Autour de l’île de Montréal…
en kayak de mer!
C’est sous un beau ciel bleu, après une semaine de pluie battante, que le départ de cette aventure hors du commun est donné, au canal de Lachine. Objectif: compléter en quatre jours de kayak de mer le tour de l’île montréalaise, soit les 150 km de la toute nouvelle Route bleue du Grand Montréal (RBGM), un tronçon majeur du Sentier maritime du Saint-Laurent.
À terre, une équipe hors pair du Comité ZIP Ville-Marie s’occupe de la logistique (repas, transport vers des motels, etc.) et filme la progression du groupe en même temps que les attraits naturels ou culturels des abords de l’île. Sur l’eau, votre humble kayakiste est accompagnée de six quasi-inconnus, hormis Sylvain, mon premier instructeur de kayak.
Premier contretemps: comme l’équipe technique de Parcs Canada en a plein les bras avec les inondations de la Montérégie et leurs effets sur le canal de Chambly, les écluses du canal de Lachine ne sont pas en fonction et les quais ne sont pas installés. Il faut donc portager pour éviter les écluses…
Nous mettons à l’eau dans le canal au quai d’Aventures H2O, face au marché Atwater. Le parcours vers l’ouest, avec hérons et bernaches pour spectateurs, est facile, mais il nécessite la matinée pour se rendre jusqu’à l’écluse de Lachine. Il faut dire que le groupe a eu sa première avarie: le kayak de Vincent, de ZIP Ville-Marie, prend l’eau au point que ce dernier baigne quasiment dans le cockpit! Après une inspection détaillée de l’embarcation pour trouver la source du mal, une fissure dans la coque est identifiée à l’avant. Solution de fortune: le duct tape…
Vincent pompe l’intérieur du kayak et le groupe repart, mais le duct tape ne suffira pas. Au bout du canal, Vincent barbotte encore dans l’eau. Retour sur la berge, au parc René-Lévesque, à Lachine. Sylvain sort l’attirail de choc: une «potée» d’époxy qu’il malaxe avant de l’appliquer sur la fissure. Le temps qu’elle sèche, nous pique-niquons au soleil. La potée s’avérera si miraculeuse que Vincent gardera son kayak jusqu’à la fin.
De retour à l’eau, nous virons à droite dans le vieux canal de Lachine aux petits ponts pittoresques, avec vue sur de jolies cours privées… mais l’eau est si haute qu’il faut se coucher vers l’arrière des kayaks pour passer sous les ponts! Nous devrons finalement faire demi-tour face à l’un d’eux, sans espace suffisant et sans moyen de mettre pied à terre.
Nous ressortons à l’extrémité est du lac Saint-Louis, après avoir décroché une ligne de pêche d’un kayak! Le contraste est fort entre un espace si ouvert et l’étroit canal. Il l’est aussi avec le vent qui se lève et un contre-courant obligeant à souquer ferme en longeant la rive. J’ai un moment de découragement en me faisant doubler par des marcheurs au bord de l’eau… L’euphorie de la matinée a cédé la place à la concentration sur l’effort.
À vau-l’eau, de pointe en baie
À l’approche de la pointe de Valois, les vagues sont fortes, mais pas question de couper la baie suivante. Après une courte halte au fond de cette baie, je rembarque un peu brusquement et casse un côté du dossier de mon siège. Pour ne pas retarder le groupe avec une réparation à faire, et compte tenu du mauvais temps et de la fatigue, l’autre fille du groupe et moi prenons la voie terrestre pour rejoindre le motel, avec les kayaks sur la remorque, et 25 km dans les bras! Trois gars feront de même à la sortie d’urgence suivante, tandis que les deux autres braveront les éléments pour rejoindre Beaconsfield à la nuit tombée.
On avale de grosses pointes de pizzas au petit motel, et Michel, instructeur à Enviro Kayak, prend le temps de réparer (brillamment) mon siège de kayak. Au matin, nous repartons du parc Angell Bay vers Baie D’Urfé, avec la grosse île Perrot sur la gauche et de jolies maisons à droite. Il fait beau et l’eau est calme, sauf à l’approche des rapides de Sainte-Anne-de-Bellevue. On serre à droite pour débarquer avant l’écluse de Sainte-Anne, grimpant les escaliers vers la piste cyclable sous le regard ébahi des promeneurs du samedi. De l’autre côté de l’écluse, l’entrée du lac des Deux Montagnes nous mène à Senneville, paradis des maisons cossues, avec façades et jardins tournés vers le plan d’eau. On joue les voyeurs en découvrant ces lieux cachés. Passé la pointe Boyer, un pique-nique nous attend au parc-nature de l’Anse-à-l’Orme, en partie inondé par les crues printanières.
L’étape suivante se fait bien, dans le sens du courant, en contournant le parc-nature du Cap-Saint-Jacques. Bernaches, hérons et rats musqués se montrent le bout du bec et du nez. Les rapides de Cap-Saint-Jacques bouillonnent sur 500 m, que nous franchissons allègrement après avoir quitté le lac des Deux Montagnes pour filer vers l’est, entre Pierrefonds et l’île Bizard. Ce couloir maritime de 6 km nous conduit à l’île Bigras pour virer ensuite à 45 degrés dans la rivière des Prairies, véritable entonnoir où le courant fort nous entraîne à bonne vitesse. Les rapides du Cheval Blanc impressionnent!
Au passage d’un pont, je crains de passer trop près d’un pilier, mais Sylvain me rassure: «Pas de problème! Pagaie, tu vas passer à droite!» Nous avalons les kilomètres et les ponts (Lachapelle, autoroute 15…), poussés par le courant. Par la suite, arrêt décrété dans un motel de Laval pour la nuit, avec souper chinois!
En kayak sur la piste cyclable!
Au matin, deux ponts plus loin, tout le monde débarque au parc-nature de l’Île-de-la-Visitation. Il faut portager sur quelques centaines de mètres sur la piste cyclable pour éviter les rapides à l’arrière du barrage de la centrale hydroélectrique de Rivière-des-Prairies. On en profite pour informer les curieux de notre aventure… avant de rembarquer. Le courant continue de nous porter jusqu’aux îles Lapierre et Gagné. De Montréal-Nord à Pointe-aux-Trembles, les berges reprennent un peu de naturel. Le bout de l’île est en vue après l’archipel du Mitan et le parc régional de la Pointe-aux-Prairies. Passé le pont Charles-De Gaulle, nous nous délions les jambes dans une petite anse, avec un magnifique coucher de soleil pour cadeau.
La dernière journée promet d’être intense. On double la pointe nord de l’île de Montréal pour filer plein sud le long de l’île Sainte-Thérèse. À notre grand plaisir, la nature a repris ses droits sur l’urbanité, mais on n’a guère le temps d’en profiter. Il faut traverser la voie maritime en groupe serré pour rejoindre les îles de Boucherville, qui déploient tous leurs atours printaniers. Au bout de l’île Charron, le centre-ville de Montréal est bien en vue. La Route bleue se poursuit le long de la rive sud du Saint-Laurent, dépassant Longueuil pour rejoindre l’île Sainte-Hélène.
À la hauteur de la Cité-du-Havre, on entre de nouveau dans le canal de Lachine par l’écluse du Vieux-Port, puis le bassin Peel, pour finir en douceur près du marché Atwater. Sylvain et Michel y exécutent quelques pirouettes d’esquimautage chaudement applaudies par les autres. Quel formidable début de saison de kayak! •
Repères
Sentier maritime du Saint-Laurent : www.sentiermaritime.ca
Route bleue du Grand Montréal (RBGM): www.routebleue.com
Comité ZIP Ville-Marie: 514 934-0884 ou www.zipvillemarie.org (Bienvenue aux bénévoles kayakistes!)
Adresses et infos utiles
Guide de randonnée de la RBGM: à télécharger gratuitement dans www.canot-kayak.qc.ca, comprenant renseignements sur la sécurité, les entreprises de location de kayaks, 15 cartes et itinéraires, etc.
Enviro Kayak: formation et excursions en kayak autour de l’île de Montréal (www.envirokayak.com).
Sylvain Bédard: instructeur de kayak qui propose notamment un cours de navigation sur des tronçons de la RBGM (450 424-0447 ou www.kayaksylvainbedard.com).
Chinook Aventure: organisateur de sorties en kayak dans le port de Montréal l’été, les soirs de feux d’artifices, entre autres (514 456-8379 ou www.chinookaventure.com).