Consommation /// Du ski alpin vert, est-ce possible?
Si je vous demandais de me décrire à quoi ressemble un centre de ski alpin modèle sur le plan environnemental, vous me parleriez certainement d’une station couverte de neige naturelle, sans remontée mécanique ni entretien des pistes avec des dameuses.
Un peu comme ce qu’on retrouve dans les Chic-Chocs, en Gaspésie.
Erreur.
Non seulement auriez-vous tort, mais encore s’agit-il là, pour la plupart des lecteurs de ce magazine, d’une des destinations de ski parmi les moins écologiques au Québec!
Avant de découvrir pourquoi, faisons d’abord le point sur une question clé: est-ce que le ski alpin peut être une activité durable?
Du ski durable, est-ce concevable?
C’est la question que se sont posée plusieurs acteurs de l’industrie du ski lors du dernier congrès de l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ), au cours d’un atelier que j’animais. Loin de vouloir défendre leur activité favorite, plusieurs d’entre eux en doutaient ouvertement.
«Dès que tu mets une paire de skis dans les pieds, tu as un impact sur l’environnement, disait un responsable de l’entretien des pistes. Il faut extraire du pétrole pour le plastique qui recouvre le ski, couper des arbres pour le noyau de bois et extraire du minerai pour les carres.»
«Dans le fond, quand on regarde les gens qui luttent pour leur survie dans les pays en développement, on voit que c’est une activité de luxe», ajoutait un autre employé.
«Le ski aura toujours un impact sur l’environnement, quoi qu’on fasse. Il est utopique de penser que ça pourrait être une activité durable», tranchait un troisième participant.
Il est facile d’arriver à de telles conclusions lorsqu’on s’interroge sur le développement durable de nos activités. Mais ce raisonnement équivaut à circonscrire la vie humaine à un rôle de virus ou de cancer qui tue son hôte.
Poussée à l’extrême, cette façon de penser revient à dire que toute activité humaine est négative sur le plan écologique… Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, on avance en terrain glissant!
Dans les faits, un développement durable est un développement qui vise à améliorer la qualité de vie des gens dans le respect des conditions essentielles à la vie. Dans ce sens, le ski est une activité qui contribue à maintenir une bonne forme physique. Pour plusieurs, c’est aussi un (rare) moyen d’être «dans la nature», l’hiver.
Bref, si on est d’accord pour dire que le ski répond à des besoins humains, on peut conclure qu’il s’agit d’une activité qui s’inscrit dans un développement durable. Reste à savoir si ça existe, un centre de ski «durable».
Des exemples dans notre cour
On entend souvent parler d’exemples de stations de ski modèles sur le plan environnemental, comme Jiminy Peak (dans les Berkshires, au Massachusetts), qui a installé une éolienne sur l’un de ses sommets, ou comme Åre, en Suède, qui vise à être carboneutre d’ici à 2016.
Pourtant, visiter ces stations dans le but de réduire l’impact environnemental du ski serait la pire chose à faire, car les émissions de gaz à effet de serre générés pour s’y rendre seraient plus élevées – bien plus élevées – que celles produites par la station.
C’est ce qui me fait dire que les Chic-Chocs ne sont pas une destination «écolo», sauf pour les Gaspésiens. Car une station située à proximité de sa clientèle – même si elle produit de la neige artificielle – est plus «verte» que celle qui est loin, sans canon à neige ni dameuse.
En effet, plusieurs études démontrent que l’impact combiné de la fabrication de la neige, de l’entretien des pistes, des remontées mécaniques et de l’éclairage ne représentent que de 10 % à 25 % des impacts potentiels sur le climat. Plus de 70 % des impacts sont attribuables au déplacement des visiteurs.
Des tendances à inverser
Il n’y a pas que les impacts globaux, comme les changements climatiques, qu’il faut considérer. Il faut aussi s’attarder aux impacts locaux, comme la dégradation des sols et l’usage de l’eau.
Avec l’arrivée des skis paraboliques, on assiste à un engouement pour les pistes larges comme des autoroutes. Plusieurs centres de ski ont répondu à cette demande en abattant des arbres. À la base, une telle pratique n’est évidemment pas souhaitable, car non seulement elle diminue l’étendue du couvert forestier, mais elle contribue aussi au problème d’érosion des sols et requiert davantage de neige artificielle, à cause des vents qui balaient la montagne sans aucune barrière naturelle.
Les stations ont beaucoup à faire pour optimiser la fabrication de la neige, réduire l’impact local et améliorer l’efficacité de leurs installations. Mais c’est à nous, en tant que skieurs, qu’il revient de faire le plus grand effort. Que ce soit en préférant skier au Québec, en pratiquant le covoiturage ou en encourageant les centres de ski qui offrent des moyens de transport collectif, nous pouvons faire une réelle différence. Bonne saison! •