystème! Haut-lieu bien connu pour l'escalade, les parois verticales au-dessus des calanques attirent bon nombre de grimpeurs locaux, mais aussi internationaux. Leur fréquentation suscite régulièrement une réflexion sur le maintien de l'activité dans le respect de l'environnement.

Plus grave, les eaux du littoral sont souvent victimes des braconniers sous-marins qui chassent le Mérou, la Dorade ou le Loup (qu'on appelle aussi le Bar), très recherchés, pour alimenter les restaurants de poisson locaux. Résultat: sans les chartes qui ont été émises, et le contrôle accru qui en a résulté, ces espèces poissonneuses auraient pu disparaître.

Le GIP (Groupe d'intérêt public) des calanques, qui regroupe au sein d'une même table de concertation des groupes, des collectivités et des individus concernés par le sort de ce territoire, a été créé en 1999 avec la mission de réfléchir à la protection et à la saine gestion du territoire, et de préparer la création du futur parc national. L'entrevue que je dois réaliser avec son Directeur par intérim, Benjamin Durant, sera l'occasion d'en savoir un peu plus sur l'accueil réservé à ce projet par la population locale et de saisir les enjeux de ce dossier qui suscite bien des réactions au sein des différents groupes intéressés par ce territoire.