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Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
Entre icebergs et ours polaires
En août dernier, je me suis embarquée sur l’Ocean Endeavour, un navire affrété par la compagnie canadienne Adventure Canada, pour une croisière de 17 jours dans les eaux arctiques. De Kangerlussuaq, au Groenland, jusqu’à Kugluktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest, en empruntant le fameux passage du Nord-Ouest, le trajet de plus de 5000 km s’effectue au travers de paysages empreints d’une grande désolation et aussi d’une incroyable splendeur.
Nous avons navigué au-delà de la limite des arbres, au sein d’étendues désertiques, entre des îles plates et des montagnes de roc, et vogué vers des horizons sans fin. Nous avons goûté à la lumière exceptionnelle de l’Arctique, à son air si pur, à son vent déchaîné. Le soir, sur la passerelle, alors que le soleil refusait de se coucher, nous avons contemplé des cieux rouges de feu et de magnifiques aurores boréales. Nous avons marché sur des tapis de lichens moelleux, qui durant l’été arctique et ses 24 heures d’ensoleillement, se transforment en véritable tapisserie de fleurs multicolores. Nous avons observé quantité d’oiseaux, des phoques et des baleines, des bœufs musqués, des ours polaires… et bien sûr des glaciers et des icebergs de toutes les formes et toutes les dimensions, que nous avons vus défiler surtout dans la mer de Baffin.
À partir de Kangerlussuaq, notre itinéraire suivait la côte ouest du Groenland vers le nord, au-delà du cercle polaire. C’est un pays de fjords majestueux et de glaciers imposants, tel le fjord Karrat, avec ses montagnes plissées comme la peau d’un éléphant et ses icebergs glissant en toute tranquillité sur une eau d’un bleu profond. Nous nous sommes arrêtés dans des villes aux maisons colorées bâties sur le roc (pergélisol oblige) : Sisimiut, deuxième ville du Groenland, où vit une population de Danois, d’Inuits et de presque autant de chiens de traîneaux, puis Ilulissat, réputée pour son fjord de 4000 km2 (inscrit au patrimoine de l’UNESCO) qui abrite un des glaciers dont le glissement est le plus rapide du monde et duquel se détache la majorité des icebergs de l’Atlantique.
Nous sommes ensuite entrés dans le détroit de Smith (Smith Sound), qui sépare l’île d’Ellesmere du Groenland, au 78e parallèle. Le capitaine nous a informés que notre navire ne pouvait aller plus loin, à cause des glaces. À Foulke Fjord, nous avons vu un immense glacier et, à ses pieds, un lac glaciaire ainsi que des vestiges de maisons de l’époque de Thulé (les ancêtres des Inuits venus d’Alaska).
Passeports, s’il vous plaît
« Bienvenue au Canada ! Passeports, s’il vous plaît. » Tous les passagers étaient curieux de découvrir Grise Fiord, le village le plus au nord du Canada, ce « lieu qui ne dégèle jamais », au sud de l’île d’Ellesmere, au Nunavut. Quel choc de voir ces maisons délabrées, qui n’avaient rien à voir avec les maisons coquettes du Groenland. Ce village de 129 Inuits, situé à 1140 km au nord du cercle polaire et à 1544 km du pôle nord, a été créé en 1953 par le gouvernement canadien, qui voulait affirmer sa souveraineté en Arctique, durant la guerre froide. On a alors délogé huit familles du Nunavik pour les relocaliser à Grise Fiord et Resolute Bay. Un chapitre tragique de l’histoire de l’Extrême-Arctique, a reconnu en 2010 le premier ministre canadien Stephen Harper, qui a offert excuses et indemnisations. Les habitants du village nous ont accueillis au centre communautaire, avec leurs habits traditionnels, leurs danses et leurs chants de gorge, puis nous ont fait déguster de la peau de morse.
Nous avons été charmés par le concert de milliers d’oiseaux arctiques à l’île Coburg, une des îles de la Reine-Élisabeth, avant de débarquer dans l’île Devon, la plus grande île inhabitée de la planète et une des 94 îles principales de l’archipel arctique canadien. Un territoire de 55 000 km2, absolument nu et doté d’un désert polaire. À Dundas Harbour, nous avons marché vers les ruines des anciens bâtiments de la RCMP (avec son vieux moulin à coudre et ses boîtes de conserve rouillées) et jusqu’au petit cimetière sur la colline où reposent deux jeunes gardiens de l’Arctique, l’un mort par suicide et l’autre au cours d’un accident de chasse. J’ose à peine imaginer leur solitude, dans ce lieu plongé dans l’obscurité totale de novembre à mai.
Nous nous sommes arrêtés à l’île Beechey (déclarée lieu historique national en 1975), l’endroit mythique du passage du Nord-Ouest. Plusieurs explorateurs sont venus ici, notamment le Britannique John Franklin, parti en 1845 avec 2 navires et 135 hommes, dont aucun n’a survécu. Des vestiges de son expédition ont été trouvés dans l’île ainsi que les épitaphes de trois membres de son équipage.
Devant Griffin Inlet, nous avons admiré trois ours polaires se faisant chauffer au soleil. Notre route initiale devait passer par l’île Bathurst, l’île Melville et l’île Banks, où vit la plus grande population de bœufs musqués du monde, mais la glace a obligé notre navire à emprunter une route plus au sud. « Dans l’Arctique, chaque saison est différente et on ne sait jamais à quoi s’attendre », nous avait prévenus Stefan Kindberg, notre chef d’expédition. Nous sommes passés devant l’île Prince Leopold, plissée comme un accordéon, et immobile, telle une épave abandonnée, avant de s’arrêter à l’île Somerset, particulièrement à Fort Ross, où la Compagnie de la Baie d’Hudson a installé en 1937 le dernier poste de traite au Canada arctique.
À Coningham Bay, au sud de l’île du Prince-de-Galles, les passagers à bord des Zodiac ont eu la chance d’observer près d’une vingtaine d’ours polaires ainsi que les restes de leur repas : des squelettes de bélugas. « Les croisières dans l’Arctique sont de plus en plus populaires, m’avait dit Cedar Swan, la présidente d’Adventure Canada, car tout le monde rêve de voir un ours polaire avant que ceux-ci disparaissent. » Eh bien, mes compagnons d’expédition ont été servis à souhait !
Après un arrêt dans l’île Jenny Lind, au sud de Cambridge Bay, qui sert d’habitat à de nombreux oiseaux, dont les cygnes de la toundra, notre navire est passé dans le détroit de Victoria, là où se trouve l’épave de l’Erebus, un des deux navires de John Franklin. Puis nous avons débarqué à la baie de Johansen, dans l’île Victoria, avant de rejoindre le village de Kugluktuk, dans les territoires du Nord-Ouest, où s’est terminé notre voyage.
La compagnie canadienne Adventure Canada, spécialisée dans les croisières nordiques, organise chaque été deux croisières dans le passage du Nord-Ouest. « Nous sommes présents dans l’Arctique depuis 25 ans, affirme Cedar Swan, présidente de l’entreprise. Notre mission est d’offrir la possibilité aux Canadiens (70 % de la clientèle) et aux étrangers d’avoir un contact avec la nature et la culture arctique et d’apprendre davantage sur le pays.»
L’Ocean Endeavour, construit en 1980, est un navire de 137 m qui a d’abord été utilisé comme traversier. Il accueille 198 passagers, 106 membres d’équipage et un personnel d’expédition de 30 membres : historiens, archéologues, ornithologues, botanistes, scientifiques, photographes, gens des communautés locales et même un cinéaste sont disponibles en tout temps auprès des passagers.
Des sorties ont lieu tous les jours sur le terrain, en compagnie de guides spécialisés (et armés). Ces excursions s’adressent à des gens de toutes conditions physiques.
Aussi au menu : balades en Zodiac pour l’observation des oiseaux, des ours polaires et de la faune marine. Les soirées sont animées de conférences, de films, d’ateliers et autres divertissements.
Côté repas, le petit-déjeuner et le lunch sont offerts en formule buffet, et le menu du soir, à la carte, propose un choix de viandes, de poissons et de mets végétariens.
En 2016, Adventure Canada offrira neuf croisières en anglais, et quatre d’entre elles (Mighty Saint Lawrence, Heart of the Arctic, Arctic Safari et Out of the Northwest Passage) seront adaptées aux besoins de la clientèle francophone.
Tarifs : À partir de 2595 $ (hébergement, repas, activités).
Dates : de juillet à septembre.
Les départs s’effectuent à partir de l’aéroport de Toronto ou d’Ottawa
(en sus), selon la croisière.
www.adventurecanada.com
L’auteure s’est jointe à l’entreprise Adventure Canada pour réaliser
ce reportage.