Or blanc à l’honneur
Dans la région de Thetford Mines, jouer dehors en hiver amène inévitablement à tutoyer le riche passé minier du coin.
L’expression or blanc peut symboliser la neige et, par extension, tous les bonheurs qu’elle procure aux adeptes de plein air. Dans la région de Thetford, elle évoque plutôt un passé mono-industriel qui a laissé des traces bien visibles, tant au propre qu’au figuré. L’histoire est connue. On y a longtemps extrait l’amiante, la « pierre à coton » qu’on utilisait jadis pour isoler, insonoriser et ignifuger des maisons. Ce minerai à texture fibreuse faisait alors la renommée de ce coin du Québec, où on retrouvait la quasi-totalité des mines d’amiante exploitées au pays.
Ce même or blanc plongera par la suite la région dans une profonde crise économique et aussi un peu identitaire. Les soupçons de plus en plus fondés sur la dangerosité de l’exposition à l’amiante mènent l’Organisation mondiale de la santé à le classer comme cancérigène à la fin des années 1980. Cela ouvre la porte à son interdiction complète dans plusieurs pays où, par ailleurs, on limitait déjà son utilisation. Dans les décennies subséquentes, le marché mondial de l’amiante s’effondre et laisse dans son sillage d’immenses mines à ciel ouvert désaffectées.
C’est à ces temps révolus que je songe en chaussant mes longues spatules au cœur de Thetford Mines, sur ce qui est le club de golf de la ville lors de la belle saison. En hiver, exit les verts : le Club de ski de fond de Thetford s’approprie les lieux. On y trouve la billetterie, une salle de fartage et de location ainsi que le départ du réseau de 28 km de pistes balisées principalement réservées au classique – la Maxima, une boucle de 3,6 km, est la seule destinée au pas de patin. Au loin, j’entr’aperçois les fameuses haldes, ces montagnes de résidus miniers infertiles qui font partie intégrante du paysage.
Du renouveau
Michel Brossard, président du Club de ski de fond de Thetford, m’avait bien averti : les premiers hectomètres, sur les buttons lissés du golf, sont passablement pépères. Les sentiers difficiles, un brin plus sinueux, accidentés et intimistes, se situent de l’autre côté de la 9e Rue Sud. « Ça reste assez accessible, admet toutefois ce joyeux retraité. Notre réseau est très urbain, et nous passons essentiellement sur des propriétés privées. » Les Thetfordois aiment manifestement la formule : le Club de ski de fond de Thetford revendiquait pas moins de 900 membres la saison dernière.
Comme partout ailleurs, la pandémie de Covid-19 n’est pas étrangère à cette popularité, bien sûr. Or le succès ne tient pas qu’à une simple conjoncture sanitaire. « Il y a trois ans, le Club de ski de fond de Thetford s’est constitué en organisme à but non lucratif et a élu un nouveau conseil d’administration. Cela a donné un second souffle », raconte Michel Brossard. Les pistes, délaissées au cours des trois décennies de vie du Club, ont depuis reçu une bonne dose d’amour. Une équipe de traceurs bénévoles en motoneige s’est également mise en place.
Le retour des fondeurs sur les pistes du Club concorde avec la construction d’un relais. Le refuge est situé à environ 7 bornes du départ, ce qui offre la possibilité de profiter d’une halte au chaud lors d’une randonnée. Dans les années à venir, le Club de ski de fond de Thetford prévoit accroître le nombre de pistes. Il est même question de relier le réseau à l’Hôtel du Domaine, un luxueux complexe hôtelier sis tout près. De quoi donner le goût de prolonger son séjour à l’ombre des terrils, d’autant plus qu’il y a un autre réseau de ski de fond de 23 km à proximité : le Club de l’Or blanc, dans le secteur Black Lake.
Ici la lune
Il me faut passer par l’ancien village minier de Vimy-Ridge pour atteindre ma prochaine destination. On y trouve l’une des deux entrées des Sentiers pédestres des 3 Monts de Coleraine, un territoire de conservation de 8 km2 où se déploie une vingtaine de kilomètres de sentiers de raquette – ou de randonnée sur neige, quand c’est bien tapé – tout en longs vallons. Le lieu englobe la Réserve écologique de la Serpentine-de-Coleraine, à laquelle on accède du côté de Saint-Joseph-de-Coleraine. C’est aussi là que se situe l’accueil principal.
Qu’on puisse mettre les pieds ici est en soi exceptionnel – les réserves écologiques et zones de conservation du genre sont normalement interdites d’accès. C’est pour mieux faire passer la pilule à la population locale, habituée à fréquenter l’endroit, que le gouvernement du Québec y a autorisé la randonnée lors de sa création, en 2003. Comme le nom l’indique, les Sentiers pédestres des 3 Monts de Coleraine s’articulent autour de trois sommets distincts, les monts Caribou et Oak ainsi que la colline Kerr, qui culminent respectivement à 558, 460 et 494 m.
Moins de 2 km après le départ, me voici justement tout en haut de la plus haute de ces bosses, le mont Caribou. Des petits gisements de chromite et d’amiante (mines King, Continental, du Grand-Père…) ont été exploités au fil des décennies sur les flancs de cette montagne. Aujourd’hui, ce sont plutôt les paysages lunaires des gigantesques mines à ciel ouvert de la région qui retiennent l’attention. Une longue crête de près de 1 km au panorama dégagé les domine. Impossible de se perdre : des balises et bornes kilométriques (à tous les 500 m) ramènent dans le droit chemin.
Le Morne Blanc
Au registre des perspectives hallucinantes, le mont Adstock ne laisse pas sa place. Le Morne Blanc, comme on l’appelle parfois, permet d’admirer à 360° les Appalaches et ses nombreux lacs. En outre des pistes de ski alpin et, depuis l’hiver 2020-2021, de ski de fond, la station récréotouristique qui s’y trouve dispose de 3 km de sentiers de raquette pas piqués des vers : ça monte ! Tout en haut, à 712 m d’altitude, m’attendent des plateformes d’observation et de camping aménagées l’automne dernier. Dresser sa tente ici ? Certainement ! Il faudra revenir.
Ce voyage a été rendu possible grâce au soutien de Tourisme Chaudière-Appalaches.
En bref
Une virée pour jouer dehors dans la région de Thetford.
Attrait majeur
Les paysages miniers, qui ne sont jamais bien loin.
Coup de cœur
La crête juste après le mont Caribou, aux Sentiers pédestres des 3 Monts de Coleraine.