Route de la Soie /// La Route du Pamir
Après ma magnifique incursion au Kirghizstan, j'amorce la « Route du Pamir ». C’est un itinéraire céleste qui traverse le Toit du monde, extension occidentale de la grande chaîne himalayenne. Considérée comme la deuxième plus haute route internationale, elle oscille autour de quatre mille mètres. Elle traverse d’abord le massif du Pamir sur 600 km, région reculée peuplée principalement de montagnards kirghizes, puis à partir de Khorog elle longe l’Afghanistan sur plus de 300 km, au fond d’une gorge impressionnante.
J’ai donc passé une première semaine à traverser une succession de hautes vallées, plus sèches et même rocailleuses que je ne m’y attendais. Quelques rares villages s’agglutinent frileusement lorsque une rivière passe. L’eau, qui arrive directement des glaciers, est d’un magnifique turquoise. Au-dessus, les sommets du Pamir atteignent entre six et sept mille mètres d’altitude. Pas de ville, aucun hôtel, mais il est facile de dormir chez l’habitant, en yourte kirghize ou maison pamirie traditionnelle. Et comme les villages sont loin les uns des autres, nous utilisons souvent la tente.
Quand je roule, l’oppression de l’altitude est constante, avec son manque d’oxygène, et nous en subissons tous les effets. À l’approche des cols, je peine beaucoup plus que dans les Rocheuses ou les Alpes. La majorité d’entre nous doit s’arrêter souvent pour reprendre son souffle. Lorsque la pente est forte, je m’arrête même tous les 500 mètres !
Après les chaleurs du bassin du Tarim en Chine, nous espérions tous la fraîcheur du Pamir. Nous sommes servis. Si les matinées sont étincelantes, les nuages se rassemblent vite et en arrivant au camp vers 14 h ou 15 h, il me faut installer la tente rapidement entre deux averses de grêle. Le reste de l’après-midi se passe souvent en doudoune à discuter en grignotant, ou dans la tente pour se protéger des précipitations et du froid. Et nous sommes en plein été ! Par contre, les éclaircies créent toute une palette captivante de lumières et de volumes. C’est la montagne dans son état le plus farouche.
Bien qu’elle occupe presque la moitié du Tadjikistan, cette région a très peu de routes (j’ai vu seulement deux carrefours en une semaine!) et très peu de trafic. Le fait qu’il y a peu d’habitants et qu’ils ne sont pas ethniquement tadjikes n’aide certainement pas. À part de rares camions locaux ou chinois qui viennent livrer quelques produits, je n’ai pas croisé beaucoup de véhicules.
Grâce à tout cela, cette route devient une sorte d’itinéraire cycliste mythique, de ceux qui trônent en haut de la liste « à faire » en espérant y aller un jour. C’est pourquoi j’ai rencontré chaque jour un petit groupe de deux ou trois cyclistes. Chargés à bloc, ils ahanent le long des cols, un pâle sourire aux lèvres, avec facilement 30 kg de bagages sur lesquels trône le pneu de rechange au cas où les roches qui parsèment la route viendraient à bout de ceux qui sont déjà en place.
La tranquillité, les montagnes, l’environnement extrême à la fois vaste et presque vide, la proximité des gens puisqu’en général ils dorment et mangent chez l’habitant, attirent ces aventureux qui n’ont pas froid aux yeux. Je crois que le fait que la célèbre « Friendship Highway » au Tibet ne soit plus accessible aux voyageurs indépendants ajoute au succès, relatif, du Pamir. Il ne reste guère d’endroits au monde où l’on peut rouler à plus de quatre mille mètres dans un environnement naturel et humain qui a peu changé depuis des décennies. Alors si vous êtes en quête de défi et d’authenticité, regardez du côté de la Route du Pamir…