Le Jardin des glaciers // Entre fer et mer

Avec ses forêts interminables, ses lacs innombrables et ses rivières incommensurables, la Côte-Nord est un véritable lieu de prédilection pour le plein air. Et en 2009, l’inauguration du Jardin des glaciers est venue confirmer le caractère hautement «adrénalien» de cette région.

Site d’interprétation, d’exploration et de recherche sur l’ère glaciaire et les changements climatiques, le Jardin des glaciers est aussi un immense terrain de jeu de 40 km² qui s’étend autour de Baie-Comeau. Successeur, en version améliorée, du Centre boréal du Saint-Laurent, son Parc d’aventure maritime est particulièrement épatant, et sa Zone adrénaline, vraiment palpitante. En voici un aperçu, entre fer et mer.

Version fer…
En me levant ce matin-là, ma yourte est nimbée d’une brume épaisse et moite, et le lac Glaciaire semble avoir été avalé par le brouillard. Puis, quand je rencontre Karl Mior, coordonnateur des activités du Parc d’aventure maritime, la brume se dissipe et laisse apparaître six longs câbles zigzaguant au-dessus du lac. Après une petite mise en bouche sur un câble d’essai, je grimpe au sommet de la haute tour de départ pour entamer une série de vols glissés, et wiiiiiizzzzzzzzzzzzzzzz!

Une fois, deux fois, trois fois, le bruit strident des poulies sur le câble d’acier tenaille mes tympans à mesure que je fonce vers le mur d’arbres de la rive voisine… avant d’être accueilli par un gros coussin moelleux. Après six câbles, j’ai l’impression d’avoir attaché le lac avec un long lacet de fer.

Une fois revenu sur terre, j’emprunte un joli sentier fleurant bon l’humus et les mousses mouillés, avant de descendre au niveau de la mer, dans la baie du Garde-Feu, point de départ de la via ferrata des Cannelures. «Même si elle est accessible à tous, cette via ferrata présente de bons petits défis techniques», explique Karl. Celle-ci s’étire sur 850 m, le long d’une petite falaise surplombant la mer, jusqu’à un secteur où le roc est strié: ce sont les cannelures, sortes de demi-lunes formées par le roulage de moraine entraînée par le mouvement du glacier.

Au bout du parcours ferré, j’emprunte un sentier menant au point de départ d’une descente en rappel sur une verticale de 30 m, en bas de laquelle deux dernières tyroliennes font l’aller-retour au-dessus de cette spectaculaire baie. Le dos liquéfié par la transpiration, je m’élance de nouveau dans le vide et me laisse fouetter par la brise marine, au-dessus de la splendide baie du Garde-Feu. Et hop! Un avant-midi bien rempli.


… et version mer!
Tandis que le soleil force son passage dans le brouillard, je pars kayaker dans la baie du Garde-Feu avec Karl. Quelques pleinairistes accrochés à flanc de falaise cheminent sur la via ferrata, que je longe maintenant côté mer.

Au bout de la baie, les cannelures se dévoilent de nouveau dans toute leur superbe, marbrées et inclinées vers les eaux. «Il y en a sûrement d’autres dans la forêt, mais celles-ci sont bien visibles parce que la végétation n’a pas autant proliféré, à cause des marées et des intempéries», explique Karl.

À mesure que je progresse vers le havre Saint-Pancrace (la baie voisine), un saisissant décor de falaises, de végétation et surtout un mur de cascades commencent à se profiler. «Ces chutes servent à déverser le trop-plein d’eau du lac Glaciaire, dit Karl. Quand la marée est basse, on peut même passer sous une cascade en demeurant dans le kayak!»

C’est tout au fond du havre Saint-Pancrace que je vis le grand moment de la journée. Après l’accostage et une grimpette d’un demi-kilomètre, je rejoins bientôt le milieu d’une autre chute, plus puissante encore, qui sert de décharge au lac Low: la tête écrasée par les trombes d’eau froide, je m’offre une sublime séance de douche-massage naturelle.

Une fois redescendu au pied de la chute, je reçois en pleine poire les bienfaisantes trombes d’une autre colonne d’eau, toujours aussi lourde sur les épaules mais ô combien jouissive! Gorgée d’oxygène, elle est presque veloutée. Pour clore le tout, j’atterris dans un petit bassin en contrebas de la chute, où la force du courant crée un «bain tourbillon» naturel. Groggy et gaga de bien-être, je rentre en pagayant doucement, en suivant la direction qu’indiquent les cannelures, pour suivre le même chemin qu’a pris, jadis, le glacier…

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La Zone adrénaline, c’est… 
– 8 tyroliennes, dont 2 nouvelles au lac Glaciaire (entre 168 et 259 m);
– 2 parcours ferrés de 0,8 km et 2,4 km;
– 1 paroi pour une descente en rappel de 30 m;
– 1 mur d’escalade de 12 m
– des canots, des kayaks, des mayaks (amalgame entre surf et kayak) et des structures de jeu flottantes pour les jeunes, dont un trampoline d’eau.

La Vallée des coquillages, unique au monde
Il y a 8000 ans, quand la mer de Goldthwait s’est retirée après avoir longtemps recouvert l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, elle a dévoilé un vaste dépôt de coquillages qui s’étaient accumulés, au fil des siècles, par le mouvement des eaux. Aujourd’hui, la Vallée des coquillages forme un banc coquillier qui atteint jusqu’à 15 m de hauteur, à 10 km à l’intérieur des terres et en pleine forêt boréale, ce qui en fait un site unique au monde. C’est d’autant plus le cas que 90 % de ce dépôt sédimentaire est composé de coquillages âgés d’au moins 8000 ans. Même si ce site ne fait pas tomber à la renverse du premier coup d’œil – surtout si on prend part à la (trop longue) visite guidée en navette électrique –, il vaut le détour, idéalement au fil d’une balade à vélo.

20 000 ans sous les glaces
L’an dernier, le Jardin des glaciers inaugurait un de ses produits-phares: la Station d’exploration glaciaire. Fort bien aménagée à coup de millions de dollars dans une ancienne église, cette station permet de vivre une expérience multimédia et multisensorielle impressionnante.

L’aventure commence sous les combles, où des projections en trois dimensions nous ramènent 20 000 ans en arrière, alors qu’une bonne partie de l’hémisphère Nord était recouvert d’un imposant glacier (jusqu’à 4 km d’épaisseur!). Puis, un «ascenseur à avancer le temps» nous dirige sous le glacier, où une autre mise en scène multimédia fait comprendre les impacts de sa fonte, il y a 12 000 ans. Enfin, on se retrouve 4000 ans plus tôt devant une dernière production multimédia sur le plus vaste écran d’eau au Canada; on explique alors avec force vents et pluie la formation des mers anciennes ainsi que les impacts des changements climatiques.

Après le spectacle, on peut parcourir les zones thématiques de vulgarisation scientifique en mode ludique, assister à des courts métrages ou approfondir ses connaissances au cybercarrefour. Seul hic: pour assister au spectacle multimédia de 45 minutes, il faut débourser 30 $ (mais 15 $ si on habite Baie-Comeau…).

Les peuples des glaces à la trace
Il y a 18 000 ans, des peuplades venues d’Asie ont traversé le détroit de Béring, alors complètement gélifié. Dyuktaïs [Je suis vraiment embêtée, on trouve cette graphie uniquement dans le site du Jardin des glaciers. Google suggère Dyuktai, jamais au pluriel.], Dorsétiens et autres Thuléens ont alors jeté les bases de nouveaux peuplements, un peu partout en Amérique du Nord, à mesure qu’ils découvraient de quoi se sustenter. On en apprend un peu sur leur quotidien en prenant part à un itinéraire guidé et commenté, où quatre campements ont été recréés. Offert en navette électrique en compagnie d’un guide (encore trop long), ce circuit s’effectue préférablement en vélo et demeure tout aussi intéressant, grâce à des panonceaux explicatifs.

Repères
Le Jardin des glaciers offre de nombreux forfaits d’exploration et de découverte, sur mer (kayak de mer) et sur terre (35 km de sentiers). On peut séjourner sur place en yourte, en tente prospecteur ou en camping rustique. Le Parc d’aventure maritime est situé sur la route 138, à quelques kilomètres à l’est de Baie-Comeau; la Station d’exploration glaciaire loge pour sa part en ville, dans une ancienne église, au 3, rue Denonville.
Info: 418 296-0182, 1 877 296-0182 ou www.jardindesglaciers.ca