New Hampshire, loger chez les fantômes
Le complexe The Balsams constitue une expérience à part. On y loge dans un des derniers hôtels historiques de style victorien aux États-Unis, en compagnie de fantômes. Et on y skie dans un domaine qui n’a pratiquement pas changé depuis son inauguration, en 1961.
Le Balsams est une aventure romantique, historique et ludique tout à la fois. Ce resort ancien du New Hampshire, pratiquement à la frontière du Québec, offre un cadre naturel spectaculaire, car il est situé à l’entrée d’une gorge épouvantable. L’impression d’éloignement est indéniable.
L’hôtel de 203 chambres a été fondé en 1874. Il occupe une place à part dans l’hôtellerie et même dans la politique nationale américaine. Fondé à Dixville Notch, il a été visité à chaque élection présidentielle depuis un siècle par tous les candidats à la présidence. C’est que les 30 habitants de Dixville (dont 23 en âge de voter) ont le privilège d’aller aux urnes avant tous les autres Américains à chacune des primaires… et d’y annoncer le résultat en primeur. Les murs de la ballot room sont tapissés de photos de politiciens, de Nixon à Clinton, en passant par Reagan, Bush père et fils, ainsi que des plus anciens, posant fièrement devant l’hôtel. En 1952, grâce à sa propre compagnie de téléphone, Dixville Notch a eu l’avantage sur les grandes villes américaines, en annonçant l’avance du général Dwight D. Eisenhower sur le favori de l’époque chez les Républicains, Robert A. Taft.
Véritable croisement entre les films The Shining et Hôtel New Hampshire, le décor du Balsams vous plongera dans une époque lointaine. Le soir, complet, cravate et robe de soirée sont obligatoires. Le sport national est de se perdre dans un véritable dédale de corridors aux planchers qui craquent, à admirer les photos du personnel et des invités habillés à la victorienne.
L’endroit est pourvu d’une salle à dîner d’apparat qui fait penser à celle du Titanic. On y déguste une cuisine sophistiquée d’une rare qualité comparativement aux normes américaines. On y déjeune même avec de la coutellerie! La décoration de sa salle de spectacles fera sourire le plus blasé des touristes.
Chacune des chambres est décorée comme si vous veniez de débarquer de la diligence. Il n’y a pas de télé mais des rideaux brodés, des meubles patinés par le temps et des calorifères à eau chaude. On vous offre quelques vieux livres, dont certains en français. On vous propose même de les apporter à la maison si vous n’avez pas terminé votre lecture… à condition de les retourner par la poste!
L’endroit regorge d’histoires de toutes sortes, comme celle de cet invité qui a demandé sa belle en mariage sur le toit de l’hôtel, en tenue d’Adam, par moins 30 degrés. Il voulait que sa dulcinée l’accepte sans masque!
Et il y a aussi toutes ces histoires de fantômes. Le directeur, dans un bureau qui fait penser à celui d’un banquier sorti tout droit des films de Sergio Leone, me présente un cahier à anneaux de deux pouces. Celui-ci renferme tous les témoignages des invités et du personnel ayant fait la rencontre de spectres. Quelques femmes de chambre évitent même de fréquenter certains secteurs de l’hôtel, car les rencontres y sont trop nombreuses! Le fantôme le plus connu? Cette charmante jeune femme rieuse, qu’on croise à l’escalier principal, qu’elle descend en chantant, habillée d’une superbe robe victorienne. Le cahier comporte également la photo d’un spectre, assez convaincante merci!
Le Balsams dispose de sa propre école de cuisine et d’hôtellerie. L’hôtel sert chaque semaine 2000 livres de pommes de terre, 1000 douzaines d’œufs, 500 livres de bacon, 1000 gallons de lait et 300 livres de café. Il abrite un des premiers ascenseurs installés aux États-Unis, qui ne saurait fonctionner sans son garçon d’ascenseur septuagénaire. Un des salons est pourvu d’un grand piano Steinway.
L’hôtel a toujours attiré son lot de célébrités, quelques parrains de la mafia et plusieurs astronautes. Theodore Roosevelt, Thomas Edison, Harry Belafonte, Leonard Bernstein, Jerry Lewis, les frères Marx, les Platters, Frank Sinatra, Kurt Russell, Jean Béliveau, André-Philippe Gagnon, Isabelle Charest, Dan Egen, Maria Schriver Schwarzenneger, Ralph Nader, etc., s’y sont fait voir. Les dirigeants de la chaîne McDonald’s y ont même lancé leur Big Mac.
Le ski alpin a littéralement sauvé le Balsams d’une certaine déchéance. En 1966, le nouveau centre de ski, fort de ses seize pistes, cinq sous-bois, trois remontées (dont un T-bar) sur deux versants, attire les célébrités.
Il n’a pratiquement pas changé depuis. Son chalet, avec ses bancs octogonaux en bois et son immense foyer, où sont accrochés des trophées de chasse, constitue un retour aux origines du ski alpin en Amérique du Nord. Lors de mon passage, on y présentait de vieux films promotionnels 16 mm: une expérience psychotronique proche de la série télé Papa a raison!
La station ne comporte aucune remontée mécanique débrayable. Mais vous n’y connaîtrez JAMAIS de files d’attente. Il n’y a aucun dénivelé vertigineux. Les pistes, qui épousent la forme de la montagne, sont assez étroites et sinueuses. Le ski est relax, la forêt est généreuse et la vue, au sommet, donne sur une des régions les moins peuplées de la Nouvelle-Angleterre. L’endroit est arrosé en moyenne de 250 po de neige, soit 100 de plus que les villes voisines.
On ne skie pas au Balsams pour s’époumoner, mais pour sortir du temps. Et qui sait, le soir venu, vous pourrez peut-être faire comme Wesley Richardson. En 1977, ce portier retournait à sa chambre vers minuit, aux derniers étages de l’hôtel, lorsqu’il tombe face à face avec une jeune femme assise, habillée à la mode victorienne. Le temps de se rapprocher et le spectre lui passe au travers du corps!
REPÈRE
Prendre l’autoroute 10 jusqu’à Magog, puis l’autoroute 55 et la route 141 jusqu’à Coaticook. Ensuite, la route 147 Sud jusqu’à Norton, au Vermont, puis la 114 vers l’est et la route 3 vers le sud jusqu’à Colebrook, au New Hampshire. Ensuite, on roule sur la 26 vers l’est jusqu’à Dixville Notch. Seuls des forfaits de plusieurs nuitées sont disponibles au Balsams, mais ils englobent tout: la chambre, les repas, la location d’équipement, le patin, le ski alpin ou de randonnée, etc. Vous ne payez qu’une fois. La station est entourée d’un incroyable réseau de 200 km de sentiers de ski de fond (dont 95 damés) et 33 km de sentiers de raquettes. Un incontournable: les sentiers de raquettes ou de ski de randonnée vers Table Rock, une crête hallucinante avançant dans le vide, surplombant l’hôtel et l’entrée de la notch. Info: www.thebalsams.com ou 1 877 225-7267 |