Anticosti, là où la nature n’est pas… dénaturée

  • hiking and exploring the Vauréal river and fall

Amateurs de grand air, soyez prévenus : la dépendance croît avec l’usage. Ainsi, une visite à l’île d’Anticosti n’est pas suffisante en soi et ne sera jamais que le prélude à une série de visites subséquentes, question d’étancher votre soif de sites naturels grandioses.


Le sentier Les Télégraphes nous mène à une vue impressionante sur la baie de la Tour, falaise qui s’effrite en sus.

Avec ses quelque 8000 km² de superficie séparés en 3 grandes régions – le parc national, qui fait 572 km², le territoire général de la Sépaq et la zone dite hors territoire –, l’île a bien de l’espace pour les amateurs de… grands espaces. Pas d’inquiétude, on ne s’y sent jamais coincé!

De nombreuses routes de gravier sillonnent ses 225 km de longueur et ses 56 km de largeur moyenne. Les chemins d’accès vont de la «Transanticostienne», véritable autoroute pour camions de transport du bois, jusqu’aux routes secondaires ou tertiaires, bien plus bucoliques, en passant par le sentier de VTT.

Bien qu’en très bon état, le réseau routier nécessite cependant l’utilisation de camions robustes à quatre roues motrices, ne serait-ce que pour traverser des sections inondées ou emprunter un détour forcé dans le bois, en raison du bris d’un ponceau.

Si chasseurs et pêcheurs ont depuis longtemps adopté l’île comme terrain de jeu, vu l’abondance de chevreuils et de saumons, les randonneurs et autres tripeux de plein air ne sont pas encore aussi nombreux au rendez-vous. Pourtant, la nature généreuse et la grande diversité des activités qu’il est possible d’y pratiquer font de l’île un lieu incontournable pour tout pleinairiste.

Et, surtout, les attraits naturels n’y sont aucunement… dénaturés. Ainsi, les aménagements se font discrets, les barrières et clôtures ne se dressent qu’occasionnellement, les trottoirs de bois sont rares et ceux de béton, carrément inexistants. Génial! Et malgré son éloignement des grands centres, Anticosti est plus que jamais accessible en raison des liaisons possibles par bateau et par avion.

Voici donc six propositions d’activités thématiques, histoire de vous faire saliver un peu en attendant votre prochaine visite. Visite qui ne saurait – ni ne devrait – tarder!

RANDONNÉES AVEC VUE
Le parc national d’Anticosti est divisé en trois principaux secteurs: la Grotte-à-la-Patate, le canyon de la rivière Observation et La Chicotte, qui est le plus grand et qui inclut la rivière Vauréal ainsi que 26 km de bord de mer. C’est dans ces deux derniers secteurs qu’on retrouve les sentiers décrits ci-après, sentiers qu’il vaut mieux emprunter avec des jumelles et après avoir réglé son appareil photo sur la fonction «panorama»!

D’abord, le sentier Les Télégraphes, dans la région Baie-de-la-Tour, ne fait qu’un maigre 5 km en boucle. Toutefois, les nombreuses pauses, obligatoires pour savourer le spectacle qui se déroule sous nos yeux, en font un sentier qui occupera facilement une demi-journée.

Du stationnement, situé au sud du lac du même nom, le sentier gravit rapidement une colline en zigzaguant entre les conifères. Agréable, soit, mais l’intérêt premier est la vue qui s’offre à nous du sommet de la falaise. Ici comme ailleurs dans le parc, pas de clôture, pas de site d’observation bétonné; rien que nous et la falaise aux parois qui s’effritent, la plage de sable qui se courbe langoureusement au loin, le lac de la baie de la Tour protégé par un écrin de verdure et… la mer, à perte de vue. On respire, lentement. Quand on reprend ses esprits, on se rappelle qu’Anticosti abrite une des plus grandes concentrations de pygargues à tête blanche d’Amérique du Nord… et on sort ses jumelles.

Ensuite, le sentier Les Falaises s’étire dans la section du canyon de la rivière Observation. Depuis le stationnement du secteur est, il offre un rapide aperçu de la beauté des lieux en une très courte boucle de 3 km. Toutefois, le sentier Le Brûlé-de-1955, qui peut lui servir de prolongement, parcourt une bonne partie du canyon en une boucle de 8 km. La rivière, qui serpente au creux du canyon en contrebas ou qui se jette furieusement du haut d’une falaise, contraste avec les parois de calcaire sédimentaire. Ici encore, plusieurs pauses sont nécessaires pour apprécier l’endroit à sa juste valeur. Tandis que nos yeux, ronds comme des 25 sous, tentent de tout absorber, on devient gaga d’admiration. Quand notre cerveau se remet lentement à fonctionner, on se souvient que chaque mètre de roche sédimentaire représente 15 000 ans de dépôts marins. Et nous voilà subjugué.


Pour accéder à la grotte à la Patate, une courte randonnée ainsi qu’un casque équipé d’une lampe frontale sont de rigueur.

RANDONNÉE AMPHIBIE
La chute de la rivière Vauréal se passe de présentation. Tout le monde connaît son impressionnante hauteur (76 m, pour ceux qui l’auraient oublié…) et sa majestueuse localisation. Du haut du belvédère aménagé, où on peut avaler son lunch tout en s’abreuvant du spectacle, la vue est en effet superbe. Toutefois, le «sentier» menant au pied de la chute, quoique bien moins fréquenté que le belvédère, a pourtant bien plus à offrir. Du stationnement jouxtant le canyon, le chemin de gravier se termine rapidement dans un ruisseau. C’est ici que débute la partie aquatique de la randonnée.


C’est au pied de la chute Vauréal que le spectacle est le plus, le plus… y a pas de mots pour décrire ça!

Équipé de bâtons de marche et de sandales, ou de souliers appropriés, on parcourt la majorité des 7 km que couvre l’aller-retour au pied de la chute. Le ruisseau dévale la pente rapidement pour aller grossir la rivière Vauréal. Il faut alors bifurquer à droite, et c’est à ce moment que la personnalité du canyon de la Vauréal nous est révélée.


La rivière Vauréal fait office de sentier qui mène à la chute du même nom. Mais quel sentier!

Bordée de formidables parois de calcaire blanchâtre de près de 90 m de haut, la rivière se faufile vers la mer. C’est donc à contre-courant qu’on progresse, vers le pied de la chute. Tantôt les pieds au sec à observer quelque fossile, tantôt de l’eau jusqu’aux genoux en s’appuyant fermement sur nos bâtons, la progression est lente. Il est en effet toujours délicat d’avancer en regardant vers le haut pour ne rien rater du décor. Soudain, au détour, un bruit sourd se combine à un nuage de fines gouttelettes d’eau. Elle est là. Wow! Et comme la nature fait bien les choses, en plus de la beauté de la chute, une plage de galets offre l’hospitalité temporaire. Un lieu parfait pour casser la croûte.

RANDONNÉE SOUS LA TERRE
Pas question, ici, de faire du rappel technique ou de ramper des dizaines et des dizaines de mètres dans un couloir boueux, sans savoir si on restera coincé ou pas. Non. La salle d’entrée de la grotte à la Patate, la plus grande connue au Québec, assure mon guide, fait environ 80 m de long sur 9 m de large et 8 m de haut.

On y entre donc bien droit, avec casque et lampe frontale, bien sûr. Le court sentier menant à la grotte fait environ 3 km, aller-retour. On traverse une ou deux fois la rivière à gué, puis on longe un immense barrage de castors ayant servi à créer un étang qui abrite une hutte tout aussi démesurée. La grotte, formée il y a environ 38 000 ans, comprend 3 salles principales. S’il faut s’abaisser légèrement et parfois marcher dans l’eau dans la première, on doit ramper un peu pour accéder aux deux autres. Avis aux claustrophobes…


La région de Chicotte-la-Mer propose des randos à dos de cheval où la mer est omniprésente.

RANDONNÉE ÉQUESTRE
C’est à l’extérieur du parc national, dans une section néanmoins gérée par la Sépaq, qu’il est possible de faire de l’équitation. Au site de Chicotte-la-Mer, un concessionnaire offre un service de randonnées accompagnées, d’une durée d’une à deux heures.
Passer à l’écurie, faire connaissance avec sa monture et se mettre en selle, jusque-là, rien de bien nouveau. C’est au moment où la caravane se met en branle et que les chevaux pointent leurs oreilles vers la plage que les choses prennent tout leur sens; après tout, on est à Anticosti. On va donc traverser une rivière (comme dans les films de cow-boys), longer la mer et demeurer à l’affût des chevreuils et des pygargues. Les vagues se brisent sur la plage, les chevaux se faufilent entre les débris laissés par la dernière marée haute… et le cow-boy est heureux. Que dire de plus?

RANDONNÉES À VÉLO
Ne cherchez pas: il n’y a pas de piste cyclable sur l’île. Du moins, pas encore. Il y a bien un projet de circuit en boucle dans le coin de la Vauréal, mais ce n’est, justement, qu’un projet. Ainsi, à moins d’être venu par bateau et d’avoir apporté son propre vélo (de montagne, il va sans dire!), il faudra passer au bureau d’information touristique de Port-Menier, où il est possible de louer quelques montures de fer. Une fois les quelques formalités remplies, le territoire s’ouvre à vous.

Hormis la route Henri-Menier (alias la Transanticostienne), qui traverse l’île d’ouest en est et qui supporte un trafic plutôt lourd, tant en densité de circulation qu’en taille de camions, la plupart des routes secondaires ou tertiaires sont recommandables. Voici quatre suggestions d’itinéraires.

Pour une petite mise en jambes, un départ du village de Port-Menier en direction de Baie-Sainte-Claire permet de vivre une journée de vélo aux intérêts variés. Le village abandonné de Baie-Sainte-Claire et ses cimetières forment certes des attraits intéressants, mais il faudra s’aventurer sur le reef à marée basse, pour une expérience hors du commun. Une courte visite à l’épave du Calou et un retour en boucle par l’Anse-aux-Fraises compléteront la balade, qui fait une quarantaine de kilomètres.

Au km 129 de la Transanticostienne, une route tertiaire mène à la mer vers le canyon de l’Observation. On peut ainsi se taper un p’tit 28 km aller-retour pas piqué des vers.

Du stationnement du site Jupiter-la-Mer, la route tertiaire qui se dirige vers la Pointe-Sud-Ouest permet de rouler sur 19 km, aller seulement. Pour une rando plus longue, on peut pousser jusqu’à Brick-la-Mer. On emprunte alors une route secondaire et une autre, tertiaire, pour ajouter 18 km à l’aventure, toujours en aller simple.

Pour une combinaison rando-vélo à partir du site McDonald, il est possible d’emprunter une route tertiaire en direction de l’anse de la Sauvagesse. De là, on peut poursuivre à pied vers la falaise Puyjalon. On peut ainsi
réaliser une boucle de 33 km en vélo, si on emprunte la route Henri-Menier, moins passante dans ce coin-là, car plus éloignée de Port-Menier.

RANDONNÉES MÉDITATIVES
Il faut l’avouer, ce n’est pas tous les jours qu’on a le goût de battre des records olympiques, à Anticosti. Une petite promenade tranquille, ponctuée de multiples arrêts, s’avère alors tout indiquée.

Parmi les possibilités, il y a d’abord les classiques randonnées sur la plage, et ce ne sont pas les endroits à explorer qui manquent! Si on est chanceux, le capelan aura roulé et l’odeur de la mer nous en mettra plein les narines. Sinon, on se contentera d’observer au loin les phoques et les oiseaux marins tout en jouant dans les galets. Dans la région du site Kalimazoo, on peut aussi examiner les débris d’un avion, admirer une petite chute et voir un «exclos» (l’inverse d’un enclos…), où la végétation est protégée des chevreuils.

Une virée au phare de Pointe-Carleton, alors que le soleil s’apprête à se coucher, est aussi des plus romantiques, alors qu’une descente sur la plage pour explorer les restes du Wilcox, échoué depuis belle lurette, est des plus, euh, historiques…

Enfin, bien qu’il soit possible de se promener un peu partout dans l’île, rien n’a d’égal que de marcher lentement dans la rivière Brick, de Brick-la-Roche à Brick-la-Mer, en scrutant le sol pour y découvrir une kyrielle de fossiles. À nous les trilobites, crinoïdes et gastéropodes! Et, tout bien réfléchi, à nous Anticosti! •

REPÈRES
Forfaits 

La Sépaq propose plusieurs forfaits. C’est probablement l’option la plus simple et la plus intéressante. Pour un séjour de 3, 4 ou 7 jours avec coucher en auberge, chalet ou camping, comprenant l’avion aller-retour de Mont-Joli, le camion et, dans certains cas, les repas, comptez de 545 $ (3 jours en camping) à 1735 $ (7 nuits en auberge) par personne, selon les options choisies.
www.sepaq.com/parcanticosti

Transport seul
Par avion : plusieurs petits transporteurs exploitent des vols réguliers ou nolisés à destination de Port-Menier. L’offre varie toutefois avec les saisons et les années. À titre d’exemple, un aller-retour Sept-Îles – Port-Menier coûte environ 290 $, avant taxes.
www.propair.ca, www.airliaison.ca, www.exactair.ca, www.airinuit.com

Par bateau : Relais Nordik offre le transport maritime des passagers et des véhicules. Tarifs : de 104 $ à 252 $ par personne pour un aller-retour, selon qu’on embarque à Havre-Saint-Pierre ou à Rimouski.
www.relaisnordik.com

Location de vélos
Il est possible de louer un vélo au bureau d’information touristique de Port-Menier. L’offre de service peut être limitée, selon la demande. Tarif : 20 $ pour la journée.
www.ile-anticosti.com