Guide d’achat /// Sévices ou service après vente?

Les fabricants d’équipement de plein air offrent tous une garantie et ont leur propre façon de l’honorer, avec ou sans le concours des détaillants. Mais, au fait, à quoi ressemble la réalité du service après-vente? Voici quelques exemples concrets vécus par plusieurs pleinairistes, dont certains sont nos collaborateurs.

Au début de l’hiver dernier, Manon Bolduc s’achète une paire de bottes Salomon Toundra (environ 200 $) dans une boutique Sports Experts de Trois-Rivières. Pour maximiser ses chances de ne pas peler de froid, elle se procure également une bonne paire de bas, à la suggestion du vendeur.

«Ces bottes devaient supporter des températures aussi basses que -40 °C, dit la pleinairiste. Or, même si je ne suis jamais sortie sous les -20 °C, j’ai tellement gelé des pieds chaque fois que je faisais de la raquette que j’ai fini par remettre mes vieilles bottes Sorel, bien plus chaudes.»

En apprenant qu’une de ses amies a eu le même problème avec les mêmes bottes, Manon Bolduc décide de retourner les siennes chez le détaillant. Le vendeur dit n’avoir jamais vécu pareille situation, qu’il ne sait pas à qui demander réclamation et qu’il ne peut rien faire de plus. Dépitée, Manon rentre chez elle et jette ses bottes au fond d’un placard.

Au printemps, un ami lui suggère de téléphoner directement chez Salomon, dont le siège social canadien est situé à Belleville, en Ontario. Dans un français approximatif mais compréhensible, le préposé Andrew

Bean demande d’envoyer une photo des bottes, puis répond que sa garantie couvre aussi le confort, autrement dit un minimum de protection contre le froid.
«Retournez voir votre vendeur et dites-lui de me téléphoner: vous aurez droit à une nouvelle paire de bottes ou à une note de crédit», dit Andrew à Manon. Ce qu’elle fait quelques jours plus tard, en exposant la situation à une autre préposée du même Sports Experts. Celle-ci est surprise de l’attitude du précédent vendeur, mais elle refuse de contacter Andrew. «Nous allons re­pren­dre vos bottes et les retourner à Salomon par l’intermédiaire de notre représentant», de répondre celle-ci.

Au moment de la publication de cet article, Manon n’avait toujours pas obtenu de réponse de la part de Salomon, mais elle avait bon espoir d’obtenir satisfaction, en se disant qu’au pire, elle recontacterait elle-même Andrew… Cet exemple n’est qu’un parmi d’autres qui prouve que le service après-vente des manufacturiers n’est pas toujours une sinécure, même lorsqu’un produit est sous garantie: problèmes de communication entre le détaillant et le fabricant, sites Web unilingues anglophones, vendeurs je-m’en-foutistes…

Chaque cas est un cas d’espèce, mais on peut retenir deux choses: d’abord, la plupart des manufacturiers et des détaillants sont de bonne foi et ne cherchent pas à flouer le client; d’autre part, il ne faut jamais baisser les bras après un premier refus ou une complication, et tous ceux qui insistent pour obtenir réparation en sortent généralement gagnants.

À chacun sa marche à suivre!
C’est ce qui est arrivé au photojournaliste Valérian Mazataud, qui s’était procuré pour 90 $ un sac Lowepro garanti à vie chez L.L. Lozeau, à Montréal. Après avoir constaté qu’une fermeture éclair s’était déchirée, il a retourné son sac par l’entremise du détaillant et en a reçu un flambant neuf de Lowepro, un mois plus tard. «Mais il était deux fois plus petit et d’une valeur deux fois moindre, car le premier modèle n’était plus fabriqué», dit Valérian, qui s’en est alors plaint à sa vendeuse. «D’abord, celle-ci ne voyait pas quel était mon problème: après tout, j’avais hérité d’un sac neuf, disait-elle. Finalement, puisqu’il restait des modèles équivalents sur les rayons de Lozeau, on m’a donné un sac neuf. Mais j’ai trouvé l’attitude de Lowepro pour le moins surprenante.»

«S’il [le client] nous avait contacté directement, nous lui aurions rapidement donné satisfaction: c’est la marche à suivre que nous donnons aux détaillants, et cette politique apparaît dans notre site Web», dit Petra James, coordonnatrice du service à la clientèle chez DayMen Canada, qui représente Lowepro au Québec. Petit hic: ledit site Web est uniquement en anglais… Mais en communiquant par courriel avec DayMen, on a effectivement droit à du service en français, dans un délai assez rapide.

Ce n’est cependant pas tout le monde qui maîtrise l’anglais ou les arcanes de la technologie et des médias sociaux, Facebook et Twitter étant devenus deux importantes portes d’accès – parfois plus rapides – au service à la clientèle. Car, de façon générale, devant un bris ou une réclamation, l’acheteur lambda a souvent le réflexe de retourner voir celui qui lui a vendu l’objet défectueux – c’est d’ailleurs ce que recommande de faire Salomon, même si l’approche directe peut manifestement être plus efficace.

Cela dit, quand on habite la ville où un manufacturier dispose d’une importante antenne, il est plus que tentant de traiter directement avec lui. «Par souci d’équité envers tous nos clients, nous leur suggérons de traiter avec le détaillant, qu’ils aient ou non leur facture, pour toute question d’échange ou de réparation», dit Stéphane De Grasse, superviseur aux garanties de The North Face.

Si, dans bien des cas, l’acheteur qui a conservé sa facture n’aura rien à débourser pour retourner un produit défectueux au fabricant, il n’en sera pas nécessairement de même s’il l’a égarée ou si le fabricant ne couvre pas les frais de transport. Ainsi, pour retourner un manteau Mountain Hardwear défectueux acheté aux États-Unis, il faut débourser au bas mot 15 $ de frais d’envoi par la poste, si on habite au Québec.

Dans certains cas, la question ne se pose même pas puisque le fabricant dispose de son propre réseau de détaillants, voire d’une excellente politique de retour, comme celle de Mountain Equipment Co-op. «Puisque nous som­mes une coopérative, nous n’avons pas le choix de bien servir nos membres, dit Noémi G. Labelle, directrice du marketing et des communications de l’entreprise à Montréal. Et tout ce qui ne répond pas aux besoins du client ou qui ne correspond pas à l’idée qu’il se faisait d’un produit peut être retourné sans condition, si celui-ci a été acheté dans une de nos boutiques et qu’il n’a pas subi d’usure abusive.»

Pour la directrice, une telle attitude de la part d’une entreprise jette les bases d’une saine relation entre le client et celle-ci. «Les gens sentent qu’on n’abuse pas d’eux, alors ils sont moins enclins à être pointilleux et plus portés à faire preuve de discernement», dit-elle. Toutefois, selon plusieurs consommateurs, toutes les entreprises n’agissent pas ainsi.

La vie (comme la garantie) n’est pas éternelle
«Les articles de notre collection maison sont garantis à vie, mais la vie utile du produit est un concept difficile à saisir pour bien des gens», dit Yves Robert, directeur des ventes à La Cordée. Car si le produit est mort de sa belle mort et qu’il est usé à la corde, peut-on encore parler de garantie à vie, puisque de vie, il n’y a plus? «Nous avons déjà eu des réclamations pour une fermeture éclair défectueuse alors que le tissu du manteau qu’il y avait autour était en lambeaux», indique Régis Pageau, directeur des ventes chez Chlorophylle. «Les garanties à vie sont parfois devenues synonymes de déresponsabilisation et elles créent des attentes démesurées chez le client, qui ne se sent plus toujours obligé de bien entretenir son équipement», constate pour sa part Stéphane De Grasse. Mais au bout du compte, l’existence de telles garanties et leur efficacité jouent en faveur des entreprises qui ont les reins assez solides pour les offrir; leur image et leur crédibilité en sortent grandies, moyennant des coûts de remplacement peut-être pas si élevés, pour ce qu’elles en retirent.

À preuve, la «garantie toute puissante» récemment mise en place par Osprey stipule que ce ma­nufacturier «réparera gratuitement tout produit endommagé ou défectueux, quelle qu’en soit la raison et qu’il ait été acheté en 1974 ou hier […] Si nous ne sommes pas en mesure d’effectuer une réparation de qualité, nous remplacerons volontiers votre sac», dit le libellé de cette garantie. Seule condition: bien nettoyer le sac avant de l’envoyer.

Cela dit, il semble que ce soit une minorité de clients qui «profite du système» et, la plupart du temps, les con­sommateurs ont plus que raison de faire une réclamation. À cet égard, les histoires de pleinairistes satisfaits ne sont d’ailleurs pas rares, loin s’en faut. Ainsi, le guide de montagne Jean-Sébastien Berlinguette n’a que de bons mots pour le fabricant Leatherman. «Je leur ai retourné mon multi-outil à deux reprises, une fois parce qu’il était corrodé après une chute dans un milieu salin, l’autre fois parce que le tournevis s’était cassé; les deux fois, ils me l’ont remplacé sans poser de questions.»

Autre histoire qui finit bien: après s’être procuré un sac de couchage MEC valant plus de 300 $, la journaliste Anne Pélouas a pour sa part reçu, sans rien demander, une lettre de style «rappel» l’informant en détail des problèmes de son Merlin, dont la cote de confort (température) inscrite sur l’étiquette ne correspondait pas à la quantité de duvet à l’intérieur. «Ils m’ont donné le choix entre un remboursement complet en retournant le sac de couchage et un remboursement partiel en le conservant, dit la pleinairiste. J’aime leur proactivité, en fonction des commentaires sollicités auprès des clients et employés!»

De toutes les histoires que nous avons entendues, la palme d’efficacité et d’intégrité revient cependant à Cannondale, si l’on en croit un cycliste au long cours qui nous a relaté l’anecdote suivante (et qui préfère garder l’anonymat).

«Il y a quelques années, j’ai acheté une sacoche de vélo Cannondale, dit-il, et elle s’est avérée défectueuse: alors que j’étais en voyage de cyclotourisme, la sacoche est sortie de son attache, s’est coincée dans la roue de mon vélo et m’a donc fait chuter. J’ai passé trois jours à l’hôpital aux soins intensifs. Deux semaines plus tard, j’ai envoyé une lettre à Cannondale en demandant compensation. Ils ont été très corrects: ils ont fait un rappel aux États-Unis et au Canada (bien que j’aie été la seule victime du défaut, à leur connaissance), m’ont versé un dédommagement monétaire et m’ont offert de choisir le vélo que je voulais dans leur catalogue. D’autres entreprises auraient pu essayer de me pousser à bout en utilisant tous les moyens possibles pour retarder le dédommagement ou me décourager d’en réclamer un; eux m’ont offert du service et ont fait preuve de responsabilité. C’est du rarement vu…» •