Histoires d’eau
Le site Topping
Pas étonnant que ces rives situées au sud du lac Témiscamingue, à proximité de l’embouchure de la rivière Kipawa, aient servi de décor extérieur à plusieurs productions cinématographiques au début du XXe siècle! L’endroit est aussi beau ©Nathalie Schneiderqu’inspirant. En aval, la rivière impétueuse se jette dans le lac via les rapides Hollywood (classe III ou IV selon le débit), une section que certains kayakistes chevronnés aimaient à passer.
Après le cinéma, ce site a été au fil des années reconverti en lieu de villégiature pour les familles riches qui le possédaient, notamment les Topping. Actionnaires majoritaires du Yankee’s Stadium de New York, les frères Topping, qui ont donné leur nom au site, fréquentaient des actrices de cinéma et les grands de ce monde. Ce coin reclus du Témiscamingue avait en effet le charme d’un territoire sauvage où on pouvait encore se retirer de tout. Un sentier de randonnée en fait le tour (voir «Nos trouvailles»).
Le site OpémicanEn aval du site Topping, le poste de relais pour le flottage du bois d’Opémican, qui servait de chantier naval aux XIXe et XXe siècles et qui est devenu site historique, a tout de la mise à l’eau naturelle pour kayak de mer. On y accède depuis le village de Laniel. D’une petite plage, on peut partir naviguer sur le lac Témiscamingue, sur une de ses plus belles sections. Brume tenace au-dessus du vaste plan d’eau, falaises boisées alentour, pas l’ombre d’un bateau à moteur: un paysage incroyable à partager avec quelques huards. Ici, on se trouve au cœur de la réserve de biodiversité projetée d’Opémican, qui devrait devenir un parc national du Québec d’ici trois ans. Rive droite: le Québec, avec un chapelet de chalets; rive gauche: l’Ontario et sa barrière forestière inhabitée.
En fin de journée, on laisse les kayaks au bord du lac et on dresse une tente sous les arbres pour profiter pleinement de l’endroit. Et, surtout, du lever de soleil le lendemain sur le lac, un moment de grand privilège.
Repère
Ces sites sont libres d’accès. Le Festival de la rivière Kipawa a lieu généralement à la fin de juin, mais mieux vaut consulter le site Internet pour s’assurer de la tenue de l’événement (voir l’encadré «Rivière Kipawa: attention danger!»). Comment s’y rendre Laniel est accessible par la route 10 Sud vers Témiscaming. Le site Opémican est à 20 km au nord de Témiscaming. Des indications mènent au chemin de terre longeant le lac Témiscamingue jusqu’au site. Du cinéma natureC’est quand ce site tombe dans les mains du New-Yorkais Fred Arnott qu’il prend la vocation d’un décor de cinéma extérieur. De 1920 à 1930, on y tourne les scènes de deux productions: Silent Ennemy, qui évoque les relations conflictuelles entre Blancs et «bons Indiens» revus à la façon hollywoodienne; puis Snow Bride, une production signée Paramount Pictures, qui réunit Indiens algonquins figurants, Témiscamiens et acteurs américains. Enfin, le site est vendu à un certain Scott Sorensen, un Américain de l’Utah, amoureux fou de ce coin de paradis, qui écrit le très beau livre Chroniques de la rivière Kipawa (publié par Martin Larche, 1999, traduit en 2003), un hommage vibrant aux années paradisiaques qu’il passe avec sa femme et ses enfants, dans un retour intime à la nature. Il y parle aussi beaucoup du projet de centrale hydroélectrique Tabaret. Rivière Kipawa: attention danger!En 1987 a lieu le premier Festival de la rivière Kipawa, un événement porté par quelques fanatiques de l’eau vive et qui devient rapidement un rassemblement dédié à sa beauté naturelle. Le barrage de Laniel, en place depuis 1910, est actuellement en phase de reconstruction, ce qui a empêché la tenue de l’événement l’année dernière, Travaux publics Canada ayant refusé de réguler le niveau de l’eau. Dans les années 1990, le projet Tabaret, une centrale hydroélectrique signée Hydro-Québec et impliquant le détournement de la rivière Kipawa, avait été abandonné. Mais ce projet semble vouloir renaître, car le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs a récemment exclu la partie Tabaret du projet de parc national Opémican qui devrait voir le jour d’ici trois ans; ce qui signifierait qu’Hydro-Québec n’a pas encore oublié totalement son projet de centrale. En outre, une minicentrale privée, qui serait établie à Témiscaming, impliquerait Algonquins (majoritaires) et propriétaire privé. Selon les Amis de la rivière Kipawa, ce projet, même s’il est préférable à l’ancien projet Tabaret, nuit considérablement au maintien de la biodiversité ainsi qu’à la pratique des activités d’eau vive, car il suppose une dérivation majeure de ses eaux. «Il faut réintégrer le site Tabaret dans l’aire de protection si on veut protéger la rivière Kipawa, une des plus belles rivières sauvages de l’est du Canada», dit Christian Belisle, porte-parole des Amis de la rivière Kipawa (www.kipawariver.ca). Nos trouvailles |