De la poésie à marcher: Kanasuta

Emprunter le sentier de la Yol, dans le secteur Kanasuta, n’est pas seulement un grand plaisir, c’est aussi un privilège, car ce territoire longtemps exploité pour ses ressources est devenu le symbole de la lutte des écologistes locaux contre les coupes à blanc. Et c’est précisément cette petite montagne – le mont Kanasuta – qui a donné son titre au plus récent album du fervent Richard Desjardins. Certes,sur le plan forestier, l’endroit ne peut être jugé exceptionnel, hormis un petit peuplement de peupliers « à grandes dents », une essence très rare à cette latitude, en attente d’une désignation officielle d’« Écosystème forestier exceptionnel » (EFE). Mais la vue qu’on décroche sur la montagne du Lion, la colline chamanique, sur les collines Kekeko et sur le lac Opasatica en contrebas est spectaculaire. Celui-ci était un corridor de circulation fluviale majeur pour les Algonquins.

Territoire de coupes, le secteur Kanasuta est également dans la visée des sociétés minières. Pour l’instant, ce territoire est désigné « Réserve à l’État », un statut de protection temporaire qui gèle l’octroi de nouveaux droits miniers mais qui n’interdit pas l’exploitation des droits existants. Ce statut a été conféré par le gouvernement du Québec pour gagner du temps sans prendre vraiment parti dans cet inextricable partage du territoire entre environnementalistes et sociétés minières. Et pour dissuader les velléités d’exploration sur ce territoire. Gros défi : nous sommes ici sur la faille Cadillac, l’une des plus belles zones géologiques du monde, et dans une culture minière qui sous-tend tout le développement régional. C’est à côté d’une mine qu’on trouve une autre mine, rapporte un dicton local ; c’est dire la valeur que représentent ces quelques arpents de bois. « Au ministère [du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs], nous croyons que certaines zones où le potentiel minier est moindre ou nul pourraient être converties en aires protégées », explique Benoît Larouche, biologiste et répondant régional pour les dossiers de patrimoine écologique.

Un projet de réserve écologique est déposé pour protéger un petit territoire de 21 km2 au coeur du secteur Kanasuta, ce qui pourrait suffire à y faire cesser l’exploitation. Et permettrait aux amoureux du plein air de continuer à y marcher.

L’École buissonnière
« Une aire protégée n’est pas une cloche de verre posée sur un territoire ; il faut en faire quelque chose, inciter les gens à en profiter ! » lance Henri Jacob, président d’Action boréale, à qui l’on doit aussi les sentiers éducatifs de l’École buissonnière, aménagés à Dubuisson, près de Val d’Or, et accessibles en randonnée pédestre, en vélo de montagne et en skis de fond. Éducatifs parce qu’ils proposent aux randonneurs de passage une initiation aux essences forestières, grâce à des panneaux d’identification des arbres sur le sentier Vigneault (sapin baumier, cèdre blanc, peuplier faux-tremble, frêne noir, etc.), ou à l’habitat de l’orignal sur le sentier Desjardins. C’est le REVE (Regroupement des écologistes de Val-d’Or et des environs), créé notamment par Henri Jacob, qui a réussi l’exploit de faire protéger temporairement ces forêts diversifiées pour l’usage récréatif, et ce, dès la fin des années 1980 – bien avant l’éveil des consciences provoqué par L’erreur boréale. L’École buissonnière est accessible par la route 117, entre Val-d’Or et Malartic, par le chemin des Explorateurs.

REPÈRE
Le sentier est balisé par des rubans orange (soyez vigilant, certains manquent
à l’appel). Départ de la station de ski du mont Kanasuta. Compter environ cinq heures. Info : www.ville.rouynnoranda.qc.ca/kanasutatrek

Comment s’y rendre
De Rouyn-Noranda, emprunter la 101 Sud, puis la 117. Une dizaine de kilomètres plus loin, une pancarte annonce la station sur la droite. La station se trouve 3 km plus loin, au bout du chemin.