Perdus en Virginie

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Le cœur de cette station balnéaire très fréquentée de Virginie tient en une promenade bordée d’hôtels, de restaurants branchés et de magasins de serviettes de plage. Toutefois, en sortant de la ville, on découvre rapidement des petits coins sauvages qui sont autant de terrains de jeux pour amateurs de kayak, de vélo de montagne, de randonnée en forêt ou d’observation d’oiseaux. Quant à ceux qui veulent absolument avoir la plage et l’Atlantique pour eux tout seuls, rendez-vous au False Cape State Park, où je suis en train de me faire sécher au soleil après la baignade.

Solitude garantie sur terre…
False Cape State Park: ce minuscule parc national de 10 km sur 1,5 s’étire sur une bande de terre sèche et sablonneuse prise en sandwich entre l’océan et Back Bay, une sorte de grand étang salé et marécageux. C’est un des derniers habitats sauvages de la côte Atlantique. Ce parc abrite une forêt maritime de chênes verts et de pins taeda sillonnée de sentiers d’interprétation. S’y retrouve aussi le petit village de Wash Woods fondé au XVIIe siècle, aujourd’hui fantôme. Et en cette belle journée de septembre, les chemins sont aussi déserts que le hameau. À part les oiseaux et les grillons, c’est le calme plat. Ce grand héron blanc qui déploie ses ailes pour s’envoler ne s’attendait visiblement pas à voir quelqu’un arriver dans son coin de marécage.

«Les visiteurs se font rares après la fête du Travail. Surtout les jours de semaine», m’explique la garde-parc Cameron Swain. Mais, même en juillet et en août, les campeurs ne se sentiront pas serrés comme des sardines. Il n’y a que quelques sites pour monter sa tente dans tout le parc: avec vue sur la Back Bay ou l’océan, ou encore à l’abri sous les arbres. Tous les terrains sont équipés de toilettes sèches. Par contre, certains sont assez éloignés de l’unique source d’eau potable du parc. Dans ce cas, apportez beaucoup de bidons. Mais pour tous, préparez-vous à l’expérience de l’eau de mer dessalée… chaude et avec un arrière-goût d’océan! Vous pouvez recracher la première gorgée pendant que les goélands se moquent de vous. Après, on s’habitue.

«C’est l’eau que je bois tous les jours», affirme Cameron Swain qui vit dans le parc avec sa famille. Si vous êtes incapable de vous y faire, on vend des bouteilles d’eau froide à un prix raisonnable à l’accueil, un ancien relais de chasse.

Cependant, plus que le goût de l’eau, c’est probablement l’accès au parc qui décourage certains campeurs. On ne peut y accéder qu’en marchant ou en pédalant 10 km, généralement sous un soleil de plomb. Mais c’est pour une bonne cause. Juste au nord du False Cape State Park, sur la même bande de terre étroite, se trouve le Back Bay National Wildlife Refuge. Dans ce sanctuaire pour animaux, les véhicules motorisés sont bien sûr interdits. À moins d’accéder au False Cape par bateau, il faut obligatoirement passer à travers le refuge, donc se faire aller les mollets d’une façon ou d’une autre.

C’est le prix à payer pour trouver la solitude, mais c’est quand même loin d’être un supplice. Pour les amateurs d’ornithologie, ce refuge est même un petit paradis. On peut y observer plus de 300 espèces d’oiseaux au cours de l’année. Beaucoup d’oiseaux migrateurs viennent y passer l’hiver, comme les grandes oies blanches après leur escale au cap Tourmente, dans la région de Québec. Il faut dire que le refuge est aménagé pour que ces invités ailés se sentent chez eux. La végétation est artificiellement maintenue basse et un ruisseau d’eau douce a été creusé.

… et sur mer
Il n’y a pas que sur terre qu’on peut profiter de la solitude dans cet environnement sauvage, on ne peut pas manquer non plus d’admirer la côte et ses dunes depuis l’océan. En kayak, bien sûr. «This is awesome [OK, ma correction?], man!» Eric Coulson est excité comme s’il pagayait sur l’océan pour la première fois de sa vie. Ne vous méprenez pas: de l’eau salée coule dans les veines de ce guide! C’est plutôt qu’à plus de 500 m de la côte, sur une mer encore agitée par le passage de l’ouragan Gabriel la veille, on se sent à la fois viking et marin d’eau douce. La plage et les dunes ne forment plus qu’une mince bande moutarde entre le bleu du ciel et celui de la mer. Awesome? Tellement que j’avais oublié que le but de cette excursion était aussi de voir des dauphins!

Et nous en avons vu quelques-uns. «Ils chassent en groupe, m’a expliqué Eric. La masse sombre que tu vois dans l’eau est un banc de poissons. Les dauphins tournent autour pour les garder bien serrés. Et tout d’un coup, il y en a un qui fonce dans le tas et se goinfre. Ils font ça à tour de rôle.»

Les dauphins sont très nombreux et difficiles à manquer le long du littoral de Virginia Beach. Celui-ci s’étend d’un parc national à un autre, du False Cape State Park jusqu’au First Landing State Park, à l’entrée sud de la baie de Chesapeake. Pourquoi First Landing? Parce que c’est là que les premiers colons britanniques ont posé le pied en sol américain en 1607, un an avant la fondation de Québec.

Retour à la civilisation ou presque
Le parc national First Landing n’a toutefois pas qu’une vocation historique. On y a par exemple aménagé un camping. Attention! Rien à voir avec les conditions rustiques de False Cape. On y trouve un bloc sanitaire complet avec salle de lavage, un terrain de jeux pour les enfants et tous les branchements nécessaires pour combler de bonheur une caravane. S’il vous manque quelque chose, miss Judy, qui tient le dépanneur près de l’entrée, vous le trouvera.

Malgré tout, la végétation reste abondante, procure suffisamment d’intimité et abrite même des renards roux intéressés par votre nourriture. Et bien sûr, il y a toujours un accès à la mer. Du terrain de camping, une passerelle enjambe les dunes pour mener à la plage sur le bord de la baie de Chesapeake. Les pélicans y sont nombreux. Le soir, le soleil rougeoyant offre un spectacle magnifique en se couchant au fond sur les terres.

Confort en plein air. Bref, le camping du First Landing State Park est le camp de base idéal pour explorer la région. Mieux que cela, le centre-ville et ses buffets à volonté se situent à seulement 30 minutes de vélo du camping. En plus, pas besoin de pédaler au milieu des voitures. La piste cyclable et pédestre de Cape Henry, qui traverse le parc, croise la piste cyclable urbaine. Et celle-ci conduit à la promenade de Virginia Beach. Plus loin, elle mène au moins jusqu’à l’Aquarium de Virginia Beach, un centre des sciences marines pour toute la famille où vous attendent phoques, requins, raies et autres animaux de la mer.

Tout le long de la piste de Cape Henry partent plusieurs sentiers de randonnée faciles. Pour marcheurs seulement, cette fois-ci. Incluant les 10 km de Cape Henry, le réseau de sentiers forestiers entrelacés du parc dépasse les 30 km. Les zones humides, voire marécageuses, côtoient des sols plus secs et sablonneux. À voir selon les régions du parc: de grands hérons blancs, des aigrettes, des grands pics ou encore des balbuzards et leurs nids. En septembre, calme et solitude sont garantis. Il n’y a que sur Cape Henry que j’ai croisé des cyclistes et des joggeurs.

À partir du camping, cette piste cyclable traverse la reconstitution d’un village amérindien Chesapeake. Quand les premiers colons britanniques sont arrivés au début du XVIIe siècle, les Chesapeake s’étaient éteints depuis peu. Grâce aux données archéologiques et aux communautés amérindiennes voisines, on a pu retracer leur mode de vie sédentaire dépendant de la chasse et de la pêche.

Vive les zones naturelles protégées!
Ce matin, sur mon vélo, je me rends à l’autre bout de la piste. Celle-ci se termine sur les bords de Broad Bay, un autre plan d’eau salé qui s’ouvre par un long détroit dans la baie de Chesapeake. C’est là que m’attend Matt Redford, mon guide pour visiter en kayak les berges de Broad Bay.

Mais quelles berges? Elles sont couvertes de maisons! 
Seulement du côté sud, la rive nord appartient au parc et est protégée. «Les Indiens Chesapeake qui habitaient cette région auparavant auraient du mal à la reconnaître aujourd’hui, lance Matt pendant que nous pagayons. On ne sait pas pourquoi ils ont disparu. On pense que c’est Powhatan, le chef d’une tribu voisine, qui les a fait massacrer. La légende raconte que son sorcier l’avait prévenu que des hommes de l’est causeraient sa perte. Or, les Chesapeake vivaient sur les bords de l’océan. Et puis, peu après les attaques, les Blancs sont arrivés… de l’est dans leurs bateaux.»

Matt m’indique une petite plage sur la rive, et nous y accostons. De celle-ci part un sentier qui rejoint la piste cyclable. Les arbres qui la bordent sont couverts de barbe espagnole, une plante qui pousse sur les arbres et qui ressemble à de la mousse, même si ce n’en est pas. On a l’impression de changer de continent. «Pas étonnant: cette plante est abondante en Amérique du Sud et en Amérique centrale», m’explique Matt.

De retour en Amérique du Nord sur nos kayaks, nous avançons maintenant au travers des herbes d’une zone marécageuse. De temps en temps, un arbre haut sur ses racines sort de l’eau. Les oiseaux et leurs couleurs sont abondants. Un petit héron vert a même failli nous décoiffer en passant. Nous n’irons toutefois pas plus loin qu’un petit pont. C’est un repaire de serpents cotton mouth, une vipère de la région. «Il n’y a eu que deux cas de morsures en trente ans au False Cape State Park. Et c’étaient des gens qui avaient tenté de les prendre», m’avait dit Cameron Swain. Elle-même laisse ses jeunes fils jouer dans le parc sans inquiétude. Il faut dire que ce serpent, quand il ne s’enfuit pas, a la bonne idée d’ouvrir grand sa gueule. L’intérieur blanc est assez visible pour prévenir les importuns de sa présence. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui a donné son nom à l’animal. Bref, pour ce serpent qui apprécie la tranquillité, le mois de septembre est certainement le plus agréable. Les hordes de visiteurs sont retournées chez eux, il fait encore très chaud, donc le reptile peut facilement apprécier l’environnement naturel du littoral Atlantique dans la quiétude, voire la solitude. Et vous savez quoi? Je suis entièrement d’accord avec lui.

Repères

False Cape State Park et Back Bay Wildlife National Refuge
Je me suis rendu au parc national False Cape en passant par le sentier intérieur du refuge. On peut aussi longer les berges de la marécageuse Back Bay. Pour le retour, après une nuit sur le sable chaud et sous la brise marine, j’ai décidé de passer par la plage, en sandales, et de laisser les vagues me lécher les orteils. Cela dit, si vous ne disposez que d’une journée, je vous recommande de visiter le refuge et le parc à vélo. Et si vous voulez pédaler sur la plage, assurez-vous de connaître l’horaire des marées. C’est plus facile d’avancer sur le sable durci par la marée descendante.
Camping ouvert à l’année, mais il faut réserver, même si vous êtes tout seul dans le parc.
Info: 1 800 933-PARK ou https://www.dcr.virginia.gov/state_parks/fal.shtml

First Landing State Park
Pour de la diversité, empruntez la piste de Cape Henry jusqu’au White Hill Lake Trail. Laissez votre vélo là et suivez la piste à pied jusqu’à Broad Bay. Longez alors la rive sur Osprey Trail, mais regardez aussi du côté de la terre. C’est un lieu prisé des balbuzards. On peut y voir plusieurs nids assez facilement. N’oubliez pas vos jumelles.

Au bout d’Osprey Trail, vous pouvez revenir vers le sentier White Hill par la piste Long Creek et faire un trajet en forme de raquette de tennis. Vous pouvez aussi continuer, rejoindre la piste de Cape Henry dans sa section plus sablonneuse et marcher environ 2 km jusqu’à votre vélo.

Camping avec tous les services et cabines disponibles. Le parc le plus populaire de la Virginie avec un million de visiteurs par année. Info: 1 800 933-PARK ou https://www.dcr.virginia.gov/state_parks/fir.shtml
Exploration du First Landing State Park avec Chesapean Outdoors: sorties sur l’océan en kayak avec observation des dauphins et excursions à vélo. Équipement fourni.
Info: 1 866 379-5188 ou https://www.chesapean.com/index.html
Back Bay Wildlife National Refuge: 4005, Sandpiper Road, Virginia Beach, VA. Camping interdit. Info: 757 721-2412 ou https://www.fws.gov/backbay
Kayak sur l’océan, observation des dauphins: sorties en kayak sur l’océan ou dans Back Bay, cours de surf. Vous n’avez que votre crème solaire à apporter. Info: 757 721-6210 ou https://www.surfandadventure.com