Destinations
Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
En catimini au parc naturel de Portneuf
Le contraste est frappant. Sur la voie navigable du lac Long, ça fourmille de bateaux à moteur. Au campement rustique, bye bye civilisation et brouhaha pétaradant. Étonnamment, l’activité de canot-camping au parc naturel régional de Portneuf passe sous le radar des pleinairistes avides de nouvelles expériences.
Quand nous parvenons à notre emplacement pour la nuit, seuls un duo d’aventurières et leur compagnon poilu se trouvent déjà dans le secteur Kéno 3. Nous plantons notre tente sur l’un des quatre autres sites disponibles. La forêt dense se dresse comme un mur d’intimité entre nos voisines de campement et nous, gommant les éclats de rire ainsi que les lueurs incandescentes des feux de camp. La noirceur recouvre rapidement notre camp de base et nous nous réjouissons à la perspective qu’aucun autre équipage n’accostera notre baie isolée du lac Montauban.
Bien que délectable, cette quiétude soulève une question : pourquoi diantre les campeurs-pagayeurs tardent-ils à sillonner ce parcours nautique ponctué par trois secteurs de camping en autonomie ? Alors que le Québec connaît une attractivité touristique intérieure sans précédent, le produit de canot-camping du parc naturel régional de Portneuf semble échapper à cette ruée vers le plein air.
C’est précisément la disponibilité d’un tel séjour qui a poussé notre groupe de canoteuses à mettre le cap vers ce splendide territoire de 70 km2. Ailleurs, on affichait complet : impossible d’y réserver un site de camping ou une embarcation. Simple coup de chance de notre part ? Que nenni, croit Sébastien Perreault, directeur général du parc naturel. « Nous n’avons pas vécu de surachalandage en matière de canot-camping. L’offre de cette activité dans notre parc demeure méconnue et il y a de la place pour que cette offre soit bonifiée », confirme-t-il.
L’affirmation a de quoi surprendre, car le parc, lui, est maintenant sorti de l’ombre : depuis que sur le site on a eu l’idée sensationnelle de transformer une falaise en paroi d’escalade de glace l’hiver dernier, il est devenu « la destination québécoise instagrammable par excellence », dixit Sébastien Perreault. Avec cette mention honorable est venue une « croissance exponentielle monstre » que le gestionnaire et son équipe peinent toujours à apprivoiser.
Visiblement, la notoriété grandissante du parc naturel régional de Portneuf n’a pas happé les amateurs du combo coups de rames/coucher en bivouac. En 2020, à peine 300 des 2250 nuitées disponibles en canot-camping ont été réservées dans ce parc inauguré il y a sept ans et qui se situe à 75 km des ponts de Québec. Sur les 95 000 visiteurs ayant foulé son sol l’année dernière, seulement 1 % s’est tourné vers cette activité. Les autres ont privilégié la randonnée, l’escalade, le ski de fond ou la navigation de plaisance.
Ne vous méprenez pas : le modeste achalandage n’a rien à voir avec la qualité de l’expérience proposée. « Notre clientèle actuelle préfère le confort, c’est-à-dire qu’elle aime avoir accès à sa voiture, aux services ou aux blocs sanitaires. Le canot-camping, quant à lui, s’adresse à une clientèle plus aventureuse, davantage équipée, qui sait planifier un séjour autonome », avance Sébastien Perreault.
En effet, les 15 sites de canot-camping ne fournissent ni l’électricité ni l’eau potable. Pas de souci, la bécosse, l’abri-cuisine communautaire et la surface plane dégagée pour piquer la tente nous ravissent. Lors de la réservation, nous avons jeté notre dévolu sur Kéno 3, joignable en quelque trois heures et demie de navigation et le plus éloigné des trois secteurs répartis sur les rives des lacs Long ou Montauban ou de la rivière Noire.
Nous effectuons la mise à l’eau de nos esquifs – deux canots prêtés par le parc – sur la plage de l’anse à Beaulieu. Notre flotte vient à peine de chevaucher ses premières vaguelettes que déjà, nous sommes conquises par le panorama environnant. Sur la gauche, un escarpement rocheux, l’un des paysages emblématiques de l’endroit, plonge abruptement dans l’onde du lac Long. Quelques coups de pagaie plus tard, nous quittons la baie et nous retrouvons au cœur de l’étendue lacustre. Droit devant, un spectacle ébaubissant se déploie : sur un petit îlot émergeant du plan d’eau trône un mignon chalet privé. Voilà une autre image qui a dû faire buzzer le gram !
Le vrombissement des moteurs nous tire de nos rêveries insulaires. Autour de nous, les embarcations motorisées fendent les flots, certaines ne se souciant guère de la présence de canoteurs à proximité. Cette cohabitation nautique forcée est d’ailleurs à prévoir. Même si le territoire du parc repose sur des terres publiques, des résidences secondaires ont été construites sur des propriétés riveraines.
Le désagrément causé par cette motorisation se révèle plutôt léger : nous ne le subirons que cette seule fois durant toute notre expédition. Le bruit s’atténue dès que nous atteignons la sinueuse rivière Noire qui sert de jonction entre les lacs Long et Montauban. Ici, les bateaux à moteur se font rares et une végétation aquatique touffue rappelant celle des marais prend le pas. La brise se dissipe, nous permettant, l’espace d’un instant, de ranger les avirons et de laisser le canot dériver dans le faible courant. C’est le comble de l’oisiveté bien méritée !
Nous débouchons sur le lac Montauban, dernière section à franchir avant d’accéder à notre campement. Encore quelques coups de pagaie et nous amarrons nos embarcations sur une plateforme rocheuse faisant office de quai.
Le lendemain matin, l’ambiance a radicalement changé. Le vent sur le lac se déchaîne et hurle comme un forcené. Deux options s’offrent à nous : revenir à l’anse à Beaulieu en rebroussant chemin, ou emprunter le portage de 650 m qui nous mènera dans l’une des criques recluses du lac Long. Carolann et moi nous décidons pour le portage tandis qu’Émilie et Hélène choisissent de naviguer en sens inverse.
Dans quelle galère nous sommes-nous embarquées ? Le défi accepté sur un coup de tête, histoire d’ajouter un peu de piquant à notre aventure, se transforme en épreuve. Aucunement préparée à portager, je n’ai même pas de chaussures de sport à enfiler pour m’aider à stabiliser le poids du canot sur mes épaules. Que de pauvres sandales déjà bien usées. Mes chevilles se font esquinter. Il s’avère aussi que par un malheureux hasard, notre embarcation transporte le matériel de camping le plus lourd : brûleur à deux ronds, glacière, aviron supplémentaire et même les ordures ! Aucun gramme ne nous est épargné.
Ah oui, ai-je spécifié que l’activité de canot-camping du parc naturel régional de Portneuf s’était concrétisée parce que se rendre aux sites de camping n’exigeait aucun portage ? Tant pis, nous ne pouvons plus reculer. Nous avançons donc en soufflant, maugréant et rechignant. Nous aboutissons finalement au lac Long – alléluia ! –, à quelques centaines de mètres de l’arrivée, où nos acolytes nous attendent depuis belle lurette. Les bourrasques nous atteignent de plein fouet, nous obligeant à ramer sans arrêt. Les épaules endolories, je regarde les plaisanciers qui voguent sans se préoccuper du vent et je me dis qu’en ce moment, je troquerais bien mon canot contre une chaloupe à moteur… Ah, les joies du canot-camping !
En bref
Excursion de canot-camping vers l’un des quinze sites de camping rustique du parc naturel régional de Portneuf.
Attrait majeur
Nul besoin de portager pour rejoindre les campements les plus isolés.
Coup de cœur
Seulement cinq sites de camping dans chacun des trois secteurs, et juste assez aménagés pour être agréables sans perdre leur authenticité.