Destinations
Aventures automnales
Pour une virée colorée entre mer et montagnes, on met le cap sur la Gaspésie.
Aingai, Qanuippit ?Descente de la rivière Koroc
Devenez reporter pour Géo Plein Air!
Le lauréat de notre concours de journalisme au Nunavik, Rodrigo Henriquez, a exaucé un vieux rêve en explorant l’immensité sauvage des monts Torngat et en pagayant l’impétueuse Koroc. Il est revenu profondément marqué par cette expérience exceptionnelle. Compte rendu de son voyage au parc national Kuururjuaq.
Sur l’artère du Nord
Dans la toundra, sur la piste d’atterrissage improvisée, nous attendons le transfert des troupes et des bagages. Seuls Nathalie et moi demeurerons dans le parc pour une autre semaine, alors que nos amis de trek repartent vers Kangiqsualujjuaq. Du même avion débarquent Guillaume, Jake et Jimmy, trois guides d’expérience en compagnie desquels nous pagayerons sur l’impétueuse rivière Koroc jusqu’à la grande chute Korluktok. Cette section suit la trace d’une ancienne route de commerce et représente aussi un ancien couloir de chasse inuit.
Guillaume, notre guide de rivière au regard vif, est déjà à gonfler son raft que l’avion décolle dans un tintamarre assourdissant. En quelques minutes chrono, nous avons débarqué de l’avion un raft et deux canots gonflables pliés. Des barils, aussi, avec l’équipement de rivière et de camping, des fusils, quelques sacs de nourriture lyophilisée et, ô joie, une glacière débordant de légumes, fromages et charcuteries. Une manne après le régime sec de la semaine qui vient de se terminer.
De son radeau pneumatique, Guillaume, qui connaît bien la rivière, regarde le ciel, les deux rives, puis souffle: «C’est un beau spot, c’est ici que nous passerons la nuit…» Les tentes sont alors montées près d’une petite plage, à l’abri du vent, et le feu allumé avec du bois rapporté dans l’avion crépite déjà, baignant nos visages d’une douce lumière orangée. En arrière-plan, on devine le sommet Kauvvic bien au-dessus de l’ombre miroitante de l’eau. Je sens dans mes veines un afflux de sérénité bienfaisante. Le sommeil n’est pas loin.
Traverser la terre habitée
Roulade à droite, à gauche, je m’extirpe de la tente et tombe soudainement sur un lemming qui court se cacher dans un trou. Le petit-déjeuner est déjà prêt: œufs, bannique et… café! Nous voilà gâtés.
Alors que nous faisons nos premières manœuvres avec le canot, notre guide plonge sa tasse dans l’eau claire de la rivière et en boit instantanément. La Koroc, en effet d’une clarté éblouissante, débute par un parcours sinueux et paisible, avec quelques petits rapides classés I et II. En tout, une cinquantaine de kilomètres composés de rapides faciles qui se succèdent avec de longs intervalles, ce qui nous laisse le temps d’absorber l’imposant paysage. Nous quittons peu à peu les hautes terres au fil de l’eau calme. Je suis bouche bée juste à imaginer l’islandis, le retrait des glaciers et la montée du niveau de la mer. Cette vallée mythique où se sont côtoyés humains et animaux, où le temps n’est plus que saisons et mouvement, me rappelle une aînée qui m’a profondément marqué.
J’ai perdu la trace de leur passage vers la terre dénudée
sans guide pour m’orienter.»
poétesse innue originaire de Betsiamites
Notre périple se poursuit jour après jour, à observer une faune et une flore adaptées à cet environnement. Nous tomberons sur une tanière de loups; plusieurs traces indiquent que nous sommes sur leur territoire. Quelques kilomètres plus loin, où nous établissons notre campement, un vent d’est s’est levé, annonçant l’orage.
Nous pêcherons en amont, où la rivière est coincée entre deux hautes dunes. Rien ne mord. Tandis que Jake remonte un peu le courant, un harfang surgit des buissons et nous observe, ailes au vent. Je monte en courant, espérant l’apercevoir, mais rien. Jimmy et Jake scrutent le plateau et remarquent des loups au loin. Très loin, je dirais, car j’ai beau chercher, je ne vois rien qui bouge. Mes yeux n’ont pas l’acuité de ceux de mes amis inuits. Le vent fraîchit, mais le bois que nous trouvons désormais sur les rives nous permet de tenir plus longtemps dehors. À mesure que nous descendons le cours d’eau, les premiers arbres apparaissent, timides, nains agglutinés pour mieux résister aux éléments.
Le quatrième jour, nous accostons près d’une veine poissonneuse qui se déverse dans la Koroc. Une douzaine de petites truites viendront varier notre menu lyophilisé. Les saules ont grandi et sont passés en quelques jours de un à six pieds de hauteur! Le vent se lève encore, le feu rougeoie, et nous assistons à l’un des plus beaux couchers de soleil que j’ai eu la chance de voir dans ma vie.
Le lendemain, jour de «repos». Nous partons marcher sur le mont Haywood. Entre ses parois de roche lisse et le lichen fleuri, nous découvrons de vastes talles d’airelles sur tout le flanc sud-ouest du mont. À trois, nous remplissons la moitié d’une bouteille Nalgene pour le souper. Du sommet, nous voyons notre campement miniature au bord de la rivière Koroc. Après un petit croquembouche chocolat et airelles, nous redescendons dans la vallée.
Retour sur la rivière, suivant le même scénario matinal: plier bagage, défaire les tentes, fixer le tout sur nos embarcations. Quand la vallée rétrécit, la rivière se gonfle et ses rapides prennent de la puissance (du RIII au RV). Après le mont Haywood, le dénivelé est beaucoup plus important et la rivière s’alimente de quelques ruisseaux impétueux. Nous entamons une section résolument plus sportive. À la sortie d’un rapide, deux loutres jouent à plonger et à refaire surface dans l’eau turquoise. Le dernier rapide qui nous attend est un fameux RV. Tour à tour – excepté notre guide Guillaume, bien sûr –, nous goûterons aux bouillons glacés de ses rouleaux compresseurs. Pressentant le défi qui nous attend, nous aurons pris soin, auparavant, de vider nos canots de leurs charges. Sage précaution.
À mesure que les jours se succèdent, nous approchons de notre destination, Korluktok, cette magnifique chute devenue le symbole du parc. Et pour cause: son dénivelé est d’une trentaine de mètres et son eau est d’un bleu turquoise intense. Celle-ci cascade depuis les hautes terres des monts Torngat, traverse toute la vallée pour se jeter dans la baie d’Ungava. Ici, nous prenons ce territoire démesuré en pleine face.
J’ai vécu cette aventure à la puissance maximale, chacun de mes sens en éveil. Une expédition de ce genre force à se dépouiller de l’inutile et invite à se livrer aux autres – et à soi-même – tel qu’on est. Pas le choix. Il y a bel et bien de la magie dans ce territoire sacré du Nord québécois et du Labrador: on en revient changé, marqué à jamais, avec la certitude qu’il inspirera sa vie, ses relations aux autres et son lien à la nature.
Étrange qu’un territoire si isolé, peuplé d’esprits et d’animaux sauvages, donne toute sa place à l’humain. Je ne suis pas né dans les Torngat, mais j’y ai sans l’ombre d’un doute vécu une seconde naissance en y respirant, en y naviguant et en marchant dans les pas des ancêtres, en compagnie de ceux qui y vivent encore.•
Atsunaï, mes amis du 54e parallèle!
Repères
Parcs du Nunavik propose plusieurs forfaits au départ de Montréal. On peut vivre l’expérience unique d’un trekking au sommet du mont D’Iberville ou d’une descente de la rivière Koroc en canot, ou encore, jumeler les deux aventures durant le même voyage. Les professionnels du parc se chargent du relais des guides et des bagages. D’autres forfaits sont également offerts (dont un en hiver ou même des activités sur mesure selon vos goûts).
Un séjour dans ce parc est une expérience exceptionnelle, qui ne s’adresse qu’à une clientèle préparée et à l’aise dans un milieu sauvage et parfois hostile. Contracter une assurance pour ce type d’expédition en région éloignée est obligatoire; Airmedic propose une couverture pour services médicaux aéroportés à un prix compétitif (airmedic.net).
Pour toute information complémentaire, consultez Parcs du Nunavik
(nunavikparks.ca), l’association touristique du Nunavik
(nunaviktourism.com) et First Air (firstair.ca)