Votre montre de sport vous ment-elle ?

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À l’heure de la quantification de soi, Homo athleticus surnage dans les données sportives. Mais que valent-elles vraiment ?

Se comparer avec son voisin est monnaie courante parmi les sportifs du dimanche. Et pour cause : ces derniers ont plus que jamais accès à des montres, bracelets et autres applications pour téléphones intelligents – même les adeptes de sport électronique disposent depuis peu de « leur » gadget. En théorie, les données captées par ces technologies servent à améliorer les performances ; en pratique, elles sont (trop) communément utilisées pour péter de la broue sur les réseaux sociaux virtuels comme Strava, le royaume des « concours de quéquettes », a déjà titré Le Nouvel Obs.

Seul problème : leur précision laisse quelque peu à désirer. C’est du moins ce que suggère une étude parue l’année dernière dans la revue International Journal of Sports Science & Coaching. Les auteurs ont voulu comparer les données GPS (distance et dénivelé) recueillies par diverses montres de sport lors d’une même course à pied de 56 km. Au final, celles-ci se trompent d’environ 0,6 % à 1,9 %, une marge d’erreur qui peut sembler faible, mais cependant suffisante pour gérer inadéquatement un effort en compétition. Les parcours sinueux occasionnent davantage d’imprécisions, notent les chercheurs.

Ces résultats confirment ceux de travaux passés. Une méta-analyse de 60 études sur la mesure de la dépense énergétique, publiée dans le British Journal of Sports Medicine, concluait que la précision des moniteurs d’activité physique varie considérablement à ce chapitre. Le type d’activité physique et la qualité des appareils – récréatifs ou à usage scientifique et médical – ont une grande influence sur la quantité de calories supposément brûlées à l’effort. Et on ne parle pas toujours d’une différence de quelques dizaines de kilocalories, mais parfois de plusieurs centaines !

Le jeu des inférences

Myriam Paquette, physiologiste de l’exercice à l’Institut National du sport du Québec (INS Québec), n’est pas surprise outre mesure par ces observations, surtout en ce qui a trait à la dépense énergétique. « C’est un grand classique : ce paramètre est souvent obtenu par une mesure indirecte de l’effort, celle de la fréquence cardiaque, plutôt que directe, celle de la consommation d’oxygène. Cela est à l’origine de diverses inférences qui, en fin de compte, engendrent une incertitude, de 10 % pour les meilleures montres de sport à 90 % pour les pires », explique la scientifique.

De fait, ce jeu de déductions et d’estimations grossières est derrière maints paramètres couramment proposés aux sportifs amateurs. Ainsi, la VO2max affichée par une montre relève probablement davantage du marketing que d’autre chose. Et la puissance mesurée en course à pied par Stryd, un genre de podomètre à fixer sur un soulier, doit être prise avec un grain de sel. De manière plus fondamentale, cela vaut la peine de reconsidérer son rapport à ces technologies. « Beaucoup de gens sont esclaves de leurs statistiques. Ce faisant, ils se coupent de leur perception subjective de l’effort, qui est peut-être la plus importante des données », affirme Myriam Paquette. Donnée, incidemment, gratuite.

 

B.a.-ba de la fréquence cardiaque

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Lointaine est l’époque où la fréquence cardiaque (FC) représentait le nec plus ultra en matière d’entraînement. Aujourd’hui, à peu près toutes les montres de sport l’affichent, même les moins onéreuses. Mais attention : il faut savoir que la FC captée au poignet plutôt que par une sangle de poitrine est moins précise. En outre, il est utile de comprendre les nombreuses limites de cette mesure propre à un individu. « La FC prend du temps à monter et se stabiliser, ce qui la rend inutile lors de courts efforts intenses. Aussi, il est essentiel d’établir sa FC maximale par un test d’effort plutôt que par une approximation », souligne Myriam Paquette.