Présenté par Tourisme Gaspésie
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Aventures automnales

Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.

Le retour du train des neiges

  • (photos Simon Diotte)

Dans les années folles du ski de fond, des milliers de Montréalais montaient chaque fin de semaine dans le p’tit train du Nord en vue de s’élancer dans les champs de neige des pays d’en haut. La construction de l’autoroute 15 a sonné le glas de ce rituel hebdomadaire. Or l’esprit du train des neiges revit grâce à l’arrivée d’un nouveau type de skieurs : les fondeurs épicuriens.

À 9 h pile, je sors de chez moi, dans le quartier Rosemont, muni de mon attirail de fondeur – collant, veste légère et sac à dos compact, en outre d’une poche de transport à l’épaule qui contient mes skis – afin de me rendre à la station de métro D’Iberville, à cinq minutes de marche. Mon but en ce jour de semaine : aller skier dans les Laurentides grâce à la combinaison métro, train et autobus. Est-il possible de passer des trottoirs glacés montréalais aux immensités enneigées en évitant l’engorgement de l’autoroute 15 ? C’est ce que nous allons voir.

Skier sans voiture, un mythe ! pensent probablement la majorité des Montréalais et des banlieusards, et sûrement presque tous les Québécois qui ne vivent pas aux abords d’une piste. Dès qu’on parle de vie en région, on dit que la voiture devient indispensable, comme un toit sur la tête. Or, notre dépendance à l’automobile nous ferait-elle oublier qu’il existe des solutions de rechange à l’auto individuelle ?

Face aux enjeux climatiques et au problème de congestion routière endémique, je ne suis pas le seul à tenter de réduire ma dépendance à l’automobile et à revoir mes modes de déplacement. C’est Jean-Sébastien Thibault, directeur général de la Corporation du P’tit Train du Nord, le parc linéaire de 234 km qui emprunte l’ancienne emprise ferroviaire, qui m’a mis sur la piste du retour du train des neiges. « On assiste à l’émergence d’une nouvelle génération de skieurs : les fondeurs épicuriens. Ceux-ci débarquent en train à Saint-Jérôme dans le but de skier de village en village comme dans les années 1930, et ils transforment leur escapade en tournée des cafés et des microbrasseries », note-t-il.

C’est que dans les alentours de la piste du P’tit Train du Nord, colonne vertébrale du tourisme sportif dans les Laurentides, troquets, bistros et microbrasseries se multiplient depuis quelques années, joli pied de nez aux chaînes de restauration rapide qui pullulent le long de l’autoroute 15. « Ce sont des adresses chaleureuses qui sont accessibles en ski ou en quelques minutes de marche à partir des pistes », souligne Jean-Sébastien Thibault.

 

Le hic, c’est que le vrai p’tit train du Nord n’existe plus, sacrifié à l’autel du progrès. La ligne a accueilli ses derniers passagers en 1981, puis la voie ferrée a été démantelée au nord de Saint-Jérôme en 1990, avant que son emprise devienne le plus long parc linéaire au Canada en 1996. Toutefois, depuis 2007, un train de banlieue s’étire jusqu’à Saint-Jérôme. Grâce à l’amélioration du réseau local de transport, l’Inter des Laurentides, redécouvrir les pistes de ski à l’ancienne, sans conduire, redevient une possibilité.

Du souterrain aux pistes

Après quatre stations de métro jusqu’à Parc, une des trois stations desservies par la ligne Montréal–Saint-Jérôme, je monte à bord à 9 h 45. On est loin de la frénésie d’antan, alors que 145 000 skieurs ont emprunté le train des neiges en 1939-1940 : en ce matin de semaine dans le sens contraire du trafic, je suis le seul passager du wagon ; je ne trouve même pas un retraité qui m’accompagne en guise de solidarité et pour jouer aux cartes (la coutume, à l’époque). J’ai une heure à tuer, moment qui servira à me détendre en écoutant de la musique et en lisant de la grande littérature existentialiste (Instagram et Facebook) sur mon téléphone. Je savoure ce rare instant de tranquillité dans mes semaines de fou, impatient de fouler les tapis de flocons.

Quinze minutes plus tard, mon état de béatitude subit toute une débarque. « Votre billet svp », m’ordonne un contrôleur que je n’avais pas vu venir. Je stresse, car je n’ai rien saisi du système de tarification d’Exo à la distributrice automatique. Oupelaye ! Je n’ai pas le bon billet. Bredouillant des excuses, je m’épargne une contravention. Du coup, mon contrôleur devenu ami m’apprend que les fondeurs de mon espèce sont de plus en plus nombreux à bord du train, tout comme les cyclistes avec leur VPS (vélos à pneus surdimensionnés). Jean-Sébastien Thibault ne m’avait donc pas conté des histoires des pays d’en haut…

Ce retour des fondeurs au train est encouragé par la société de transport Exo, qui depuis quelques années axe sur eux ses campagnes de séduction. Dans le cadre d’un projet-pilote entamé il y a trois ans, skieurs, raquetteurs et cyclistes ont la permission d’embarquer dans tous les trains d’Exo avec leur équipement encombrant. Dans Les Pays-d’en-Haut, les autobus de l’Inter des Laurentides mettent à leur disposition des supports à skis.

Lorsque je descends du train, à la gare intermodale de Saint-Jérôme, je pourrais chausser mes skis et foncer sur les premiers kilomètres urbains de la piste du P’tit Train du Nord, mais je choisis de sauter dans l’Inter des Laurentides en direction de Mont-Tremblant pour gagner Val-David, paradis du sport que pratiquait Alex Harvey. Au bout d’une heure de voyagement, j’arrive enfin en terre promise : l’intersection de la route 117 et de la rue de l’Église, à Val-David, à un jet de pierre des sentiers.

De mon domicile à la piste, mon périple en transport collectif a nécessité trois heures, le double de la durée en automobile, sauf que pendant ce temps, j’ai relaxé, rattrapé mon déficit de sommeil, lu et publié des photos sur Instagram. Preuve que je ne perds jamais mon temps ! Je me sens également libre comme l’air. Je peux aller n’importe où sur mes spatules, sans cette laisse qui m’obligerait à retourner à ma voiture. Mes skis ne sont plus seulement un équipement sportif, ils deviennent un moyen de locomotion.

Ski sous le signe de l’épicurisme

L’église de Val-David sonne les douze coups de midi. Épicurien aussi bien que fondeur, je poursuis mon expérience avec une pause lunch. Val-David, c’est la mecque des cafés et restos sympathiques. J’opte pour Général Café, institution locale qui fait face au parc linéaire. Clientèle néo-hippie et trâlée d’enfants donnent le ton. Pas de doute, nous sommes à Val-David, reconnu pour son atmosphère artistique et granole. C’est tellement agréable et accueillant que je m’éternise là-bas en dégustant un bol de café au lait. Si ce n’était de ma passion pour le ski de fond, j’y aurais traîné tout l’après-midi !

Cependant, le ciel bleu azur et le ski de fond m’interpellent. Plus de temps à perdre. Il est 13 h 30, et je prévois skier 16 km jusqu’à l’ancienne gare de Mont-Rolland, dans la municipalité de Sainte-Adèle, en passant par Val-Morin, pour en fin d’après-midi reprendre l’autobus vers la gare de train de banlieue. Mon rêve aurait été de skier les 42 km en direction sud jusqu’à Saint-Jérôme, mais un affaissement de terrain dans le secteur de Prévost bloquait le passage (problème résolu depuis).

Mon itinéraire n’est pas anodin. Dans le dessein de revivre à fond l’expérience du train des neiges, je l’ai calqué sur le trajet des skieurs de jadis, qui avaient bien compris que cette portion des Laurentides s’incline vers le sud. La piste du P’tit Train du Nord vogue à 314 m d’altitude à Val-David, 310 m à Val-Morin, 199 m à Mont-Rolland, 168 m à Prévost et 90 m à Saint-Jérôme. Si on veut voler sur la piste sans se tuer à l’ouvrage, on met cap au sud. J’ai bouffé des kilomètres sans que mes muscles s’en plaignent.

En chemin, le décor éblouit. La piste suit le lac Raymond, puis les cascades de la rivière du Nord. À ma grande surprise, moi qui n’y avais jamais posé les skis, les paysages conservent une rusticité. L’impression de grande nature se confirme. J’ai de la chance, les conditions sont parfaites. La récente pluie qui a mouillé Montréal a épargné Les Pays-d’en-Haut. Comme quoi il ne faut pas perdre espoir en glissant sur les trottoirs glacés de la métropole.

 Le moment où je suis devenu fondeur épicurien

De Sainte-Adèle, trente minutes d’autobus et je suis de retour à Saint-Jérôme vers 17 h 15. Une heure et demie d’attente avant le prochain train. Plutôt que de m’en désoler, je savoure ma chance. Ça me laisse juste le temps de faire un saut à la microbrasserie Dieu du ciel, à une demi-borne de la gare, achevant ma transformation complète en fondeur épicurien…

Je suis de retour à la maison à 20 h, où m’accueille un trio de regards médusés. Femme et fillettes ne s’expliquent pas que je revienne du ski alors que la voiture gît dans la rue sous une tonne de glace. « Comment t’as fait ? » m’interroge ma benjamine, croyant que je fais une blague ou de la sorcellerie. « J’ai été envahi par l’esprit du train des neiges, que je lui réponds fantomatiquement, et ton tour viendra… »

Ski, bonne bouffe et bonne bière, voilà la formule magique pour retrouver l’esprit du train des neiges.

 

Le ski de fond épicurien

Fondeurs-épicuriens, découvrez les chouettes commerces sis sur ou à proximité du parc linéaire du P’tit Train du Nord. Quelques suggestions en vrac.

Val-David

Le baril roulant. Auberge-restaurant offrant ses propres bières artisanales. Le long du parc linéaire.

C’est la vie Café. Au bord du parc linéaire.

Général Café. En bordure du parc linéaire.

Roc & Ride. Boutique de plein air et location de skis de fond. À quelques minutes de marche du parc linéaire.

Val-Morin

Le Mapache. Nouveau restaurant à l’ambiance mexicaine occupant l’ancienne gare.

Sainte-Adèle

Espresso Sports. Boutique de plein air et de location de skis de fond aménagée dans l’ancienne gare de Mont-Rolland.

-Les produits Starca Café bistro. Boutique de biscuits et café installée dans l’ancienne quincaillerie de Mont-Rolland. À deux pas du parc linéaire.

Prévost

Microbrasserie Charcuteries Shawbridge. Bières artisanales et repas. À un jet de pierre du parc linéaire.

Saint-Jérôme

Vert Vert Café Bistro. Directement sur la piste.

Microbrasserie Dieu du ciel. Bières artisanales et repas. Tout près de la gare et du parc linéaire.

Train des neiges 101

Itinéraire. De Montréal, de Laval ou de la couronne nord, prendre le train de banlieue Montréal–Saint-Jérôme. Départ sept jours sur sept. Par contre, les week-ends, le train s’arrête en direction Montréal à la gare De la Concorde, accessible en métro. Coût Montréal–Saint-Jérôme : 10,25 $ par passage, six passages pour 40,75 $.

exo.quebec

À Saint-Jérôme, prendre l’autobus de l’Inter des Laurentides en direction de Mont-Tremblant. Trois arrêts donnent facilement accès au parc linéaire : route 117/chemin de la Station (Prévost), route 117/400, boulevard de Sainte-Adèle (Sainte-Adèle), et route 117/rue de l’Église (Val-David). Coût : 6 $ par passage, dix passages pour 40 $, et gratuit pour les enfants de 0 à11 ans.

transportlaurentides.ca

Mon parcours d’heure en heure

9 h : Départ à pied vers le métro

9 h 10 : Transport sur la ligne bleue

9 h 25 : Arrivée au métro Parc

9 h 45 : À bord du train de banlieue

10 h 45 : Arrivée à Saint-Jérôme

10 h 55 : Virée dans l’autobus de l’Inter des Laurentides

11 h 54 : Enfin à Val-David !

12 h-13 h 30 : Lunch et surdose de caféine au Général Café

13 h 30 : Départ pour 16 km de ski

16 h 00 : Terminus à l’ancienne gare de Mont-Rolland, à Sainte-Adèle

16 h 20 : Voyagement dans l’autocar du retour

16 h 50 : De retour à la gare de train de Saint-Jérôme et après-ski au Dieu du ciel

18 h 50 : En route vers Montréal

20 h 00 : De retour au point de départ

En bref

Revivre l’expérience du train des neiges en partant de Montréal en métro, train de banlieue et autobus régional pour fouler les pistes des Pays-d’en-Haut.

ATTRAIT MAJEUR

Du café, du ski et d’la bière, nom de Dieu, que l’diable nous emporte, on n’a rien trouvé d’mieux ! (pastiche du Soldat Louis !)

COUP DE CŒUR

La traversée du lieu-dit La Coupe-de-Pierre, deux hautes parois rocheuses qui emmuraillent la piste du P’tit Train du Nord, dans le secteur de Sainte-Adèle.

ptittraindunord.com