Présenté par Tourisme Gaspésie
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Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

À coups de pagaie, la Route bleue revit

Après une première formule qui a coulé à pic, les Routes bleues du Saint-Laurent refont surface. La remise à flot de cette infrastructure bleue réussira-t-elle, cette fois-ci, à gagner le cœur du public ?

Notre petite flottille de trois kayaks se trouve dans une impasse. Sur les cartes nautiques et sur Google Maps, il existe un passage navigable entre les îles Beauregard et Marie, dans la zone du trou à Grenouilles, sur le fleuve Saint-Laurent, entre les villes de Repentigny et Verchères. Or sur le terrain, la réalité est tout autre.

Aucune trace d’un possible chenal, bien que le niveau d’eau actuel soit supérieur à la médiane en cette période de l’année. Nous faisons face à un mur de végétation. Le passage s’avère même impossible en portageant. « Je vous l’avais dit : il y a souvent une différence entre les cartes et la réalité », clame Bernard Hugonnier, un kayakiste expérimenté, chargé d’évaluation à Canot Kayak Québec. Pas le choix, nous devons rebrousser chemin.

En cette belle journée de septembre, j’entreprends sur l’eau une excursion pas comme les autres. J’accompagne dans une sortie de repérage le trio composé de Bertrand Hugonnier, Pierre Marquis (directeur général de Canot Kayak Québec) et Sophie Lemire (directrice générale du Comité ZIP des Seigneuries). Le but : défricher un potentiel segment de Route bleue dans le secteur de l’île Beauregard, en évaluant les points de mise à l’eau, la qualité de la zone à explorer, les dangers, les obstacles et la biodiversité. Si l’évaluation est positive, ce parcours en démarchage, qui vient de cependant de heurter un écueil, deviendra possiblement, avec des variantes, un itinéraire officiel de la Route bleue. L’objectif est de créer, tout au long du Saint-Laurent, des trajets nautiques sécuritaires et accessibles.

 

La Route bleue, c’est la version remaniée du Sentier maritime du Saint-Laurent, vaste itinéraire mis en place en 2004-2005 et qui visait à donner accès au fleuve aux pagayeurs. Long de plus de 2000 km, s’étirant de la frontière ontarienne jusqu’à celles du Labrador et du Nouveau-Brunswick, le Sentier maritime du Saint-Laurent était lui-même subdivisé en neuf Routes bleues. C’était le pendant nautique de la Route verte dessinée pour les cyclistes.

Or, cet ambitieux projet a sombré comme l’Empress of Ireland. Faute d’amour et de financement, le Sentier maritime du Saint-Laurent a progressivement chaviré dans l’ombre dans une relative indifférence, aspirant toutes les Routes bleues dans les abysses. À bout de ressources, la Fédération québécoise du canot et du kayak, maître d’œuvre du projet, a dû le laisser dériver. Résultat : le site internet et les cartes n’étaient plus à jour, sauf en ce qui concerne la section de la Route bleueChaudière-Appalaches. Et les infrastructures spécialement construites à l’intention des pagayeurs, comme les plateformes de camping, les latrines et les abris, ont été emportées par les marées.

Mais Canot Kayak Québec, le nouveau nom de la fédération sportive, n’a toutefois jamais jeté la pagaie à l’eau. Depuis 2018, l’organisme se démène afin de redonner vie à cette voie navigable, repartant sur des bases renouvelées et évitant de répéter les erreurs du passé. « Deux problèmes majeurs ont mis en péril la première version du Sentier maritime du Saint-Laurent. Premièrement, ce parcours linéaire de 2000 km s’adressait presque exclusivement aux pagayeurs au long cours, qui sont peu nombreux au Québec. Deuxièmement, le maintien des Routes bleues reposait sur les épaules de bénévoles, qui se sont épuisés à la tâche », synthétise Pierre Marquis, chargé de projet Route bleue de 2018 jusqu’en septembre 2020, avant de devenir directeur général de Canot Kayak Québec.

Dans la version revue et corrigée, le nom « Sentier maritime du Saint-Laurent » est envoyé aux oubliettes. Le nouveau nom : la Route bleue, qui sera elle-même fractionnée en sous-sections, les Routes bleues. Plutôt que de solliciter l’aide de bénévoles, les sections régionales seront sous la responsabilité d’organismes reconnus, comme les comités de zones d’intervention prioritaire (comités ZIP), qui œuvrent, à l’échelle nationale, à la protection et la mise en valeur du Saint-Laurent. Les gestionnaires travaillent en partenariat avec les Unités régionales de loisir et de sport, les municipalités ainsi que les municipalités régionales de comté (MRC).

Le changement touche aussi l’ADN du concept. Dans sa formule originale, les Routes bleues collées bout à bout formaient un parcours linéaire sur les deux rives du Saint-Laurent. Cette fois-ci, les Routes bleues régionales mettront de l’avant des circuits en boucle, qui se pagaient en quelques heures. « Nous ne visons plus les pagayeurs chevronnés, mais les familles qui souhaitent effectuer une sortie sur le Saint-Laurent. Nous faisons donc table rase du passé », indique Pierre Marquis.

Un expert de Canot Kayak Québec, comme Bernard Hugonnier, estime sur le terrain le potentiel de chaque route navigable, d’où notre escapade septembrale aux abords de l’île Beauregard. Il s’agit d’un travail de longue haleine. C’est pour cette raison que les Routes bleues renaissent graduellement, par tronçon, le temps de prendre les mesures nécessaires à l’élaboration de nouveaux parcours.

UN VENT DE DOS

Canot Kayak Québec a confiance que la version 2.0. ne subira pas le même sort que la précédente. « Cette fois-ci, nous avons des appuis financiers, comme celui du ministère de l’Éducation, qui nous permet de payer un coordonnateur national. Nous sentons également pour ces voies navigables un engouement des instances régionales telles que les MRC et les comités ZIP. Tout le monde pagaie dans le même sens afin que ça marche », souligne Pierre Marquis.

Contrairement à la première formule, qui avait nécessité la construction à grands frais d’infrastructures diverses, les Routes bleues tablent maintenant sur la simplicité volontaire, utilisant ce qui est déjà en place, comme les rampes publiques de mise à l’eau et les campings. Des panneaux de signalisation constitueront les seules marques visibles des Routes bleues.

Signe des temps, l’accès aux cartes se fera en ligne. Leur téléchargement sera gratuit. « Le but est d’offrir un service à la population », dit Pierre Marquis. Canot Kayak Québec rêve d’une application qui permettrait de suivre fidèlement son déplacement sur l’eau. Au final, c’est le nombre de téléchargements de cartes de même que la surveillance des responsables locaux qui serviront à mesurer le succès ou l’échec de cette nouvelle mouture.

TROIS ROUTES BLEUES EN 2021

En 2021, les adeptes de sport de pagaie auront la possibilité de partir à la découverte de trois Routes bleues. Dans la région de Charlevoix, le Comité ZIP Saguenay-Charlevoix inaugurera trois parcours en boucle : l’un dans la baie Saint-Paul (Baie-Saint-Paul), le deuxième à Saint-Joseph-de-la-Rive (Les Éboulements) et le troisième sur la pointe est de l’île aux Coudres (L’Isle-aux-Coudres). « Vu l’intérêt des municipalités locales, d’autres boucles pourraient s’ajouter assez rapidement », soutient Raphaëlle Dancette, directrice générale de ce comité ZIP.

Entre le pont Laviolette et les littoraux de Portneuf et de Lotbinière, la Route bleue de l’estuaire fluvial planche sur l’ouverture d’au moins un parcours en boucle en 2021. Toutefois, la cartographie des anciens parcours linéaires a été actualisée. Ainsi, les pagayeurs à la recherche d’un trajet sur plusieurs jours trouveront chaussure à leur pied.

Quant à la Route bleue Québec/Chaudière-Appalaches, elle propose huit itinéraires au tracé linéaire, sur les deux rives du fleuve, entre Québec et Lévis jusqu’à l’extrémité est de l’île d’Orléans, avec environ 50 sites autorisés pour la mise à l’eau, aires de repos, arrêts d’urgence, etc. Des parcours en boucle suivront éventuellement en 2022.

Le Sentier maritime du Saint-Laurent est mort, vive la Route bleue !

canot-kayak.qc.ca

 

La Route bleue en bref

2002

Lancement du projet de Sentier maritime du Saint-Laurent par le ministre André Boisclair dans le cadre de la Politique nationale de l’eau, en collaboration avec la Fédération québécoise du canot et du kayak.

2004

Ouverture de la Route bleue du sud de l’estuaire, premier tronçon du Sentier maritime du Saint-Laurent.

2012

Faillite de Boréal Design, un fabricant de kayaks de mer et principal commanditaire des Routes bleues.

2018

Embauche d’un coordonnateur afin de relancer le Sentier maritime du Saint-Laurent.

2021

Trois Routes bleues émergent des flots.