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Mythes et réalités de la carboneutralité
Dans la lutte contre les changements climatiques, l’objectif de carboneutralité est central et nécessaire à l’atteinte des cibles limitant les répercussions actuelles et futures d’un climat changé, tant pour les pays que pour les provinces, les villes et les entreprises.
Si cette direction est fondamentale, il existe des angles morts qu’il faut s’assurer de considérer afin de rendre la démarche crédible et efficace. En ce sens, un mythe à déboulonner demeure et est au cœur même du principe de carboneutralité : la compensation carbone, qui se situe à la fin de la séquence classique d’atténuation des impacts environnementaux. On doit, en effet, d’abord chercher à éviter les impacts, puis tout au moins à les réduire et, finalement, quand tout ce qui est possible dans le contexte a été fait, à les compenser. Cette prescription clé doit nécessairement être respectée si on veut être cohérent avec les objectifs de développement durable.
Quand la Ville de Montréal, par exemple, a annoncé son désir d’être carboneutre en 2050, le plan proposé s’est prioritairement concentré à diminuer les émissions par différentes stratégies : l’annonce en mai 2019 du retrait obligatoire des chaudières à mazout dans les commerces et industries d’ici 2025 puis dans les résidences avant 2030 reflète bien les efforts de réduction mis en œuvre ; bien qu’il soit impossible pour les élus et employés de la Ville de ne plus voyager, la mairesse expliquait en 2019 son intention de restreindre ses déplacements en avion dans le but de diminuer ses émissions et souhaitait faire baisser le nombre de vols de l’ensemble de son administration. Après le déploiement de ces efforts de réduction et d’autres, une compensation est envisagée par la Ville pour les émissions résiduelles qu’on ne peut pas éliminer dans cet échéancier. Dans ce contexte où la mesure principale du plan de carboneutralité focalise sur l’élimination et la réduction des émissions, la compensation trouve sa juste place.
À l’opposé, lorsqu’une compagnie aérienne offre aux voyageurs de compenser les émissions de CO2 de son vol par l’achat de crédits carbone, si cette proposition ne s’accompagne pas d’une sensibilisation aux changements climatiques, à des incitatifs afin de réduire le nombre de vols et à des changements technologiques sur les appareils en vue de diminuer les émissions, ce n’est là qu’une opération d’écoblanchiment.
Cela est tout aussi vrai pour un consommateur qui ne remet pas en question le nombre de voyages en avion qu’il réalise annuellement et s’achète une bonne conscience en crédits carbone. J’avoue mon découragement quand je constate qu’on installe dans les aéroports des bornes d’achat de crédits carbone sans que nulle part ne s’engage une réflexion sur la réduction des émissions des quatre milliards de passagers par année à travers le monde.
Mais en quoi donc le processus compensatoire est-il limité ? En fait, ce n’est pas que l’incidence de la compensation sur le climat est nulle, pas du tout. C’est qu’une tonne de CO2 émise contribue immédiatement à l’effet de serre, alors que la compensation se fait souvent a posteriori. L’exemple des crédits carbone forestier est frappant : quand on achète un crédit d’une tonne de carbone, on assume que le carbone sera transformé en biomasse pendant la croissance et que cette tonne sera séquestrée dans les décennies que prendra l’arrivée à maturité de l’arbre ; ainsi, dans bien des cas, cette séquestration se fait sur 80 ou 100 ans. La tonne émise aujourd’hui n’est donc compensée que des dizaines d’années plus tard, sans compter les risques de mort de l’arbre, de coupe et d’absence de remplacement. La compensation par crédits carbone est bien évidemment mieux que de ne rien faire, mais il ne s’agit pas d’une solution miracle.
La carboneutralité est au cœur de la lutte contre les changements climatiques, mais autant pour un citoyen que pour une entreprise ou un pouvoir public, si la compensation carbone ne suit pas une démarche d’élimination et de réduction à la source et une amélioration continue des bonnes pratiques pour le climat, les crédits carbone doivent simplement être considérés comme une extension du capitalisme qui a lui-même créé la situation dans laquelle nous sommes actuellement.
Jérôme Dupras est scientifique, professeur au Département des sciences naturelles de l’UQO, membre des Cowboys Fringants et activiste