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De nouveaux sommets pour l’escalade de bloc
La prolifération de centres d’escalade intérieure et la présence décuplée d’adeptes sur les sites extérieurs démontrent l’ascension exceptionnelle que connaît l’escalade de bloc au Québec. Mordue de cette forme d’escalade sans corde, notre collaboratrice nous en explique les bases et nous guide vers les endroits à découvrir.
Enfant, on me trouvait souvent en hauteur. J’aimais grimper dans les arbres, escalader les plus hauts rochers (du point de vue de mes 7 ans), me percher sur des modules de jeux. À l’âge adulte, j’ai perdu ce goût du jeu de l’ascension… Métro-boulot-dodo, on joue quand, dans tout ça ? Peu de sports et de loisirs permettent de recouvrer cette part enfantine du jeu dans notre quotidien. Je l’ai retrouvée lors de ma première expérience d’escalade en 2015. Ça a été une révélation : j’y ai vu la combinaison d’un exercice physique et d’une pratique ludique. C’est un sport qui donne l’occasion de se dépasser physiquement et mentalement grâce à des objectifs mesurables. Il offre également l’espace pour faillir positivement, car on peut tomber sans gêne – ça fait partie de la game. L’échec y est signe de succès futur : plus on chute, plus on a de chances de réussir.
Mes premières années de bloc se sont déroulées dans des centres intérieurs. Puis j’ai été initiée à l’escalade extérieure par un ami, et ma vie a basculé, pour le mieux. Passionnée de plein air, j’ai découvert ce qui me faisait vibrer. L’escalade de bloc est désormais pour moi davantage qu’une pratique récréative, c’est un mode de vie : se retrouver en nature, remplir ses poumons des parfums forestiers devant des formations géologiques millénaires où on se met au défi de parvenir au sommet de tel bloc ou de réussir tel enchaînement de mouvements qui requiert une bonne dose de force et de technique. La joie de l’effort récompensé par le succès ou celle, plus simple, d’un bonheur partagé avec des camarades.
Un engouement sans précédent
L’escalade, qui a récemment intégré les Jeux olympiques, est basée sur l’un des mouvements les plus naturels du corps humain : grimper. L’escalade a le vent dans les voiles, comme en font foi cette hausse de visibilité et de crédibilité, la multiplication de centres intérieurs autant dans les grands centres urbains qu’en région, ainsi que sa popularité accrue sur les réseaux sociaux – particulièrement l’escalade de bloc. Éric Lachance, directeur général de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME), démystifie cet engouement sans précédent en affirmant que bien que l’escalade en général connaisse une hausse de popularité, « l’escalade de bloc se démarque, car l’offre est plus grande. Il y a davantage de centres de bloc que de centres où on peut pratiquer l’escalade encordée. L’accessibilité et la simplicité de cette discipline sont des incitatifs pour les personnes désirant commencer l’escalade. » Les centres de bloc abondent partout au Québec, avec 36 centres aux installations adaptées répartis à travers la province.
Plusieurs centres proposent des initiations au bloc extérieur qui permettent une expérience encadrée, crashpads et plaisir fournis. Dans les dernières années, le nombre d’adeptes s’intéressant à l’escalade en plein air va croissant. Éric Lachance confirme la nette augmentation de l’achalandage sur les sites de bloc extérieurs, entre autres à la suite de l’application des mesures sanitaires relatives à la COVID. Il explique cette hausse par l’arrêt forcé de diverses activités intérieures pendant le confinement, mais pas de l’escalade ; les gens souhaitant continuer à faire de l’activité physique se sont donc initiés massivement au bloc. Dans la même logique, puisque les activités intérieures étaient restreintes, les sites extérieurs ont été considérablement investis par les adeptes.
Le bloc, ça mange quoi en hiver ?
D’abord, une précision importante : quelle est la différence entre l’escalade de bloc et l’escalade encordée ? La principale distinction réside dans le matériel requis. Le bloc se réalise sans corde, sur des parois de quelques mètres de haut, où des matelas placés au sol amortissent la chute. L’escalade encordée, qui s’effectue sur des parois de dizaines de mètres de hauteur, nécessite l’utilisation d’une corde et de matériel supplémentaire (selon la technique pratiquée), et exige la participation d’un ou d’une partenaire d’assurage qui gère la corde au cours de l’ascension.
Le bloc, donc, se pratique généralement sur des rochers de petite taille (de 2 à 5 m). Lorsque le bloc dépasse 5 m, on emploie le terme highball : un rocher plus haut qu’un bloc moyen. C’est plus risqué, certes, toutefois les personnes à la recherche d’adrénaline seront bien servies. Des matelas de réception sont utilisés afin d’amortir les chutes autant à l’intérieur qu’à l’extérieur (où on parle alors spécifiquement de crashpads, des matelas qui se transportent comme des sacs à dos grâce à des sangles verticales). En salle, le bloc est couramment pratiqué en solo. Mais détrompez-vous si vous pensez que cela signifie de mener vos activités en solitaire : c’est un sport qui appelle la camaraderie et la solidarité. Il est facile d’y nouer des amitiés et de partager ses expériences, ou encore de solliciter des conseils sur les meilleures façons de réussir un mouvement. À l’extérieur, le bloc requiert souvent la compagnie de gens qui pareront, à savoir d’autres grimpeurs ou grimpeuses qui aident à sécuriser la chute de la personne qui grimpe. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, le bloc incite à la communauté.
Le problème de bloc, soit la trajectoire spécifique empruntée par quelqu’un qui grimpe un bloc, est composé d’une séquence de mouvements plus ou moins difficiles. Plusieurs problèmes peuvent coexister sur un même bloc. Chaque problème est classé selon une cotation qui en indique la difficulté (technicité et effort physique). Au Québec, le système employé est le Vermin, une cotation états-unienne qui comporte des cotes de V0 à V17. En extérieur, c’est la personne qui réussit la première ascension d’un problème qui en détermine la cote. Des livres guides appelés topos, imprimés ou accessibles en ligne, rassemblent les problèmes à grimper par secteur ou région. Ils incluent des cartes et des descriptions permettant de repérer les blocs et d’identifier les problèmes.
Des sites renommés aux quatre coins du Québec
Le Québec, ce vaste territoire couvert de roches, est une réelle mine de lieux d’escalade de bloc. Divers sites naturels y ont été développés afin d’accueillir la pratique extérieure. Quels sont les ingrédients pour un site de bloc exceptionnel ? D’abord, de la roche de qualité, c’est-à-dire qui ne s’effrite pas et qui est confortable au toucher. La densité est également importante – un champ de bloc abondant en cailloux imposants sera particulièrement apprécié. Entrent aussi en ligne de compte des espaces d’atterrissage sécuritaires, plats et dépourvus de fragments rocheux.
La réalisatrice de films d’escalade Alexa Fay explique à ce sujet : « Développer des blocs prend beaucoup de temps et d’efforts. Lorsqu’on trouve un bloc, il faut avoir la vision de la ligne. Il faut ensuite nettoyer et brosser le bloc, parfois aménager des zones d’atterrissage sécuritaires. Et seulement après tout ça, on peut grimper. J’ai énormément de respect pour les gens qui travaillent à développer l’escalade de bloc. » Elle signe d’ailleurs la réalisation de la courte série Val-David Bouldering, accessible sur YouTube via le compte Jackalope, qui ne donne qu’une hâte, celle d’organiser une prochaine sortie de bloc… ou de se mettre à ce sport.
Les Laurentides, les Cantons-de-l’Est, la région de Québec et le Bas-Saint-Laurent sont les principaux secteurs reconnus pour l’escalade de bloc. D’après Marie-Michelle Thibault-L’Italien, qui pratique le bloc depuis près de 10 ans dans la région de Québec, il demeure difficile d’assurer l’accessibilité des sites d’escalade dans la région, car certains sont situés sur des terrains privés. Il s’agit de l’un des principaux freins au développement officiel et à l’ouverture de secteurs qui renferment des rochers d’une grande qualité.
Où grimper sur les roches ?
Les sites mentionnés ci-dessous ne constituent pas à eux seuls un panorama exhaustif du bloc extérieur au Québec, cependant ce sont des lieux phares qui sauront combler les plus friands adeptes.
Laurentides
Qui dit bloc extérieur dit Val-David. Le parc régional de Val-David–Val-Morin se démarque comme le site d’escalade le plus connu au Québec. On parle de l’endroit comme du « berceau de l’escalade au Québec ». D’après ce qu’on lit dans la deuxième édition du topo de Val-David, l’escalade de bloc y est pratiquée depuis le milieu des années 1930, mais il aura fallu attendre la fin des années 1990 pour qu’elle gagne en popularité. Le parc offre au-delà de 400 problèmes de bloc de divers degrés de difficulté. Il est divisé en secteurs qui regorgent de lignes classiques.
Cantons-de-l’Est
Dans cette région adjacente à la frontière états-unienne, les grimpeurs de bloc se dirigent vers le champ de bloc du Pic aux Corbeaux, qui se situe au cœur du parc national du Mont-Orford. On y trouve une diversité de problèmes répartis sur près de 200 lignes. Pendant longtemps, des mesures de protection du faucon pèlerin ont obligé la Sépaq à restreindre l’accès à ce site, pleinement accessible depuis 2018.
Québec
Dans la région de Québec, le parc de la forêt ancienne du Mont-Wright, communément appelé Stonebleau, abrite une panoplie de blocs. Il s’agit du plus vaste site de la région, avec pas moins de 200 problèmes développés dès la fin des années 1990. Comme c’est un parc de conservation qui renferme des peuplements anciens âgés de trois siècles, quelques règles sont de mise par souci de respecter les écosystèmes. Notamment, la zone de piétinement est limitée à 3 m autour des blocs.
Bas-Saint-Laurent
La région du Kamouraska est le haut lieu de l’escalade dans le Bas-Saint-Laurent. On ne peut passer sous silence les vues magnifiques qui dessinent le décor enchanteur de la région. Pour le bloc, le site de Mont-Carmel vaut le détour. Il abrite une quarantaine de problèmes variés en style et en difficulté, dont plusieurs lignes spectaculaires. Ses fameuses pochettes, des prises en creux qui se présentent comme des cavités rondes, sont distinctives de l’endroit. En cours de développement depuis le milieu des années 2000, le site a été officialisé en 2017 par son intégration à la FQME.