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L’eau libre fait des vagues
Le Québec est peut-être la terre sainte de la natation en eau libre. À condition, bien sûr, de pouvoir accéder à ses étendues d’eau. Coup d’œil sur cette discipline en pleine émergence.
Moi, mon wetsuit a beaucoup nagé. Il m’a fait flotter des lacs aux rivières. J’ai traversé avec ma combinaison de néoprène laminé le Québec et ses tributaires. York, Simon, Petit Bras, Lovering, Leamy : je ne tiens plus le compte des entités hydrographiques de la province dans lesquelles j’ai fait saucette. Il faut dire qu’il y a matière à s’offrir une baignade : 22 % de la superficie totale du territoire québécois est couverte d’eau, ce qui représente environ 500 000 lacs, 4500 rivières et un fleuve parmi les plus imposants du monde. La natation en eau libre trouve donc dans notre géographie une résonance certaine. On ne connaît pas « son » Québec tant qu’on n’a pas filé à la surface de son or bleu, au petit matin, dans la douce chaleur estivale. Félix Leclerc, notre poète national, serait assurément d’accord.
Ce constat est bien récent. Il aura fallu que je fasse un détour par le triathlon pour que l’évidence même me saute aux yeux. Je ne suis pas le seul, remarquez. « Beaucoup de nouveaux adeptes ont découvert la nage en eau libre par ce biais. Dans les dernières années, c’est devenu la principale porte d’entrée », observe Xavier Desharnais, agent de développement de la discipline à la Fédération de natation du Québec (FNQ) et ancien nageur professionnel en eau libre – il a notamment gagné deux fois l’exigeante Traversée internationale du lac Saint-Jean, longue de 32 km. Depuis sa retraite de la compétition et son arrivée en poste en 2018, le Sherbrookois d’origine note un engouement sans précédent pour cette discipline qui en sera à sa quatrième présence aux Jeux olympiques cet été.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le calendrier d’eau libre de la FNQ est passé de 7 événements et 26 épreuves en 2016 à 12 événements et 48 épreuves la saison dernière, annulée pour cause de pandémie. « C’est simple : il aurait été possible de prendre part à une compétition à peu près toutes les fins de semaine pendant l’été 2020 », expose Xavier Desharnais. La participation a suivi la même courbe de progression : pas moins de 1500 personnes se sont alignées sur les différents événements en 2019, soit au-delà du double par rapport à 2016. L’ajout d’épreuves plus courtes et accessibles par les divers comités organisateurs n’est pas étranger à cette popularité. La Traversée du lac Tremblant propose par exemple des distances de 1 km, 3 km et 5 km en parallèle de son événement phare de 12 km, épreuve officielle du calendrier nord-américain de la prestigieuse Global Swim Series.
Avec ou sans combinaison ?
Crawler de la baie des Ours jusqu’au pied du mont Tremblant constitue bel et bien « une expérience épique, la nage de toute une vie », ai-je constaté lors de l’édition 2018 de cet événement, que j’ai terminée en 3 heures, 29 minutes et 58 secondes. Je n’ai toutefois pas de mérite : sans ma combinaison isothermique, c’est plutôt un DNF (did not finish ou « n’est pas arrivé ») qui aurait été indiqué à côté de mon nom. C’est que le recours à cette armure de néoprène améliore la flottabilité, donc la vitesse de croisière. Un atout indéniable pour de piètres nageurs en mon genre, mais un affront aux puristes, pour qui le seul Speedo suffit. « Si le wetsuit démocratise la discipline, il la dénature également. Personnellement, je préfère braver les éléments et jouir d’une totale liberté de mouvement et de sensation plutôt que de le revêtir », explique Nicolas Knap, alias le marathonien des eaux, qui a fait partie de l’équipe nationale de France de natation en eau libre de 1996 à 2002 avant de s’installer au Québec.
L’argument du confort pèse cependant dans la balance. Dans le sud du Québec, nager en eau libre est possible de la mi-juin à la mi-septembre, soit pendant approximativement trois mois. Grâce à la protection contre les assauts du froid qu’elle confère, la combinaison permet de se jeter à l’eau dès le début de juin et d’en ressortir vers la fin de septembre sans trop forcer la note – le point critique est d’environ 13 °C, ou 55 °F. Un gain considérable d’un mois ! Et il y a l’aspect sécuritaire, qui n’est pas à négliger. « Contrairement à la piscine, un environnement contrôlé et sûr, les cours d’eau changent constamment de visage selon les vents, les courants, les vagues… Le wetsuit, surtout s’il est utilisé avec un sac flottant, permet de s’acheter une paix d’esprit », estime Xavier Desharnais.
Le conseil vaut tout particulièrement pour les nageurs néophytes, chez qui l’absence des habituels repères en bassin (lignes de fond, murs…) peut susciter de l’appréhension. Les novices gagnent donc à faire leurs premières armes en eau libre dans le cadre des activités d’un club, à longer les rivages avant de s’aventurer au large et à couvrir des distances plus petites que ce à quoi ils sont habitués en piscine. Aussi, ils doivent apprendre à s’orienter dans ce nouvel environnement, sous peine de nager en zigzag plutôt qu’en ligne droite. « Je recommande de sortir de l’eau les yeux et le nez – mais pas la bouche – tous les 10 à 15 coups de bras, de manière à affecter le moins possible l’efficacité de la nage, spécifie Anastasia Polito, entraîneuse de triathlon et adepte de longue date de l’eau libre. On peut se synchroniser avec une prise d’air, même si ce n’est pas obligatoire. » Un truc : tabler sur des bouées, des bâtiments et des arbres pour se diriger. Et s’exercer, s’exercer, s’exercer.
Des bâtons dans les roues
La règle d’or reste toutefois d’être systématiquement accompagné lors de sorties en eau libre. « On ne devrait jamais être seul, surtout si on ne connaît pas le plan d’eau dans lequel on nage », préconise Anastasia Polito. « À deux, idéalement trois, on s’assure de pallier une éventuelle difficulté, comme un malaise, une collision avec une embarcation ou un changement soudain de la météo », renchérit Xavier Desharnais.
Envie de barboter seul tout en demeurant en relative sécurité ? Dans les dernières années, des municipalités ont mis en place des corridors de nage destinés expressément aux adeptes de l’eau libre. C’est le cas à Magog, où la ville propose depuis 2018 un parcours balisé (mais non surveillé) de 500 m dans les eaux du lac Memphrémagog. Idem à Lac-Mégantic ainsi que dans le secteur Aylmer de la ville de Gatineau, à même la rivière des Outaouais.
Bonne chance néanmoins pour nager où et quand vous le voulez. Au Québec, accéder aux plans d’eau fait souvent office de parcours du combattant. Tout comme les pêcheurs sportifs et les plaisanciers, les nageurs sont victimes de la privatisation galopante des berges de même que du contrôle accru des sites de mise à l’eau par les municipalités. Un exemple parmi tant d’autres : celui du lac Beauport, au nord de Québec. Si l’accès au lac à partir du Club nautique de Lac-Beauport était gratuit et libre pour les quelque 7900 résidents en 2020, « les non-résidents [devaient] avoir acheté le jeton de natation et se présenter sur les plages horaires identifiées », peut-on lire sur le site de la ville. Le coût du jeton était de 69 $ pour la saison, qui débutait le 22 juin. Et il fallait être un lève-tôt : seuls les lundis, mardis, jeudis et samedis matins, de 6 h à 8 h 30, étaient ouverts à ceux qui n’ont pas le privilège d’habiter sur le territoire de cette municipalité considérée comme l’une des plus prospères de la province.
Une aberration aux yeux de Nicolas Knap, qui n’hésite d’ailleurs pas – et il n’est pas le seul – à sauter des clôtures et violer des propriétés privées pour s’adonner à sa passion. « Et vous savez quoi ? Je ne me considère pas comme un délinquant. Au Québec, les étendues d’eau sont des biens publics, ce qui signifie que tous peuvent en jouir en toute légalité », soutient-il. Même si la question est un tantinet plus compliquée que ça – il y a, semble-t-il, opposition entre les notions de droit d’accès et de droit d’usage aux cours d’eau dans le Code civil du Québec –, l’esprit de la critique demeure : ces mesures aux allures d’obstacles puent le « pas dans ma cour ». « L’eau libre est l’état pionnier de la natation, l’ultime immersion en pleine nature. C’est vraiment dommage qu’on soit contraint de tricher pour en profiter », conclut le nageur de distance.
[encadré]
Les essentiels de l’eau libre
Combinaison isothermique de 2 à 3 mm d’épaisseur, avec ou sans manches
Cagoule, bottillons et gants (pour allonger les débuts et fins de saison)
Maillot de bain
Sac flottant étanche
Bonnet de bain en silicone
Lunettes de natation (lentilles foncées)
Lunettes de natation, bis (lentilles claires)
Bâton de baume anti-frottement
Serviette de bain
Sandales
[encadré]
Au calendrier cet été (ou le suivant)
Traversée internationale du lac Mégantic, fin de juillet ou début d’août
Des épreuves pour amateurs de 1, 2, 5 et 7 km sont organisées en marge de l’étape de la relevée Coupe du monde des marathons de 10 km en eau libre FINA/CNSG. Un lac aussi énorme que majestueux, une vue impressionnante sur les Appalaches environnantes et des spectacles pour animer le volet sportif, que demander de mieux ? Les compétitions sont sanctionnées par la FNQ.
Traversée du lac Nicolet, 21 août 2021
Saints-Martyrs-Canadiens. La seule évocation de cette municipalité nommée en l’honneur de huit jésuites massacrés jadis suffit à plonger quiconque dans une mer d’angoisse. Mais rassurez-vous : ce n’est pas dans un océan, mais bien dans un lac, celui de Nicolet, que les adeptes d’eau libre sont invités à nager 500 m, 1 km, 2,5 km ou 5 km. Le plan d’eau est situé, vous l’aurez compris, sur le territoire de la municipalité centricoise.
Traversée du lac Tremblant, du 13 au 15 août 2021
L’auteur de ces lignes se souviendra sa vie durant de ce matin d’août 2018 où, en compagnie d’une cinquantaine d’autres crinqués en son genre, il plongeait tête première à la conquête du lac Tremblant. Il remercie d’ailleurs Stéphane Ricard, son accompagnateur du jour qui, du haut de son kayak, a assuré le soutien moral de même que la sécurité tout au long de la traversée de 12 km. Un événement incontournable, vraiment.