Un emploi dans le plein air: Grands espaces, petits salaires

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On pourrait croire que le secteur du plein air propose des jobs de rêve. Et pourtant…

Quand votre « bureau » est une pente de ski avec 40 cm de poudreuse et une vue sur le fleuve Saint-Laurent, ou une forêt remplie d’air pur, de chants d’oiseaux et d’un calme qui tranche avec le bruit de la ville, on serait porté à penser que vous avez le boulot rêvé.

Pas tout à fait. Cette industrie, qui a toujours eu de la difficulté à recruter, traverse actuellement une crise sans précédent en matière de main-d’œuvre. Une étude de RH Tourisme Canada va même jusqu’à conclure que ce phénomène menace la croissance du secteur. Il y aurait un manque de quelque 35000 travailleurs uniquement pour ce qui est des animateurs et des préposés aux sports et aux loisirs!

Les raisons sont nombreuses. L’éloignement, bien entendu, mais aussi, les salaires et les horaires à la fois surchargés (pendant les vacances) et incertains (météo, creux saisonniers, contractuels, etc.) ne rendent pas ces emplois très attrayants.

Emploi plein air

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Salaire à la hausse

Alors que le débat sur le salaire à 15$ l’heure prend beaucoup de place au Québec depuis quelques mois, la question se pose: faudrait-il mieux payer les professionnels du plein air ?

De meilleures conditions pour les employés entraîneraient certainement une hausse des coûts pour la clientèle. Contrairement à l’essence, qui est une dépense indispensable, le budget plein air d’une famille est une dépense accessoire. Par conséquent, la capacité des employeurs à augmenter les prix est limitée.

En même temps, l’industrie ne peut rester indifférente à ce qui se passe. La pénurie de main-d’œuvre n’est pas un hasard. Au début des années 2000, déjà, les experts qui suivaient l’évolution démographique anticipaient la situation actuelle. Le pire, c’est que ce n’est que le début.
La population active, c’est-à-dire la population en âge de travailler, a connu une croissance soutenue au cours des 50 dernières années. Conséquence: il y a aujourd’hui près de deux fois plus de gens sur le marché du travail qu’au début des années 1970, soit 4,5 millions comparativement à 2,7 millions.

Or, nous assistons présentement au début d’un long déclin. Cela signifie que, année après année, il y aura moins de gens qui entreront sur le marché du travail qu’il y en aura qui prendront leur retraite. Cette tendance négative a commencé en 2016, et la courbe démographique montre que cette baisse s’accentuera à partir de 2019. La dégringolade de la population active se poursuivra jusqu’en 2030, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec.

Retenir le talent

Dans ce contexte, une hausse des salaires me semble inévitable, car tous les secteurs, pas seulement l’industrie touristique, seront touchés. J’irais même plus loin: je crois qu’une meilleure rémunération ne sera pas suffisante. Il faudra faire davantage pour attirer et retenir les meilleurs talents

Je ne parle pas seulement ici d’offrir une plus grande sécurité d’emploi. Quand je suis entré à l’université, au milieu des années 1990, on voyait pour la première fois depuis plus d’une décennie des recruteurs sur le campus. C’était le début d’internet et de la bulle techno, qui a explosé peu après le passage à l’an 2000, et ceux-ci offraient des emplois dans les entreprises de technologie comme le père Noël distribue des cadeaux.

Les besoins de main-d’œuvre étaient tels que, rapidement, on a vu apparaître un phénomène d’enchère. Des étudiants en informatique, qui n’avaient pas encore obtenu leur diplôme et qui travaillaient à temps partiel, gagnaient plus d’argent que des salariés permanents avec plus de 15 ans d’expérience dans d’autres secteurs.

Afin de se démarquer, un employeur se vantait d’offrir les boissons gratuites. Un autre avait fait installer une allée de quilles et une salle de jeu pour ses employés. Un troisième offrait des massages gratuits à ses employés. Il y avait une escalade, et chaque semaine, des recruteurs tentaient de débaucher les étudiants chez le concurrent en leur offrant des «cadeaux» et des conditions toujours plus formidables

Après un certain temps, les employés n’étaient plus aussi facilement impressionnés. Il leur fallait plus qu’une salle de méditation pour les convaincre de changer de job. Pourquoi ? Parce que ce qui était vraiment important à leurs yeux était la marque employeur. Les valeurs, les gens et la mission étaient ce qui les motivaient plus que tout. Contrairement aux avantages monétaires, qui peuvent être bonifiés en un claquement de doigts, il faut des années pour bâtir une culture d’entreprise attrayante autour de valeurs fortes.

À mon avis, c’est exactement ce qui va se produire dans les secteurs menacés par une pénurie de main-d’œuvre, comme celui du plein air. On a déjà commencé à voir une bonification des salaires en 2018. Toutefois, au cours des prochaines années, il faudra faire mieux. Autrement, l’offre en souffrira et les prix grimperont.