Une fin d’hiver en Mauricie
Le plan : une équipée de trois jours sur les routes de la Mauricie, du fleuve Saint-Laurent au lac Bellemare en passant par la rivière Saint-Maurice. Verdict ?
Envie de jouer dans beaucoup, beaucoup de neige ? Oubliez l’est du Québec, une région pourtant habituée à crouler sous l’or blanc. Prenez plutôt la route… de la Mauricie ! Sa métropole, Trois-Rivières, a en effet reçu des quantités records de neige l’hiver dernier : presque 4 m. Si bien qu’à la fin de février, la neuvième ville la plus peuplée de la province talonnait la Gaspésie à ce chapitre, rapporte un article paru alors dans Le Nouvelliste. Chérie, oublie la « barrière infranchissable », c’est-à-dire les Chic-Chocs de la Gaspésie. Nous allons plutôt tutoyer la « rivière qui se jette dans le fleuve » : le Saint-Maurice.
Premier arrêt : Énergie CMB, une adresse incontournable si on en juge sa fréquentation par les gens de la place. Lors de la saison froide, le centre de plein recèle 28 km de sentiers de ski de fond répartis à peu près également entre style classique et pas de patin. Pas de chicane entre adeptes de la glisse nordique ! Ces derniers doivent cependant faire gaffe aux raquetteurs et fatteux qui sillonnent aussi le site – les divers réseaux sont très enchevêtrés. Au moins, le territoire est peu accidenté, ce qui réduit la fréquence des occasionnelles pertes de contrôle par excès de témérité (ou de testostérone).
De la nature en ville
Pas de veine : en cette mi-mars, le thermomètre joue au yoyo, flirtant au passage avec le point de congélation. C’est ce temps de l’année où le printemps commence – enfin ! – à pointer le bout de son nez et à compliquer – oh non ! – la pratique des sports d’hiver. Au lieu de filer à vive allure au guidon de bécanes dodues louées sur place, nous nous improvisons donc botteux d’Amérique dans les sentiers réservés à la randonnée pédestre. Voilà l’occasion d’admirer un terrain de jeu à la nature généreuse mais néanmoins menacée par l’étalement urbain de Trois-Rivières.
La rumeur de la ville se fait d’ailleurs entendre au loin, entre les branches. Il faut dire que le centre-ville trifluvien est à peine à dix minutes de route, une proximité sur laquelle table le laissez-passer Exalt. Le précieux sésame donne accès à un circuit sportif et citadin constitué de plusieurs attraits du coin, comme Énergie CMB, mais aussi Adrénaline Urbaine et sa pente de ski quatre-saisons aménagée sur le toit, ou encore Maïkan Aventure et sa structure de glace artificielle, une chandelle sur laquelle il est possible de s’initier à l’escalade de glace.
Aussitôt dit, aussitôt fait : nous voici sanglés, assurés et chouchoutés par notre moniteur qui se fait un plaisir de nous inculquer les rudiments de ce sport insolite. En gros, on doit varger gaiement dans la paroi au moyen de piolets et de crampons afin de s’y accrocher, puis se hisser par la force de ses jambes plutôt que de ses bras. La notion d’équilibre sur une paroi par définition instable vous semble plus que relative ? Vous vous entendriez bien avec l’auteur de ces lignes, qui ne souffre surtout pas de vertige. Non, non.
Nous posons nos pénates à l’hôtel Oui Go ! situé à quelques encablures de là, à proximité des bars, terrasses et autres attraits de la vie nocturne trifluvienne – un bon choix à défaut de pouvoir piquer notre tente sur l’île Saint-Quentin, ce que nous ferons assurément l’été prochain grâce à notre carte privilège Exalt. Avec sa voisine, cette étendue de terre est en effet à l’origine du nom de Trois-Rivières, en référence aux trois chenaux que forme la rivière Saint-Maurice à sa confluence avec le Saint-Laurent. On ne peut rêver plus idyllique chambre en ville.
Une journée parfaite
Le lendemain, lever à l’heure des poules afin de nous précipiter au parc national de la Mauricie. Chaque minute compte : à la mi-journée, le mercure repassera au-dessus de zéro, sans parler des chauds rayons de soleil qui transformeront la neige en sloche mouillée. Pas idéal pour une longue sortie de style libre, disons. Dans la bagnole, sur l’autoroute de l’Énergie (la 55), l’ambiance est électrique. Nous dessinons le contour de chaque geste à accomplir avant d’embarquer sur nos longues spatules et d’avaler la 10, la 9 et la 6, pour un total de 34 km.
La chorégraphie s’enclenche. Préparation des skis ? Coché, avec l’application de trois couches de fart de glisse à chaud. Vêtements ? Choisis en fonction de la possibilité d’improviser une séance d’effeuillage en cours d’expédition. Crème solaire ? Appliquée, parce que, vous savez, les personnes en bonne forme physique sont plus susceptibles de développer un cancer de la peau, a établi une vaste étude publiée l’été dernier dans le British Journal of Sports Medicine. Une fois la dernière poignée de noix avalée, nous sommes fin prêts.
L’apanage des fondeurs matinaux est de glisser sur des pistes fraîchement damées, qu’on reconnaît à leur surface en velours côtelé. Adjoignez un autre privilège, celui (circonstanciel) de skier un mercredi après la semaine de relâche scolaire, et vous obtenez des conditions parfaites. La lumière printanière qui se répercute sur la surface encore glacée des lacs Bouchard, du Fou, Édouard, Marie, du Pimbina dilue notre sensation de fatigue. Gros coup de cœur pour le retour par la 6, où on ahane dans la montée d’un mur interminable dès les premiers hectomètres.
La cerise sur le sundae ? L’après-ski gourmand sur la terrasse exposée sud-ouest du pavillon de services de la Rivière-à-la-Pêche. Au menu : les mets lyophilisés végétaliens de Treko. Les produits mis en marché par cette jeune entreprise de Louiseville sont pour le moins originaux. Les binnes de cabane en sont la preuve ; il s’agit de haricots blancs au sirop d’érable qui n’ont rien à envier à de « vraies » fèves au lard. Pour un repas complet, ajoutez-y des cretons d’expédition tartinés sur un morceau de pain, ou non, car ils se mangent également sans eau, comme des croustilles.
Le garde-manger boréal
Les festivités se transportent jusqu’aux portes du parc national de la Mauricie, où diverses formules d’hébergement ont vu le jour dans les dernières années. Parmi elles, il y a Nature Nature, qui propose entre autres des microrefuges d’une capacité de 2 à 6 personnes. Plutôt que d’être perché à flanc de montagne, le nôtre est ceinturé d’une forêt enveloppante. Minimaliste et fonctionnel, l’espace est propice à la détente, comme en témoignent le foyer intérieur et la chaise suspendue. Reconnexion avec soi-même garantie, d’autant plus qu’il n’y a pas de wifi sur le site. Alléluia !
Nos jambes endolories commandent du repos lors de l’avant-midi suivant. Si bien que nous foulons en raquettes les sentiers du Parc récréoforestier, à Saint-Mathieu-du-Parc, tard en journée. Avant de rallier la chute du Diable, soit un aller-retour d’environ 9 km, un bref arrêt s’impose à l’amphithéâtre forestier, où des spectacles se tiennent au cours de la belle saison. Un quidam croisé sur place engage la conversation. À son contact, nous apprenons que la curieuse signalisation routière – du type : attention, traverse de tortues –installée à différents endroits dans le coin indique la présence de la tortue des bois.
Notre ultime point de chute a beau être renommé pour sa fine cuisine boréale qui met à l’honneur des produits glanés à proximité, aucun de ses menus 4 ou 8 services ne propose la petite tortue des bois. (Blague à part, cette tortue est une espèce menacée.) On s’attable plutôt à l’Auberge Saint-Mathieu en vue de déguster les créations du moment de son chef, Samy Benabed, Trifluvien d’origine marocaine et étoile montante de la scène gastronomique québécoise. Avec raison, constate-t-on dans la salle à manger donnant sur le lac Bellemare : l’affable personnage fait vivre une expérience culinaire digne des plus grandes tables étoilées. Juste pour ça, cette virée en Mauricie aurait valu le détour.
En bref
Clore la saison froide en Mauricie.
Attrait majeur
La riche diversité de l’offre de plein air.
Coup de cœur
L’Auberge Saint-Mathieu, pour sa table gastronomique.